Le Théâtre La Chapelle dévoilait ce matin sa programmation 2012-2013.
À l’affiche
Danse-cité / Brigitte Haentjens
S’inspirant du thème de la douleur, du « corps douleur » et de ses composantes, l’œuvre se penche sur son sens figuré : la douleur du silence, celle de l’attente, de la rupture, du rejet, de la solitude, de la maladie et de la perte. Bien que le sujet semble très noir, l’intention se veut lumineuse. Elle est celle d’explorer la dramaturgie d’une douleur dans tous ses états, profondément marquée dans notre corps, et de nous confronter à l’essence de la création dans ce qu’elle a de plus pur et de plus complexe. Sur scène, un duo explosif, intime et sexué, questionnant le couple dans notre monde contemporain. Par la danse, le lien se crée. De cet échange se lient intimité, partage, choc des corps et rencontre physique et humaine.
- LA JEUNE FILLE ET LA MORVE
Brigitte Nielsen Society / Mathieu Jedrazak
«Au départ il y a le lied « La jeune fille et la mort » de Schubert, suivi évidemment de son célèbre quatuor du même nom. L’envie de créer un solo pour un interprète. A l’époque, je venais de débuter le chant lyrique et en même temps, je venais d’emménager dans mon nouvel appartement, nouveau départ, anciens problèmes. Je remarquais qu’en hiver, j’avais toujours la voix fatiguée.
Evidemment, je découvre des courants d’airs venant des portes, mais cela me pose la question plus profonde des courants d’airs de ma vie, du vide et de comment le combler, ou pas.» Mathieu Jedrazak.
Talisman Theatre / Emma Tibaldo
Ada et Hugo. Deux âmes perdues dans le maelström de L’Effet Médée. L’un et l’autre abandonnant et abandonnés – indissociables, pris dans leurs étouffements viscéraux et dans la viscosité d’un acte irréparable, écrit dans l’eau, brûlé à même le sable. Lui, metteur en scène, cherche une femme qui pourrait jouer Euripide. Elle, comédienne, se présente à l’audition, disloquée, furieuse, et le persuade d’écouter son histoire. Celle d’une femme malade d’amour, qui commet un oubli monstrueux. Une tragédie québécoise contemporaine à la géométrie classique : droites et courbes, raison et émotion, affrontement et dialogue.
Terre des Hommes / Marc Beaupré
Dom Juan entre en scène, une sténographe le suit. Il envisage les spectateurs, puis sa secrétaire. Il dicte : « Paris. 15 Février 1665. Première de Dom Juan. Tragi-comédie. Timide. Tiède. Mais chaude est la personne au bras de l’auteur, Molière. » Ces mots qui bafouent un chef d’œuvre et son auteur, la sténographe les affiche « live » sur la page Twitter de Dom Juan. Le public les découvre projetés en salle, le reste du monde peut s’y pencher, sur le web. Ce « Tweet », il transgresse le mode dramatique de l’art théâtral et initie la course effrénée du désir d’un homme. Bientôt, à la poursuite de celui-ci, le chœur des offensés qui réclame justice. Ce qu’il y a d’uncensored dans Dom Juan, ce n’est encore rien de tout ceci. En bout de course, le châtiment. Oui. Mais d’un autre ordre.
Orange Noyée / Mani Soleymanlou
Un homme, presque seul sur scène, cherche, trouve, perd, oublie, rejette et ignore tout ce qu’il a toujours pensé vouloir être. Cette pièce trace les origines de son auteur, Mani Soleymanlou, de sa naissance en Iran, jusqu’à sa résidence actuelle à Montréal, en passant par Paris, Toronto et Ottawa. Cette quête pousse l’auteur à mettre en doute ses propres origines iraniennes une fois comparée à celle de ceux et celles qui actuellement vivent en Iran, ces jeunes iraniens et iraniennes qui aujourd’hui se battent pour leur liberté, leur pays, leur vie. Comment définissons-nous qui nous sommes, d’où nous venons? Combien de temps sommes-nous quelqu’un avant que tout cela ne change? Que veut dire « être quelque chose »? Que veut dire « venir de quelque part »? Qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes? C’est une comédie!
- PARADE D’ÉTATS » ÊTRE / PARAÎTRE / DISPARAÎTRE
Ze psykotik happening project / Peter James
Les paradoxes schizophrènes de l’époque en laquelle nous sommes m’inquiètent. Tout semble possible pour le meilleur mais surtout pour le pire, pis ça va vite en christ! Une nouvelle caste, aristocratique/oligarchique, et néo-féodale, règne sur la planète. Il y a de l’hyper dans l’air. La question : combien de temps avant que ça pète? À cause de cet “état des lieux”, les extrêmes refont surface. Ça, ça veut dire qu’on va y goûter. Nous les pauvres, les femmes, les homos, les noirs, les juifs, les arabes, les intellos, les artistes. Bref, Retour vers le futur. La question : qu’est-ce qu’on fait? Une nouvelle révolution française? Il va y avoir du sang si le politique et la démocratie ne reprennent pas le pouvoir. Je rêve de kidnapper un milliardaire. La manipulation, l’aveuglement, la propagande, l’aliénation… Tout ça commence à ressembler à un film de SF. Genre Le soleil vert. Ce projet/expérience, il traite de tout ça ; la condition humaine, l’hyper société du spectacle, l’hypocrisie… Du bonheur. Y’a comme une odeur de ‘’Last call/Dernier service’’ dans l’air du temps.
Au moment où j’écris ce texte, je ne peux pas concevoir de faire de l’art pour de l’art. J’en ai assez, j’en ai plein le cul… Pas envie d’être victime de l’histoire, d’être le dindon de cette farce immonde, gluante de la pensée unique et de sa mondialisation. Envie de répondre à cette farce par la farce, à la caricature par la caricature, parce que tout ça commence à ressembler à une grotesque répétition générale de l’humanité.
Théâtre Péril / Christian Lapointe
Seul en scène pendant une heure et demie, Jocelyn Pelletier interprète ce texte « coup de poing » dans lequel rien n’est épargné : la vie de banlieue, l’économie de marché, la violence, la culture populaire, l’étroitesse d’esprit, la politique, etc. Vu d’ici se présente comme un pamphlet contre la télévision et l’abrutissement social qu’elle génère. C’est une charge contre la médiatisation outrancière qui banalise, désensibilise, asservit, aplanit. C’est aussi une virulente critique de la société québécoise contemporaine, la production télévisuelle en étant le reflet. Mais bien au-delà de la simple dénonciation, Vu d’ici se veut un appel à la dissidence, pour combattre la futilité et l’immobilisme, pour réveiller une génération endormie. Christian Lapointe met ici en scène le cri de révolte de la jeunesse, une parole forte et surtout pas politiquement correcte. Vu d’ici agit comme un cri d’alerte nous permettant de prendre conscience des effets pernicieux et dévastateurs de cet écran omniscient braqué sur nos vies.
Swan Lake / Frank Van Laeke
Une table en formica et deux chaises, l’espace sobre et intime d’un coin de scène transformé en cuisine minimale… Le lieu idéalement simple choisi par le metteur en scène Frank Van Laecke pour faire entendre les confidences d’une femme extraordinaire, celles de la comédienne Vanessa Van Durme. C’est dans un déshabillé de soie rose, pieds nus qu’elle nous accueille depuis le plateau pour nous raconter son histoire, celle du premier transsexuel de la ville de Gand. L’épopée d’une Madone réinventée et les multiples embûches d’un chemin de croix aboutissant à la libération d’une âme prisonnière qui savait ne pouvoir exister que dans un corps de femme. Avec ce monologue, dans lequel elle parle avec une franchise étonnante de son changement de sexe, elle espère faire tomber les préjugés du public et lui montrer que les gens « qui sont autres » sont aussi… des gens.
Campo / Pieter Ampe / Guilherme Garrido
A la suite de Still Difficult Duet (2007), où se rencontraient pour la première fois le Belge Pieter Ampe et le Portugais Guilherme Garrido, les deux danseurs étalent tous leurs trésors de danse et nous font miroiter de gamineries en gamineries leur caléidoscope de l’amitié. Forts de leur propre langage de danse – loin de tout ce qui se vit dans la danse contemporaine – ils vont sans vergogne à la recherche de ce qu’ils signifient l’un pour l’autre. Quelle est leur relation mutuelle ? Sont-ce des amis, des partenaires, des amants, des rivaux ou même des ennemis ?
Le seul instrument qu’ils y engagent est leur propre corps, l’ironie de la vigueur exhibée, l’intensité de leur amitié de garçons, capables de transformer leurs propres limites en virtuosité et de conjuguer le tout en une représentation dynamique où s’entremêlent rudesse, colère et amour en une seule et vaste étreinte intégrale, de nature toute physique.
Kobol
Cette création de KoboL nous plonge dans l’univers de Roch Carrier, détenteur du Prix littéraire de la Province de Québec, obtenu pour son recueil de contes : JoLisDeuiLs. Cet auteur voit, exprime le monde et réussit à dépeindre l’échiquier complexe de la vie. Les situations toutes simples transposent l’incontournable destin de l’être humain. Chaque conte est une métaphore des grandes règles qui régissent nos vies et posent des regards lucides sur le monde. L’écriture de Roch est débordante de vie. Il nous trace, en un geste ludique, les réalités angoissantes composant nos existences. Nous ne sommes que des objets en cavale dans un monde qui impose ses lois.
Les Défricheurs Théâtre
Un corps noué de secrets. Sa gorge s’ouvre; Sa poitrine se montre; Ses jambes se dressent. Il reconnaît. Formés de Marc-André Bourgault, Sharon Ibgui et Audrey Talbot, les Défricheurs s’intéressent à l’Homme moderne dépossédé qui s’efforce de retrouver sa vérité. Nous cherchons à capter la vie sur scène, dans tout ce qu’elle a de banal et de tragique, de poétique et d’authentique. Nous désirons mettre en lumière l’imperceptible et l’indicible. Dévoiler l’intimité dans la complexité et la délicatesse des sentiments. Ouverts à des formes variées, nous offrons un théâtre dont la quête se trouve dans une recherche constante de justesse et de la magie que celle-ci provoque.
Théâtre du Trillium / Pierre Antoine Lafon Simard et Marjolaine Beauchamp
Au boutte de la 309, après le stretch de sapin, entre le bar de danseuses et le landing à bateaux, grouille l’univers poétique de Marjolaine Beauchamp. S’y dévoile la voix dédoublée des femmes de misère, la rythmique mélodique d’une région mythologique, le slam théâtral des quat’roues dans’ gravelle. Marjolaine Beauchamp gratte à main nue la plaie ouverte dans la terre de ces régions qu’on veut oublier. Au son des musiciens Olivier Fairfield et Pierre-Luc Clément, Micheline Marin et Marjolaine Beauchamp peignent la tragédie intérieure d’une femme et son double cherchant la poétique à travers la fumée de cigarette et la poussière des chemins de terre. Pierre Antoine Lafon Simard signe ici une mise en scène où les mots, sciés comme les barils d’un calibre 22, strip-teasent le mal-être d’un blues bien loin de la métropole.
Les Songes Turbulents / Florent Siaud
Réécriture brûlante et résolument contemporaine des Liaisons dangereuses, le Quartett de Heiner Müller met en scène l’affrontement du Vicomte de Valmont et de la Marquise de Merteuil dans un no man’s land. « Salon d’avant la Révolution française » ? « Bunker d’après la troisième guerre mondiale » ? L’auteur emblématique de Berlin Est ne choisit pas : cet univers sera la somme de tous les lieux et de tous les temps ! Guidés par le cynisme, l’appel du plaisir et les pulsions de mort, ses libertins s’abîment dans un jeu de rôles où les frontières entre bourreau et victime, féminin et masculin s’effacent jusqu’au vertige. Du fond d’une nuit sonore et visuelle à la noirceur entêtante, deux créatures prêtent ici leur timbre, leur peau à ce texte incendiaire : Marie-Armelle Deguy, ex-pensionnaire de la Comédie Française, et Juliette Plumecocq-Mech, ancienne interprète du Théâtre du Soleil.
Théâtre À Corps Perdus / Geneviève L. Blais
Des mois, des années ou des décennies après l’interruption d’une grossesse qu’elles n’avaient pas désirée, des femmes prennent la parole. Elles cherchent à nommer, à comprendre, à accepter ou simplement à partager ce qu’elles ont vécu. L’avortement comme face à face avec soi-même, avec nos désirs, nos tabous, nos échecs, nos amours. Les récits de ces femmes s’entrecroisent et se font écho. Que ce soit dans un contexte où l’avortement est illégal, dangereux et stigmatisant, ou encore dans un cadre médical où l’intervention est légalement acceptée, elles ont souvent vécu leur avortement presque en secret, seules même si quelqu’un leur tenait la main. Sur scène, leurs témoignages prennent forme dans leurs corps, révélant leurs ébranlements ainsi que les images et les questions qui les habitent. Sans pathos mais avec des fous rires et des moments de silence. Un concerto de traces d’un événement qui peut être vécu comme un simple curetage, mais qui parfois ne l’est pas.
Le Théâtre La Chapelle dévoilait ce matin sa programmation 2012-2013.
À l’affiche
S’inspirant du thème de la douleur, du « corps douleur » et de ses composantes, l’œuvre se penche sur son sens figuré : la douleur du silence, celle de l’attente, de la rupture, du rejet, de la solitude, de la maladie et de la perte. Bien que le sujet semble très noir, l’intention se veut lumineuse. Elle est celle d’explorer la dramaturgie d’une douleur dans tous ses états, profondément marquée dans notre corps, et de nous confronter à l’essence de la création dans ce qu’elle a de plus pur et de plus complexe. Sur scène, un duo explosif, intime et sexué, questionnant le couple dans notre monde contemporain. Par la danse, le lien se crée. De cet échange se lient intimité, partage, choc des corps et rencontre physique et humaine.
«Au départ il y a le lied « La jeune fille et la mort » de Schubert, suivi évidemment de son célèbre quatuor du même nom. L’envie de créer un solo pour un interprète. A l’époque, je venais de débuter le chant lyrique et en même temps, je venais d’emménager dans mon nouvel appartement, nouveau départ, anciens problèmes. Je remarquais qu’en hiver, j’avais toujours la voix fatiguée. Evidemment, je découvre des courants d’airs venant des portes, mais cela me pose la question plus profonde des courants d’airs de ma vie, du vide et de comment le combler, ou pas.» Mathieu Jedrazak.
Ada et Hugo. Deux âmes perdues dans le maelström de L’Effet Médée. L’un et l’autre abandonnant et abandonnés – indissociables, pris dans leurs étouffements viscéraux et dans la viscosité d’un acte irréparable, écrit dans l’eau, brûlé à même le sable. Lui, metteur en scène, cherche une femme qui pourrait jouer Euripide. Elle, comédienne, se présente à l’audition, disloquée, furieuse, et le persuade d’écouter son histoire. Celle d’une femme malade d’amour, qui commet un oubli monstrueux. Une tragédie québécoise contemporaine à la géométrie classique : droites et courbes, raison et émotion, affrontement et dialogue.
Dom Juan entre en scène, une sténographe le suit. Il envisage les spectateurs, puis sa secrétaire. Il dicte : « Paris. 15 Février 1665. Première de Dom Juan. Tragi-comédie. Timide. Tiède. Mais chaude est la personne au bras de l’auteur, Molière. » Ces mots qui bafouent un chef d’œuvre et son auteur, la sténographe les affiche « live » sur la page Twitter de Dom Juan. Le public les découvre projetés en salle, le reste du monde peut s’y pencher, sur le web. Ce « Tweet », il transgresse le mode dramatique de l’art théâtral et initie la course effrénée du désir d’un homme. Bientôt, à la poursuite de celui-ci, le chœur des offensés qui réclame justice. Ce qu’il y a d’uncensored dans Dom Juan, ce n’est encore rien de tout ceci. En bout de course, le châtiment. Oui. Mais d’un autre ordre.
Un homme, presque seul sur scène, cherche, trouve, perd, oublie, rejette et ignore tout ce qu’il a toujours pensé vouloir être. Cette pièce trace les origines de son auteur, Mani Soleymanlou, de sa naissance en Iran, jusqu’à sa résidence actuelle à Montréal, en passant par Paris, Toronto et Ottawa. Cette quête pousse l’auteur à mettre en doute ses propres origines iraniennes une fois comparée à celle de ceux et celles qui actuellement vivent en Iran, ces jeunes iraniens et iraniennes qui aujourd’hui se battent pour leur liberté, leur pays, leur vie. Comment définissons-nous qui nous sommes, d’où nous venons? Combien de temps sommes-nous quelqu’un avant que tout cela ne change? Que veut dire « être quelque chose »? Que veut dire « venir de quelque part »? Qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes? C’est une comédie!
Les paradoxes schizophrènes de l’époque en laquelle nous sommes m’inquiètent. Tout semble possible pour le meilleur mais surtout pour le pire, pis ça va vite en christ! Une nouvelle caste, aristocratique/oligarchique, et néo-féodale, règne sur la planète. Il y a de l’hyper dans l’air. La question : combien de temps avant que ça pète? À cause de cet “état des lieux”, les extrêmes refont surface. Ça, ça veut dire qu’on va y goûter. Nous les pauvres, les femmes, les homos, les noirs, les juifs, les arabes, les intellos, les artistes. Bref, Retour vers le futur. La question : qu’est-ce qu’on fait? Une nouvelle révolution française? Il va y avoir du sang si le politique et la démocratie ne reprennent pas le pouvoir. Je rêve de kidnapper un milliardaire. La manipulation, l’aveuglement, la propagande, l’aliénation… Tout ça commence à ressembler à un film de SF. Genre Le soleil vert. Ce projet/expérience, il traite de tout ça ; la condition humaine, l’hyper société du spectacle, l’hypocrisie… Du bonheur. Y’a comme une odeur de ‘’Last call/Dernier service’’ dans l’air du temps.
Au moment où j’écris ce texte, je ne peux pas concevoir de faire de l’art pour de l’art. J’en ai assez, j’en ai plein le cul… Pas envie d’être victime de l’histoire, d’être le dindon de cette farce immonde, gluante de la pensée unique et de sa mondialisation. Envie de répondre à cette farce par la farce, à la caricature par la caricature, parce que tout ça commence à ressembler à une grotesque répétition générale de l’humanité.
Seul en scène pendant une heure et demie, Jocelyn Pelletier interprète ce texte « coup de poing » dans lequel rien n’est épargné : la vie de banlieue, l’économie de marché, la violence, la culture populaire, l’étroitesse d’esprit, la politique, etc. Vu d’ici se présente comme un pamphlet contre la télévision et l’abrutissement social qu’elle génère. C’est une charge contre la médiatisation outrancière qui banalise, désensibilise, asservit, aplanit. C’est aussi une virulente critique de la société québécoise contemporaine, la production télévisuelle en étant le reflet. Mais bien au-delà de la simple dénonciation, Vu d’ici se veut un appel à la dissidence, pour combattre la futilité et l’immobilisme, pour réveiller une génération endormie. Christian Lapointe met ici en scène le cri de révolte de la jeunesse, une parole forte et surtout pas politiquement correcte. Vu d’ici agit comme un cri d’alerte nous permettant de prendre conscience des effets pernicieux et dévastateurs de cet écran omniscient braqué sur nos vies.
Une table en formica et deux chaises, l’espace sobre et intime d’un coin de scène transformé en cuisine minimale… Le lieu idéalement simple choisi par le metteur en scène Frank Van Laecke pour faire entendre les confidences d’une femme extraordinaire, celles de la comédienne Vanessa Van Durme. C’est dans un déshabillé de soie rose, pieds nus qu’elle nous accueille depuis le plateau pour nous raconter son histoire, celle du premier transsexuel de la ville de Gand. L’épopée d’une Madone réinventée et les multiples embûches d’un chemin de croix aboutissant à la libération d’une âme prisonnière qui savait ne pouvoir exister que dans un corps de femme. Avec ce monologue, dans lequel elle parle avec une franchise étonnante de son changement de sexe, elle espère faire tomber les préjugés du public et lui montrer que les gens « qui sont autres » sont aussi… des gens.
A la suite de Still Difficult Duet (2007), où se rencontraient pour la première fois le Belge Pieter Ampe et le Portugais Guilherme Garrido, les deux danseurs étalent tous leurs trésors de danse et nous font miroiter de gamineries en gamineries leur caléidoscope de l’amitié. Forts de leur propre langage de danse – loin de tout ce qui se vit dans la danse contemporaine – ils vont sans vergogne à la recherche de ce qu’ils signifient l’un pour l’autre. Quelle est leur relation mutuelle ? Sont-ce des amis, des partenaires, des amants, des rivaux ou même des ennemis ?
Le seul instrument qu’ils y engagent est leur propre corps, l’ironie de la vigueur exhibée, l’intensité de leur amitié de garçons, capables de transformer leurs propres limites en virtuosité et de conjuguer le tout en une représentation dynamique où s’entremêlent rudesse, colère et amour en une seule et vaste étreinte intégrale, de nature toute physique.
Cette création de KoboL nous plonge dans l’univers de Roch Carrier, détenteur du Prix littéraire de la Province de Québec, obtenu pour son recueil de contes : JoLisDeuiLs. Cet auteur voit, exprime le monde et réussit à dépeindre l’échiquier complexe de la vie. Les situations toutes simples transposent l’incontournable destin de l’être humain. Chaque conte est une métaphore des grandes règles qui régissent nos vies et posent des regards lucides sur le monde. L’écriture de Roch est débordante de vie. Il nous trace, en un geste ludique, les réalités angoissantes composant nos existences. Nous ne sommes que des objets en cavale dans un monde qui impose ses lois.
Un corps noué de secrets. Sa gorge s’ouvre; Sa poitrine se montre; Ses jambes se dressent. Il reconnaît. Formés de Marc-André Bourgault, Sharon Ibgui et Audrey Talbot, les Défricheurs s’intéressent à l’Homme moderne dépossédé qui s’efforce de retrouver sa vérité. Nous cherchons à capter la vie sur scène, dans tout ce qu’elle a de banal et de tragique, de poétique et d’authentique. Nous désirons mettre en lumière l’imperceptible et l’indicible. Dévoiler l’intimité dans la complexité et la délicatesse des sentiments. Ouverts à des formes variées, nous offrons un théâtre dont la quête se trouve dans une recherche constante de justesse et de la magie que celle-ci provoque.
Au boutte de la 309, après le stretch de sapin, entre le bar de danseuses et le landing à bateaux, grouille l’univers poétique de Marjolaine Beauchamp. S’y dévoile la voix dédoublée des femmes de misère, la rythmique mélodique d’une région mythologique, le slam théâtral des quat’roues dans’ gravelle. Marjolaine Beauchamp gratte à main nue la plaie ouverte dans la terre de ces régions qu’on veut oublier. Au son des musiciens Olivier Fairfield et Pierre-Luc Clément, Micheline Marin et Marjolaine Beauchamp peignent la tragédie intérieure d’une femme et son double cherchant la poétique à travers la fumée de cigarette et la poussière des chemins de terre. Pierre Antoine Lafon Simard signe ici une mise en scène où les mots, sciés comme les barils d’un calibre 22, strip-teasent le mal-être d’un blues bien loin de la métropole.
Réécriture brûlante et résolument contemporaine des Liaisons dangereuses, le Quartett de Heiner Müller met en scène l’affrontement du Vicomte de Valmont et de la Marquise de Merteuil dans un no man’s land. « Salon d’avant la Révolution française » ? « Bunker d’après la troisième guerre mondiale » ? L’auteur emblématique de Berlin Est ne choisit pas : cet univers sera la somme de tous les lieux et de tous les temps ! Guidés par le cynisme, l’appel du plaisir et les pulsions de mort, ses libertins s’abîment dans un jeu de rôles où les frontières entre bourreau et victime, féminin et masculin s’effacent jusqu’au vertige. Du fond d’une nuit sonore et visuelle à la noirceur entêtante, deux créatures prêtent ici leur timbre, leur peau à ce texte incendiaire : Marie-Armelle Deguy, ex-pensionnaire de la Comédie Française, et Juliette Plumecocq-Mech, ancienne interprète du Théâtre du Soleil.
Des mois, des années ou des décennies après l’interruption d’une grossesse qu’elles n’avaient pas désirée, des femmes prennent la parole. Elles cherchent à nommer, à comprendre, à accepter ou simplement à partager ce qu’elles ont vécu. L’avortement comme face à face avec soi-même, avec nos désirs, nos tabous, nos échecs, nos amours. Les récits de ces femmes s’entrecroisent et se font écho. Que ce soit dans un contexte où l’avortement est illégal, dangereux et stigmatisant, ou encore dans un cadre médical où l’intervention est légalement acceptée, elles ont souvent vécu leur avortement presque en secret, seules même si quelqu’un leur tenait la main. Sur scène, leurs témoignages prennent forme dans leurs corps, révélant leurs ébranlements ainsi que les images et les questions qui les habitent. Sans pathos mais avec des fous rires et des moments de silence. Un concerto de traces d’un événement qui peut être vécu comme un simple curetage, mais qui parfois ne l’est pas.