Dans une lettre dévoilée aujourd’hui, Dominique Leduc, présidente du CQT, interpelle le ministre de la Culture et des Communications, monsieur Maka Kotto, sur ses récents propos médiatiques et lui rappelle les promesses de son gouvernement en matière de culture.
Monsieur le Ministre,
En tant que présidente nouvellement élue du Conseil québécois du théâtre (CQT), je souhaite tout d’abord vous féliciter pour votre nomination à titre de ministre de la Culture et des Communications. Comme vous l’a exprimé Sylvain Massé avant moi dans une lettre récente, le milieu théâtral se réjouit de votre désignation. Votre riche expérience comme artiste ne peut que vous rendre sensible à la réalité des conditions de la pratique artistique et à la place que l’art doit occuper au sein de notre société.
Je voudrais toutefois vous manifester mon inquiétude face à vos propos rapportés dans l’article du journal La Presse du 7 novembre dernier selon lesquels votre gouvernement envisagerait des compressions dans le budget du ministère de la Culture et des Communications.
Cette annonce est pour le moins surprenante. La plateforme en matière de culture du Parti Québécois (PQ) a trouvé un écho positif auprès du milieu artistique au cours de la campagne électorale — des acteurs influents du milieu culturel l’ont même appuyée publiquement — et le discours inaugural de madame Marois a suscité des attentes légitimes de notre part.
Le budget du Conseil des arts et des lettres (CALQ) stagne depuis plus de dix ans en dépit de l’augmentation considérable des coûts de production des spectacles. Bien qu’il y ait eu augmentation de l’enveloppe du programme Mécénat Placements Culture — dont ne peuvent malheureusement pas bénéficier les petites compagnies — et création d’une nouvelle enveloppe dédiée à la diffusion internationale pour compenser la disparition des programmes fédéraux, aucune augmentation n’a été allouée aux programmes de base dont dépendent pourtant la très grande majorité des compagnies et des artistes.
Nous entendons que des circonstances financières inattendues pressent le gouvernement à envisager des compressions budgétaires. Malheureusement, cet argument prévaut depuis très longtemps à tout investissement en art. Nous pensions vraiment que l’arrivée d’un gouvernement progressiste allait changer le discours et remettre l’art au centre d’un projet de société. Nous sommes préoccupés de constater que votre gouvernement remette déjà en question les principes mêmes qui l’ont porté au pouvoir pour épouser la rhétorique de ses prédécesseurs.
Il me semble que certains éléments intéressants avaient été apportés par le PQ, en campagne électorale, pour augmenter les revenus de l’État. L’impôt sur les dividendes, notamment, sur lequel le gouvernement a finalement reculé. Ou la révision de la loi sur les mines qui permettrait à l’État d’augmenter le pourcentage des redevances pour le rendre équivalent à celui de la majorité des pays du monde.
Nous vous prions d’abord de préserver intégralement les fonds dévolus au CALQ et de respecter votre promesse de hausser son enveloppe dès le prochain budget prévu pour décembre. Les arts et les lettres représentent un secteur fragile qui fait déjà beaucoup avec peu. Une compression au budget du CALQ affecterait directement la survie des artistes et des compagnies. S’il vous est impossible de faire valoir l’importance de l’art dans le projet de société que votre parti tente de mettre de l’avant et que des coupes au ministère de la Culture et des Communications s’avèrent inévitables, nous vous invitons à regarder davantage vers le secteur de l’industrie culturelle pour l’appeler à se rationaliser. Le CALQ n’a pas bénéficié de nouvel investissement pour l’ensemble de ses programmes réguliers depuis très longtemps. En contrepartie, l’industrie culturelle fut assez bien soutenue par le gouvernement précédent. Bien que ce secteur entraîne des retombées économiques notables, vous n’êtes pas sans savoir que celui des arts de la scène produit également des résultats incalculables sur le plan social, identitaire et aussi économique. Par ailleurs, les récents propos exprimés par madame Marois semblent indiquer que les arts et la culture représentent un pilier de la gouvernance péquiste : « Avec la langue française, la culture nous définit comme peuple. Nos créateurs sont à la source de cette culture et ils pourront compter sur un soutien sans faille du gouvernement. Par le biais des organismes subventionnaires, le financement à la création sera donc augmenté progressivement ».
Monsieur le Ministre, je souhaite vous amener à réfléchir aux lourds impacts que toute coupe au budget du CALQ pourrait avoir sur le milieu artistique. Une hausse de son enveloppe, dès le prochain budget, permettrait d’envoyer un signal clair quant à la bonne foi du gouvernement et à son réel attachement au dynamisme de ses artistes ainsi qu’à sa conviction dans le rôle incontournable qu’ils doivent jouer dans la société. L’impact d’un modeste investissement est immense sur la pratique et sur la qualité de l’offre artistique à la population québécoise.
En espérant sincèrement que mes arguments puissent alimenter vos réflexions au Conseil des ministres à l’heure de choix difficiles, je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.
Dominique Leduc
Présidente
Dans une lettre dévoilée aujourd’hui, Dominique Leduc, présidente du CQT, interpelle le ministre de la Culture et des Communications, monsieur Maka Kotto, sur ses récents propos médiatiques et lui rappelle les promesses de son gouvernement en matière de culture.