Quelque 20 ans après le dernier numéro de la revue consacré au « Théâtre-femmes », place à des créatrices et créateurs aux parcours féministes. Survol des préoccupations, des positions et des revendications de celles et ceux qui investissent depuis peu ces nouveaux territoires.
C’était palpable. Probablement catalysé par le printemps 2012. Il semblait, en tout cas, y avoir une ressurgence de la pratique féministe en théâtre et en danse. Après avoir été célébré, déclamé, martelé sur les plateaux du Québec dans les années 70 et 80, après un presque hiatus, le mot était enfin revenu sur le devant de la scène.
Pas étonnant : après tout, le féminisme, cette « attitude de ceux qui souhaitent que les droits des femmes soient les mêmes que ceux des hommes », difficile d’être contre.
Mais il s’avère qu’il y a un pas immense à franchir entre ne pas être contre et s’en réclamer.
Il y a, en effet, une distance incommensurable entre le fait de le revendiquer haut et fort, et celui de se sentir concerné, oui, mais de façon nuancée, à voix basse, de peur qu’en s’affichant pour l’égalité, on soit perçu comme ayant choisi notre camp… pour elles, donc contre eux.
Force est de constater que, même quand le féminisme est une partie intégrante de la démarche créatrice, il est impossible de faire abstraction des écueils et des difficultés que sous-tend cet engagement. C’est peut-être pour cette raison que, dans ce dossier, le féminisme est tour à tour qualifié d’effrayant, de douloureux, de latent, de « mot bombe ». Même dans un dossier qui lui est consacré, le féminisme arrive souvent par la bande, en filigrane. Sujet délicat.
Pour être honnête, le mot me faisait peur, à moi aussi.
Tellement chargé, ressassé, affirmatif, électif.
Comme si, pour avoir le droit de l’utiliser, il fallait passer le test.
Comme si plusieurs vagues de féministes l’avaient tellement revendiqué qu’il était intouchable.
Or, voilà, il n’y a pas qu’un féminisme. Il y a des féminismes.
Et, dans tout ce spectre, une multitude d’approches qui répondent toutes à cette envie que les femmes aient les mêmes droits que les hommes.
Parmi ces nombreuses avenues qui s’offraient à nous, nous avons senti le besoin de nous tourner vers des démarches nouvelles. Pour mettre en lumière des parcours qui n’en ont reçu que trop peu et voir de quoi demain sera fait.
En ouverture, Catherine Lalonde dresse un portrait de la comédienne Elkahna Talbi, femme de mots, auteure, slameuse. Puis Marie-Claude Garneau et Emmanuelle Sirois traitent de la controversée réception de J’accuse, une pièce pas nécessairement perçue comme féministe, bien que présentée comme telle par son auteure, Annick Lefebvre.
Des créateurs abordent ensuite la place du féminisme dans leur démarche. Au sein de la compagnie interdisciplinaire projets hybris, Mylène Bergeron et Philippe Dumaine explorent des sujets féministes et queer, ce qui leur permet de « s’intéresser aux relations de pouvoir imbriquées dans la construction des savoirs ». Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent reviennent sur les grandes étapes qui ont mené le Théâtre de l’Affamée à s’affirmer comme compagnie féministe. Empruntant un ton ironique, Marie-Pier Labrecque, Mylène Mackay et Thomas Payette de la compagnie Bye Bye Princesse dénoncent un féminisme « édulcoré, commercialisé et […] coincé dans des clichés péjoratifs ». Sofia Brault et Marie-Ève Lussier, à la suite de leur première création féministe, entretiennent un dialogue dans lequel elles font état de leur difficulté à endosser cette posture.
La danse n’est pas en reste, alors que Frédérique Doyon propose une lecture féministe de Somewhere Between Maybe de Dana Gingras. Enfin, Christian Saint-Pierre se penche sur un spectacle conçu afin que le féminin se prévale de « sa force, [de] ses droits, [de] sa plénitude », et ce, en donnant la parole à huit auteures : S’appartenir(e).
Force est de constater qu’il se peut bien que ces « nouveaux territoires » ne soient pas encore conquis. Mais pour toutes les fois où le féminisme est ici associé à un acte libérateur, subversif, à une posture politique affirmée, au fait de marcher la tête haute, l’espoir est de mise.
Quelque 20 ans après le dernier numéro de la revue consacré au « Théâtre-femmes », place à des créatrices et créateurs aux parcours féministes. Survol des préoccupations, des positions et des revendications de celles et ceux qui investissent depuis peu ces nouveaux territoires.
C’était palpable. Probablement catalysé par le printemps 2012. Il semblait, en tout cas, y avoir une ressurgence de la pratique féministe en théâtre et en danse. Après avoir été célébré, déclamé, martelé sur les plateaux du Québec dans les années 70 et 80, après un presque hiatus, le mot était enfin revenu sur le devant de la scène.
Pas étonnant : après tout, le féminisme, cette « attitude de ceux qui souhaitent que les droits des femmes soient les mêmes que ceux des hommes », difficile d’être contre.
Mais il s’avère qu’il y a un pas immense à franchir entre ne pas être contre et s’en réclamer.
Il y a, en effet, une distance incommensurable entre le fait de le revendiquer haut et fort, et celui de se sentir concerné, oui, mais de façon nuancée, à voix basse, de peur qu’en s’affichant pour l’égalité, on soit perçu comme ayant choisi notre camp… pour elles, donc contre eux.
Force est de constater que, même quand le féminisme est une partie intégrante de la démarche créatrice, il est impossible de faire abstraction des écueils et des difficultés que sous-tend cet engagement. C’est peut-être pour cette raison que, dans ce dossier, le féminisme est tour à tour qualifié d’effrayant, de douloureux, de latent, de « mot bombe ». Même dans un dossier qui lui est consacré, le féminisme arrive souvent par la bande, en filigrane. Sujet délicat.
Pour être honnête, le mot me faisait peur, à moi aussi.
Tellement chargé, ressassé, affirmatif, électif.
Comme si, pour avoir le droit de l’utiliser, il fallait passer le test.
Comme si plusieurs vagues de féministes l’avaient tellement revendiqué qu’il était intouchable.
Or, voilà, il n’y a pas qu’un féminisme. Il y a des féminismes.
Et, dans tout ce spectre, une multitude d’approches qui répondent toutes à cette envie que les femmes aient les mêmes droits que les hommes.
Parmi ces nombreuses avenues qui s’offraient à nous, nous avons senti le besoin de nous tourner vers des démarches nouvelles. Pour mettre en lumière des parcours qui n’en ont reçu que trop peu et voir de quoi demain sera fait.
En ouverture, Catherine Lalonde dresse un portrait de la comédienne Elkahna Talbi, femme de mots, auteure, slameuse. Puis Marie-Claude Garneau et Emmanuelle Sirois traitent de la controversée réception de J’accuse, une pièce pas nécessairement perçue comme féministe, bien que présentée comme telle par son auteure, Annick Lefebvre.
Des créateurs abordent ensuite la place du féminisme dans leur démarche. Au sein de la compagnie interdisciplinaire projets hybris, Mylène Bergeron et Philippe Dumaine explorent des sujets féministes et queer, ce qui leur permet de « s’intéresser aux relations de pouvoir imbriquées dans la construction des savoirs ». Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent reviennent sur les grandes étapes qui ont mené le Théâtre de l’Affamée à s’affirmer comme compagnie féministe. Empruntant un ton ironique, Marie-Pier Labrecque, Mylène Mackay et Thomas Payette de la compagnie Bye Bye Princesse dénoncent un féminisme « édulcoré, commercialisé et […] coincé dans des clichés péjoratifs ». Sofia Brault et Marie-Ève Lussier, à la suite de leur première création féministe, entretiennent un dialogue dans lequel elles font état de leur difficulté à endosser cette posture.
La danse n’est pas en reste, alors que Frédérique Doyon propose une lecture féministe de Somewhere Between Maybe de Dana Gingras. Enfin, Christian Saint-Pierre se penche sur un spectacle conçu afin que le féminin se prévale de « sa force, [de] ses droits, [de] sa plénitude », et ce, en donnant la parole à huit auteures : S’appartenir(e).
Force est de constater qu’il se peut bien que ces « nouveaux territoires » ne soient pas encore conquis. Mais pour toutes les fois où le féminisme est ici associé à un acte libérateur, subversif, à une posture politique affirmée, au fait de marcher la tête haute, l’espoir est de mise.