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Victoires | Wajdi Mouawad

D.R.

C’est le jour de l’enterrement de Victoire, une exceptionnelle étudiante de troisième année au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, qui, à vingt-quatre ans, s’est jetée de la fenêtre de son appartement. Il faut dire que celui-ci se trouvait dans un immeuble construit près d’anciens abattoirs, où le sang des bêtes a coulé en telle abondance qu’il a pu contaminer l’esprit des lieux. Tour à tour, douze camarades médusés, harcelés par un enquêteur soupçonneux, prennent la parole et transgressent, à travers certains secrets de la vie de Victoire, leurs propres peurs, silences et duplicités. Chacun se remémore sa Victoire – la reine des baiseuses, l’amoureuse, la rivale, la chiante, la salope, la grande complice, l’ennemie, mais, surtout, l’extraordinaire, jusqu’à en devenir quasi insupportable, vivante.

À partir de cette prémisse, Wajdi Mouawad élabore un subtil jeu d’emboîtement dramatique, où l’espace-temps théâtral oblige les élèves à mettre leur vie personnelle au diapason de celle de Victoire, faisant entendre à travers sa disparition tragique, en 2016, des échos du passé – de jeunes comédiens se trouvant à Montréal en 1987 – et du futur – eux-mêmes en 2045. S’ensuit un impitoyable chassé-croisé, qui dénonce et annonce les idéaux qui pourraient encore donner un sens à l’engagement fondateur de leur existence, cet aller-retour entre le réel et le théâtral. Mais l’élan vital qui a incendié le destin de Victoire, est-il possible de le partager, de le diffuser, de le faire croître dans un monde de mensonges et de trahisons et de sentiments coupables, de le reconquérir et de l’entretenir afin que durent et perdurent les rêves de chacun ? Afin que le Conservatoire ne devienne pas justement un abattoir de rêves… Afin que l’étoile noire de la mélancolie ne colore pas toute la surface de jeu… Afin que la sauvagerie des choses ne brise cet élan qui peut autant s’accomplir dans la vie que dans la mort.

Nommé en avril 2016 directeur de La Colline – théâtre national, Wajdi Mouawad est l’auteur d’un quatuor épique, Le Sang des promesses, dont le deuxième volet, Incendies, a été adapté au cinéma en 2013. Comédien, metteur en scène, il est aussi l’auteur du puissant roman Anima, traduit en plusieurs langues et maintes fois primé.

Communiqué de presse | Éditions Leméac