Formation de l'acteur et de l'actriceJulie Artacho

En publiant un dossier sur l’enseignement du jeu et ses différentes approches, sur l’offre des écoles et d’autres organismes formateurs, c’est à l’essence de l’art théâtral que nous revenons, et à un projet qui mijotait dans les cartons de Jeu depuis nombre d’années.

Il y a deux ans, la comédienne et professeure d’interprétation à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, Lise Roy (en couverture de ce numéro), a ravivé notre désir de plonger dans ce sujet essentiel en nous rappelant que l’institution où elle enseigne aura 50 ans en 2019. Elle souhaitait souligner à quel point cette université, au cœur de la ville, accessible et démocratique, a contribué au fil des ans à l’essor de notre culture, en formant des artistes engagés dans leur société, ainsi que des enseignants, des penseurs et des travailleurs culturels. Nous avons, bien sûr, élargi notre champ d’investigation aux autres organismes de formation que sont l’École nationale de théâtre du Canada, les Conservatoires d’art dramatique de Québec et de Montréal, l’École de théâtre professionnel du Collège Lionel-Groulx et l’École de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe. Nous avons aussi fait un saut à l’École nationale de cirque de Montréal et à l’École de cirque de Québec.

En dépit des performantes technologies qui ont envahi nos scènes au cours des dernières décennies, dont l’apport est indéniable – notre précédent dossier sur le numérique en témoigne –, l’art théâtral et, plus généralement, les arts du spectacle vivant, ont pour première raison d’être la rencontre des artistes avec celles et ceux qui composent le public, les publics. Les interprètes doivent acquérir un savoir-faire qui dépasse les techniques de base, incontournables, de leur métier : il leur faut développer de multiples talents, qui seront sollicités pour toutes sortes d’entreprises artistiques, souvent multidisciplinaires. Au Québec, dont le marché culturel se trouve restreint, le bassin de population étant insuffisant pour absorber la totalité d’une richesse créatrice qui fait l’envie d’autres sociétés, les artistes de la scène, pour vivre de leur art, doivent aussi lorgner vers la télévision, le cinéma, et toutes les options désormais possibles grâce à internet. Dans ce contexte, les institutions d’enseignement s’adaptent et multiplient leur offre, et le magasinage de formations à la carte prend une ampleur jamais vue auparavant.

Ce sujet d’une grande vastitude déborde largement du dossier qui lui est consacré, et nous sommes loin d’avoir épuisé la question : ce 169e numéro de Jeu met en valeur un éventail de possibilités pour celles et ceux qui veulent se produire sur scène, qu’il s’agisse de parcours institutionnels de quelques années ou d’ateliers, de stages et de classes de maîtres ponctuels, dont nos artistes sont friands, et qu’elles et ils peuvent aller chercher même à l’étranger. De quoi titiller les intérêts les plus divers !

D’entrée de jeu, François Jardon-Gomez s’est enquis auprès des six grandes écoles de leurs programmes de formation en interprétation, des méthodes et des approches privilégiées aujourd’hui, et de l’adaptation de celles-ci aux nouvelles réalités. Un an après ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Sicotte », Ralph Elawani a fait enquête, interrogeant pédagogues et artistes sur les retombées de cet épisode survenu dans la foulée du mouvement #MoiAussi. La comédienne Pénélope Deraîche Dallaire livre ses réflexions sur les liens entre la recherche-création dans un cadre universitaire et le milieu théâtral, et présente les démarches originales de Peter Batakliev et de Catherine Cédilot. Sara Thibault se penche, quant à elle, sur les réponses des écoles de théâtre aux demandes de plus en plus spécifiques de l’industrie culturelle envers les jeunes professionnels. Je me suis entretenu avec Robert Dion et Frédéric Gosselin à propos de l’importance des approches physiques dans l’enseignement du jeu, alors qu’Anne-Marie Cousineau a fait le tour des innombrables offres de formation continue pour les interprètes de la scène. Marie Labrecque a colligé les chiffres et statistiques des écoles quant à la sélection, à la formation, au taux de diplomation et de placement des finissants, et Françoise Boudreault s’est intéressée aux cours de jeu théâtral donnés aux jeunes circassiens, et à l’imbrication du travail d’acteur dans la dramaturgie du cirque.