Articles de la revue JEU 173 : Musique  !

Briller de tous ses feux

Rédacteur en chef© Shanti Loiselle

L’inauguration du Diamant, à Québec, fut certainement l’événement marquant de cette fin d’année théâtrale. Début septembre, 12 journalistes de Montréal, dont j’étais, avaient la chance, grâce à l’initiative de l’Association québécoise des critiques de théâtre, de visiter l’édifice en compagnie de son directeur général,  Bernard Gilbert, et de voir – ou revoir, 25 ans après sa création – Les Sept Branches de la rivière Ota. Le nouveau complexe, dont la façade est ornée d’une œuvre de l’artiste Claudie Gagnon, Atome ou le fruit des étoiles, en plein cœur du Vieux-Québec, jouxte le Capitole, face au Palais Montcalm, place d’Youville. Étonnant assemblage de verre, de béton et de bois de cinq étages, lumineux, aérien, accueillant malgré ses dimensions impressionnantes, le Diamant a été construit sur les restes de l’ancien YMCA, du fameux Cinéma de Paris et du bar Le Shoeclack déchaîné, entre autres, dont on a su mettre en valeur de rares et précieux éléments architecturaux d’origine. Le foyer avec ses colonnes de bronze, ses planchers et ses arches de bois, le studio Lepage Beaulieu – du nom des fondateurs Robert Lepage et Lynda Beaulieu –, la salle de répétition, vaste et modulable, les bureaux et la terrasse dominant la place, tout a été pensé pour l’efficacité, le confort et le point de vue.

Au Diamant ont été mises en place une politique d’accessibilité, avec des prix abordables – on y garde en réserve 30 billets de dernière minute, vendus à moitié prix une heure avant le début d’un spectacle, même s’il affiche complet – et une grande ouverture sur la communauté. Tout au long de la visite, Bernard Gilbert réitère l’importance des partenariats que la nouvelle salle entend nouer avec le milieu culturel de la région. Au programme : cinéma, opéra, théâtre, cirque, multimédia et manifestations populaires du type combats de lutte, œuvres à grand déploiement, d’ici et d’ailleurs, ou propositions plus intimistes ; on vise large, dans un engagement à faire rayonner les meilleures réalisations artistiques et à favoriser l’accès à celles-ci.

Le nom de Robert Lepage sera à jamais attaché à ce lieu, considéré comme son plus durable legs à sa ville. Si le Diamant n’aurait jamais vu le jour sans Lepage, précise Bernard Gilbert, celui-ci n’en est nullement propriétaire ; il s’agit d’une entité indépendante, un OBNL – pas un théâtre mais un lieu de diffusion pluridisciplinaire –, et Ex Machina, compagnie en résidence, n’occupera jamais plus de deux sièges au conseil d’administration. Cela dit, d’autres œuvres de l’artiste y seront créées ou reprises, comme le solo 887 (à l’affiche jusqu’au 20 décembre) ou ces Sept Branches…, spectacle magistral d’une durée de sept heures, voyage incroyable dans l’histoire du 20e siècle, où la culture japonaise côtoie la québécoise, l’européenne, l’américaine. Une extraordinaire odyssée théâtrale, se distillant le plus souvent dans une lenteur peuplée de silences, comme on a peu l’occasion d’en voir sur nos scènes! Les évocations en peu de mots, les images parlantes, l’importance des sujets traités, les couches de sens qui s’accumulent, la qualité des formidables interprètes, tout cela fut salué par une clameur spontanée au bout du marathon, et une immense vague d’amour a accueilli la présence sur le plateau du metteur en scène au moment des saluts. Avec ce Diamant, la population de Québec et du Québec se voit offrir un bijou inestimable, qui fera accourir les foules pour découvrir le théâtre d’ici. Y compris de Montréal, car voici que se déplace un peu le point focal de notre création théâtrale, la Vieille Capitale se signalant de plus en plus par son audace1.

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En cette fin d’année de tous les bouleversements, où il faut tout de même célébrer la créativité et l’engagement, nous vous offrons un numéro qui met la musique, celle qui berce et celle qui brasse, à l’honneur. Qu’il s’agisse de théâtre musical et d’opéra, ou d’œuvres hybrides où le jeu, le chant, parfois la danse, sont mis à contribution, les propositions sont multiples et le public, toujours au rendez-vous. Plusieurs artistes qui chantent, composent ou jouent la musique au théâtre se joignent à la flamboyante Kathleen Fortin (en couverture) pour témoigner de leur passion et vous inviter à l’écoute.

Notes :

  1. Un article d’Alain-Martin Richard en ces pages dresse un portrait des lieux d’émergence de la jeune création, particulièrement innovante, à Québec.

 

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À propos de

Journaliste dans le domaine culturel depuis 40 ans, Raymond Bertin a collaboré à divers médias à titre de critique de livres et de théâtre (Voir, Lurelu, Collections) et a été rédacteur pour plusieurs institutions du milieu. Membre de l’équipe de rédaction de JEU depuis 2005, il en assume la rédaction en chef depuis 2017 et a porté, au fil des ans, son intérêt sur toutes les formes de théâtre d’ici et d’ailleurs. Il œuvre également comme enseignant à la formation continue dans un collège montréalais.