Rédacteur en chef© Shanti Loiselle

L’art place l’humain au centre de l’univers pour l’interroger, l’émouvoir, le charmer et l’instruire, le brusquer afin de l’éveiller, et lui permettre d’exprimer ses convictions, ses peurs, sa folie, sa démesure. La culture tend des ponts vers l’autre, offre des occasions de rassemblement qui soudent les communautés, fait circuler les fluides sensibles, tous horizons et générations confondues. Nous pouvons nous réjouir, au Québec, du bouillonnement créatif qui nous distingue. Mais la chaîne de création-production-diffusion des arts du spectacle vivant est fragile, maintenue par la passion des individus, dans une trop fréquente précarité. Le dossier « Jeunes publics » en fait état à nouveau. Particulièrement dans ce secteur, si chaque spectacle qui voit le jour est un petit miracle, c’est aussi une source d’espoir, un antidote à l’angoisse, une fenêtre ouvrant sur des possibles.

Ces dernières années, les artistes et le milieu théâtral ont été interpellés à propos de leur rôle dans la société, en lien avec des enjeux importants qui dépassent les strictes limites du monde artistique. La parité hommes-femmes, le respect des cultures minoritaires, la reconnaissance de l’apport artistique autochtone, la perspective d’un art théâtral où les rôles peuvent être attribués sans égard au genre ou à l’origine ethnoculturelle des interprètes, apparaissent comme des voies de développement souhaitables et encouragées. Des instances mises sur pied par des regroupements de créatrices et de créateurs ont poussé la réflexion afin de proposer des avenues vers une évolution positive des choses.

La chronique de notre rédactrice en chef adjointe, Sophie Pouliot, rend compte du rapport substantiel publié à l’automne 2019, à la suite du chantier féministe organisé à l’Espace GO par les Femmes pour l’Équité en Théâtre (F.E.T.) au printemps précédent. Le milieu et les instances subventionnaires devront prendre acte des recommandations qui y sont énoncées. Au même moment, un autre rapport, d’étape celui-ci, issu des discussions et consultations tenues par le comité Théâtre et Diversité culturelle du Conseil québécois du théâtre (CQT), s’intéressant aux problématiques de l’appropriation culturelle et de la représentation de la diversité sur les scènes et dans les organisations théâtrales, était soumis aux membres de l’organisme réuni·es en congrès. Cette question de la présence non équitable, dans l’espace public, des artistes issu·es de la diversité occupe les débats depuis longtemps – le congrès du CQT de 2015 lui était déjà consacré –, et des changements se font enfin de plus en plus perceptibles, dans les faits et dans les mentalités. Le document mentionne des initiatives collaboratives et l’exigence d’actions concrètes favorisant cette évolution.

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Pour que les adultes de demain intègrent l’art à leur vie comme une nécessité et non comme un luxe – ce qui est encore le cas pour une grande partie de l’humanité, faut-il le rappeler –, c’est dès l’enfance, voire la petite enfance, que les efforts doivent porter. Là aussi, des questions se posent ; la présentation du dossier « Jeunes publics » par sa responsable, Michelle Chanonat, en témoigne : si les femmes sont majoritaires dans ce milieu, on peut se demander pourquoi. « Serait-ce parce que cela concerne les enfants et, par conséquent, les femmes ? » se demande-t-elle. De la même façon, tout le questionnement sur quoi dire aux enfants et comment, dans une société sous haute surveillance, perdure. Les observations et réflexions réunies ici nourriront assurément les débats…