vie histoire contée idiot

La vie […] est une histoire contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. Macbeth

La marche du monde, telle que montrée, expliquée, parfois rabâchée jusqu’à plus soif par les médias, n’a rien de rassurant en ces jours de rentrée culturelle pourtant attendue, désirée par des publics avides de sensations artistiques, de poésie, de plaisir ou de recueillement. Les bouleversements politiques et économiques provoqués par la guerre en Ukraine, l’inflation, les pénuries, la multiplication de situations climatiques extrêmes s’ajoutent au retour imprévu de la COVID, qui se transforme mais touche toujours un nombre important de personnes. Cet été, c’est sur une base volontaire que le masque a été porté dans les transports en commun et les salles de spectacles…

Tout n’est pas revenu à la normale, loin de là, dans le milieu du spectacle vivant, mais l’optimisme est de rigueur. Le printemps 2022 fut plutôt encourageant : on a pu assister à des œuvres fortes ayant comblé l’appétit de nombreux spectateurs et spectatrices, alors que plusieurs salles affichaient complet. Pour ma part, j’ai eu le privilège d’être invité au Festival international Shakespeare de Craiova, en Roumanie, au moment où se déroulait chez nous le Festival TransAmériques. J’y ai vu une jeunesse friande de spectacles – offerts en roumain, en hongrois, en allemand, en lituanien, en anglais – et ai pu me reconnecter avec l’univers théâtral étranger, après avoir vibré au 887 de Robert Lepage, qui inaugurait l’événement. 

Les artistes et les travailleurs et travailleuses culturelles d’ici n’ont pas chômé au cours des derniers mois, et les programmations touffues des théâtres et autres lieux de diffusion en font foi. L’offre est multiple, variée et, si tout se passe bien cet automne, nous aurons de nombreuses occasions de nous réjouir, cela, sans doute, avec une conscience plus aiguë de la fragilité de notre milieu et des bienfaits de la culture pour notre société. Souhaitons que tout aille pour le mieux et qu’on permette à l’art vivant de contrebalancer le bruit incessant de la machine médiatique, qui, elle, c’est son rôle, ne s’arrête jamais.

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Si la vie, « de bruit et de fureur », ne signifie rien pour Macbeth, le silence, lui, se révèle souvent plein de sens. Nous vous offrons aujourd’hui un dossier sur ce sujet qui peut surprendre et qui, pourtant, a suscité de captivantes réflexions chez nos collaborateurs et collaboratrices. Comme celles menées par Debbie Lynch-White (notre photo de couverture) dans son texte sur « l’interprète impressionniste », qui nous rappelle que « le silence, au théâtre, est un lieu de tensions entre dit, non-dit, non-verbal et sous-texte ». Le silence se manifeste de diverses façons ; les articles le soulignent en abordant le mime, le butō, le travail des artistes sourd·es, mais aussi les voix muselées, qui, de plus en plus, enfin, se font entendre. Ce vaste sujet déborde dans les autres sections, une chronique évoquant la « théâtralisation du silence » au cinéma et un enjeu s’intéressant à l’omniprésence des micros sur nos scènes.

Magique, le silence, quand il joue de toute sa force et que la qualité de présence des interprètes lui permet, lorsqu’il survient, de nous extirper totalement des bruits du monde fou, souvent affolant, qui nous entoure. C’est l’une des grâces que je nous souhaite en cette rentrée automnale, où, avec l’appui de l’équipe de rédaction, je demeure en poste, heureux de poursuivre le travail d’accompagnement et de diffusion des démarches et des œuvres de nos créateurs et créatrices. Excellent retour en salles, et bonne lecture !

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À propos de

Journaliste dans le domaine culturel depuis 40 ans, Raymond Bertin a collaboré à divers médias à titre de critique de livres et de théâtre (Voir, Lurelu, Collections) et a été rédacteur pour plusieurs institutions du milieu. Membre de l’équipe de rédaction de JEU depuis 2005, il en assume la rédaction en chef depuis 2017 et a porté, au fil des ans, son intérêt sur toutes les formes de théâtre d’ici et d’ailleurs. Il œuvre également comme enseignant à la formation continue dans un collège montréalais.