Avec cette performance débridée d’une artiste qu’on qualifie sans ambages de « rockstar littéraire », on est bien loin de la traditionnelle lecture publique. Le Festival international de la littérature, fondé en 1994 et qui bat son plein jusqu’au 4 octobre, est en cela fidèle à sa mission de présenter les écrits novateurs dans les plus divers écrins du spectacle vivant. Avec cette artiste acadienne, maintenant implantée à Montréal, on est bien loin de la Sagouine, même s’il est question dès le départ de homards et de sirènes prises par les harpons des chasseurs…
Dans un espace blanc dégagé, encadré par le public disposé sur des gradins en bi-frontal, l’entrée en scène de Xénia Gould se fait percutante, marquée par la musique tonitruante et les acclamations de ses fans. Son costume-carapace de homard flamboyant et extravagant ne masque en rien l’évidence d’une présence charismatique, au sourire éclatant, au regard franc et à la voix forte. Dans la salle intime de l’Usine C, sa posture agile et volontaire, bien campée sur des bottillons à talons aiguilles, nous projette aisément en imagination sur la scène d’un stade enflammé.
La rockstar, dès qu’elle prend la parole, dans son chiac si coloré où le français s’amalgame aux tournures et aux mots anglais, établit instantanément le contact avec l’assistance grâce à son humour mordant. Mais rapidement vont percer une rage de vivre et la profondeur d’une quête identitaire où guette la tragédie. Le parcours de celle qui fut un petit garçon gay dans l’ambiance rétrograde, rurale et religieuse de Shediac, la « capitale mondiale du homard », et joueur de hockey avant de devenir humoriste et drag queen, puis d’entamer sa transition de genre en 2023, est pour le moins étonnant, touchant, voire bouleversant.
J’rewind, j’rewind, j’rewind…
C’est par un retour mémoriel vers son enfance que s’élabore la reconstruction qui mènera à la naissance d’un nouvel être humain assumé pleinement en tant que femme trans. Xénia Gould y relate avec une verve inépuisable les réminiscences de jeux avec ses cousins et cousines, s’émerveillant encore de leurs escapades en pleine nature. Surtout, elle y retrouve la présence rassurante des femmes de sa famille, sa grand-mère et sa tante, qui ont su envelopper l’enfant d’attention bienveillante. Elle ne peut s’empêcher de se demander, aujourd’hui, « si c’tes femmes-là m’aimeraient still sans ma barbe », car sa vie a basculé – pour le mieux – au fil de choix décisifs.
En rewindant encore et encore pour comprendre ce qui lui est arrivé, le personnage plus vrai que vrai de Xénia Gould plonge dans les affres d’une existence où le regard sociétal était dur, mortifère, ce qui l’a menée au bord du suicide, dont elle fut sauvée par un mot. La force des mots, chez cette artiste hors norme, se révèle intrinsèquement liée aux actions physiques d’un corps à présent superbement assumé. La métaphore de la mue se fait riche, jusqu’à l’aveu final : « Je suis un homme mort grâce à elles ». L’hommage à ces femmes qui ont su l’aimer apparaît en même temps comme une sorte de fierté de la sagesse ancestrale acadienne.
Faut-il préciser que l’accompagnement de la metteuse en scène Angela Konrad a permis à la performeuse, véritable bête de scène, d’aller au bout de son incarnation scénique ? Il faut la voir, et se réjouir que Xénia Gould soit artiste associée à l’Usine C, où on espère la revoir bientôt.
Texte et performance : Xénia Gould. Mise en scène et conseil dramaturgique : Angela Konrad. Costume : Xénia Lucie Laffely. Lumière et régie : Marie-Aube St. Amand Duplessis. Son : Laure Anderson. Production déléguée : Festival international de la littérature (FIL) 2025, en codiffusion avec l’Usine C. Présenté à l’Usine C dans le cadre du FIL les 25, 26 et 27 septembre 2025.
Avec cette performance débridée d’une artiste qu’on qualifie sans ambages de « rockstar littéraire », on est bien loin de la traditionnelle lecture publique. Le Festival international de la littérature, fondé en 1994 et qui bat son plein jusqu’au 4 octobre, est en cela fidèle à sa mission de présenter les écrits novateurs dans les plus divers écrins du spectacle vivant. Avec cette artiste acadienne, maintenant implantée à Montréal, on est bien loin de la Sagouine, même s’il est question dès le départ de homards et de sirènes prises par les harpons des chasseurs…
Dans un espace blanc dégagé, encadré par le public disposé sur des gradins en bi-frontal, l’entrée en scène de Xénia Gould se fait percutante, marquée par la musique tonitruante et les acclamations de ses fans. Son costume-carapace de homard flamboyant et extravagant ne masque en rien l’évidence d’une présence charismatique, au sourire éclatant, au regard franc et à la voix forte. Dans la salle intime de l’Usine C, sa posture agile et volontaire, bien campée sur des bottillons à talons aiguilles, nous projette aisément en imagination sur la scène d’un stade enflammé.
La rockstar, dès qu’elle prend la parole, dans son chiac si coloré où le français s’amalgame aux tournures et aux mots anglais, établit instantanément le contact avec l’assistance grâce à son humour mordant. Mais rapidement vont percer une rage de vivre et la profondeur d’une quête identitaire où guette la tragédie. Le parcours de celle qui fut un petit garçon gay dans l’ambiance rétrograde, rurale et religieuse de Shediac, la « capitale mondiale du homard », et joueur de hockey avant de devenir humoriste et drag queen, puis d’entamer sa transition de genre en 2023, est pour le moins étonnant, touchant, voire bouleversant.
J’rewind, j’rewind, j’rewind…
C’est par un retour mémoriel vers son enfance que s’élabore la reconstruction qui mènera à la naissance d’un nouvel être humain assumé pleinement en tant que femme trans. Xénia Gould y relate avec une verve inépuisable les réminiscences de jeux avec ses cousins et cousines, s’émerveillant encore de leurs escapades en pleine nature. Surtout, elle y retrouve la présence rassurante des femmes de sa famille, sa grand-mère et sa tante, qui ont su envelopper l’enfant d’attention bienveillante. Elle ne peut s’empêcher de se demander, aujourd’hui, « si c’tes femmes-là m’aimeraient still sans ma barbe », car sa vie a basculé – pour le mieux – au fil de choix décisifs.
En rewindant encore et encore pour comprendre ce qui lui est arrivé, le personnage plus vrai que vrai de Xénia Gould plonge dans les affres d’une existence où le regard sociétal était dur, mortifère, ce qui l’a menée au bord du suicide, dont elle fut sauvée par un mot. La force des mots, chez cette artiste hors norme, se révèle intrinsèquement liée aux actions physiques d’un corps à présent superbement assumé. La métaphore de la mue se fait riche, jusqu’à l’aveu final : « Je suis un homme mort grâce à elles ». L’hommage à ces femmes qui ont su l’aimer apparaît en même temps comme une sorte de fierté de la sagesse ancestrale acadienne.
Faut-il préciser que l’accompagnement de la metteuse en scène Angela Konrad a permis à la performeuse, véritable bête de scène, d’aller au bout de son incarnation scénique ? Il faut la voir, et se réjouir que Xénia Gould soit artiste associée à l’Usine C, où on espère la revoir bientôt.
Juste vide ton cœur
Texte et performance : Xénia Gould. Mise en scène et conseil dramaturgique : Angela Konrad. Costume : Xénia Lucie Laffely. Lumière et régie : Marie-Aube St. Amand Duplessis. Son : Laure Anderson. Production déléguée : Festival international de la littérature (FIL) 2025, en codiffusion avec l’Usine C. Présenté à l’Usine C dans le cadre du FIL les 25, 26 et 27 septembre 2025.