Ovation bien méritée jeudi dernier pour la première médiatique du Bizarre incident du chien pendant la nuit. Marianne Marceau, finement insérée dans la peau et les os de Christopher, 15 ans, attire comme un aimant tout ce qui vibre dans la salle et sur la scène. Dans sa locution hésitante ou précipitée, dans ses jeux de mains aux doigts entrecroisés, dans son corps entravé, dans son regard égaré, elle occupe entièrement l’espace. Elle se fond dans ce personnage atypique, neurodivergent, affublé d’une intelligence et d’une mémoire phénoménales, porté par des valeurs non négociables.
Lui qui connaît le comportement des astres célestes, le futur mathématicien-professeur d’université, le prochain Turing, doit d’abord apprendre comment fonctionne la société. Au matin, lorsqu’il découvre le chien de la voisine mort, empalé par une fourche, il décide de résoudre cette horrible affaire.
Cette enquête deviendra pour lui un rite initiatique vers l’âge adulte, à travers plusieurs passages qui le forcent à affronter le monde pour trouver sa vraie nature et qui nous font découvrir en même temps comment réagit un cerveau atteint du trouble du spectre de l’autisme. Deux obsessions déclenchent un tsunami autour de lui : trouver l’assassin de Wellington, son grand ami le chien, et passer son examen de mathématiques avancées qu’il sait pouvoir réussir avec A+, ce qui lui garantira son entrée à l’université. Cette enquête, qui lui semblait une chose simple au départ, soulèvera un voile opaque sur sa famille et l’entraînera dans une aventure périlleuse vers Londres.
Des casiers mobiles dans le crâne
La mise en scène de Marie-Josée Bastien et la scénographie d’Élène Pearson se soutiennent et se relancent mutuellement pour déployer sur le plateau un fabuleux enchaînement de métamorphoses. Les matériaux sont montés en structures rectangulaires ou cubiques, pleines ou évidées, toutes sur roulettes. Ainsi, ce décor en mouvement continu devient une pertinente métaphore de l’ébranlement de Christopher. Comme s’il sortait du cube à chaque épreuve pour s’ouvrir au monde, faisant éclater la boîte de son enfermement.
Cette remarquable chorégraphie de modules est activée par les autres comédiens et comédiennes, qui assument en même temps les innombrables rôles de cette épopée. Ils se déguisent, changent de peau et de costumes, entrent en relation étroite avec l’adolescent, deviennent foule bigarrée et menaçante dans le tube londonien, montent et démontent la rue où se joue le drame… Une mise en scène époustouflante qui reste toutefois d’une grande limpidité. Jamais nous ne sommes perdu∙es.
Cette production, résultat d’une grande complicité, offre une rare symbiose entre le jeu et les multiples conceptions. Les éclairages très précis de Nyco Desmeules s’accrochent parfaitement aux personnages dans leurs postures éphémères. Les costumes loufoques et colorés d’Églantine Mailly illustrent la perception que Christopher a du monde extérieur. La musique de Vincent Roy amplifie les moments où le jeune adolescent subit un stress et que sa tête part en vrille. Suivent les silences prolongés, réservoirs d’émotions, qui nous permettent d’absorber les crises.
Les déplacements de groupe orchestrés par Harold Rhéaume coulent avec aisance dans le métro, dans les rues de la capitale… Parsemées au long du spectacle, des trouvailles insolites illuminent de brefs intermèdes comiques. Tout converge vers Marianne Marceau, pure densité que ce va-et-vient constant ne parvient pas à troubler. Sa détermination se confond avec celle de son personnage. Elle se maintient dans cet état liminal, possédée elle aussi par l’obsession de pouvoir devenir à travers lui le rêveur d’étoiles. Après avoir surmonté tous les obstacles, Christopher se demande : « Est-ce que ça veut dire que je peux tout faire ? »
Texte : Simon Stephens, basé sur le roman de Mark Haddon. Traduction québécoise : Maryse Warda. Mise en scène : Marie-Josée Bastien. Assistance à la mise en scène : Jeanne Skura. Scénographie : Élène Pearson. Costumes : Églantine Mailly. Éclairages : Nyco Desmeules. Musique : Vincent Roy. Mouvements : Harold Rhéaume. Intervenante spécialisée : Julie Lahaye. Avec Frédérique Bradet, Gaïa Cherrat Naghshi, Jean-Michel Déry, Érika Gagnon, Jonathan Gagnon, Linda Laplante, Marianne Marceau, Christian Michaud, Anne Painchaud et Élie St-Cyr. Une production du Trident présentée au Théâtre du Trident, avec l’aimable autorisation de Warner Bros. Entertainment, jusqu’au 11 octobre 2025.
Ovation bien méritée jeudi dernier pour la première médiatique du Bizarre incident du chien pendant la nuit. Marianne Marceau, finement insérée dans la peau et les os de Christopher, 15 ans, attire comme un aimant tout ce qui vibre dans la salle et sur la scène. Dans sa locution hésitante ou précipitée, dans ses jeux de mains aux doigts entrecroisés, dans son corps entravé, dans son regard égaré, elle occupe entièrement l’espace. Elle se fond dans ce personnage atypique, neurodivergent, affublé d’une intelligence et d’une mémoire phénoménales, porté par des valeurs non négociables.
Lui qui connaît le comportement des astres célestes, le futur mathématicien-professeur d’université, le prochain Turing, doit d’abord apprendre comment fonctionne la société. Au matin, lorsqu’il découvre le chien de la voisine mort, empalé par une fourche, il décide de résoudre cette horrible affaire.
Cette enquête deviendra pour lui un rite initiatique vers l’âge adulte, à travers plusieurs passages qui le forcent à affronter le monde pour trouver sa vraie nature et qui nous font découvrir en même temps comment réagit un cerveau atteint du trouble du spectre de l’autisme. Deux obsessions déclenchent un tsunami autour de lui : trouver l’assassin de Wellington, son grand ami le chien, et passer son examen de mathématiques avancées qu’il sait pouvoir réussir avec A+, ce qui lui garantira son entrée à l’université. Cette enquête, qui lui semblait une chose simple au départ, soulèvera un voile opaque sur sa famille et l’entraînera dans une aventure périlleuse vers Londres.
Des casiers mobiles dans le crâne
La mise en scène de Marie-Josée Bastien et la scénographie d’Élène Pearson se soutiennent et se relancent mutuellement pour déployer sur le plateau un fabuleux enchaînement de métamorphoses. Les matériaux sont montés en structures rectangulaires ou cubiques, pleines ou évidées, toutes sur roulettes. Ainsi, ce décor en mouvement continu devient une pertinente métaphore de l’ébranlement de Christopher. Comme s’il sortait du cube à chaque épreuve pour s’ouvrir au monde, faisant éclater la boîte de son enfermement.
Cette remarquable chorégraphie de modules est activée par les autres comédiens et comédiennes, qui assument en même temps les innombrables rôles de cette épopée. Ils se déguisent, changent de peau et de costumes, entrent en relation étroite avec l’adolescent, deviennent foule bigarrée et menaçante dans le tube londonien, montent et démontent la rue où se joue le drame… Une mise en scène époustouflante qui reste toutefois d’une grande limpidité. Jamais nous ne sommes perdu∙es.
Cette production, résultat d’une grande complicité, offre une rare symbiose entre le jeu et les multiples conceptions. Les éclairages très précis de Nyco Desmeules s’accrochent parfaitement aux personnages dans leurs postures éphémères. Les costumes loufoques et colorés d’Églantine Mailly illustrent la perception que Christopher a du monde extérieur. La musique de Vincent Roy amplifie les moments où le jeune adolescent subit un stress et que sa tête part en vrille. Suivent les silences prolongés, réservoirs d’émotions, qui nous permettent d’absorber les crises.
Les déplacements de groupe orchestrés par Harold Rhéaume coulent avec aisance dans le métro, dans les rues de la capitale… Parsemées au long du spectacle, des trouvailles insolites illuminent de brefs intermèdes comiques. Tout converge vers Marianne Marceau, pure densité que ce va-et-vient constant ne parvient pas à troubler. Sa détermination se confond avec celle de son personnage. Elle se maintient dans cet état liminal, possédée elle aussi par l’obsession de pouvoir devenir à travers lui le rêveur d’étoiles. Après avoir surmonté tous les obstacles, Christopher se demande : « Est-ce que ça veut dire que je peux tout faire ? »
Le bizarre incident du chien pendant la nuit
Texte : Simon Stephens, basé sur le roman de Mark Haddon. Traduction québécoise : Maryse Warda. Mise en scène : Marie-Josée Bastien. Assistance à la mise en scène : Jeanne Skura. Scénographie : Élène Pearson. Costumes : Églantine Mailly. Éclairages : Nyco Desmeules. Musique : Vincent Roy. Mouvements : Harold Rhéaume. Intervenante spécialisée : Julie Lahaye. Avec Frédérique Bradet, Gaïa Cherrat Naghshi, Jean-Michel Déry, Érika Gagnon, Jonathan Gagnon, Linda Laplante, Marianne Marceau, Christian Michaud, Anne Painchaud et Élie St-Cyr. Une production du Trident présentée au Théâtre du Trident, avec l’aimable autorisation de Warner Bros. Entertainment, jusqu’au 11 octobre 2025.