Comédie de boulevard signée par le romancier et dramaturge français en vogue Florian Zeller et inspirée par la pièce britannique de Simon Gray Otherwise Engaged, Une heure de tranquillité table sur une histoire plutôt simple.
Un bourgeois quinquagénaire vient tout juste de mettre la main sur le Saint Graal : le disque de jazz qu’il cherche depuis des années et qui complétera son exhaustive collection. Ne reste plus qu’à déposer l’aiguille diamantée sur les sillons du vinyle pour que Michel puisse accéder à ce qui, pour ce mélomane collectionneur, promet d’être la quintessence du bonheur.
Or, cette béatitude extatique lui sera refusée par les membres de son entourage qui feront tour à tour irruption dans son antre cossue. Son épouse a un aveu à lui faire, sa maîtresse veut révéler leur aventure à la conjointe cocufiée, son fils veut changer de prénom, le voisin du dessous est inondé à la suite des travaux menés par un entrepreneur douteux dans l’appartement de Michel. Bref, celui-ci, malgré toute l’insensibilité et tout l’égoïsme qu’il déploiera à cette fin, n’arrive pas à s’arroger l’heure de tranquillité qu’il désire consacrer à sa trouvaille tant espérée.
La pièce repose pratiquement sur les épaules de l’interprète de Michel, protagoniste qui, à part l’entrepreneur rigolo – mais demeurant schématique et très peu présent sur scène – livré par Antoine Vézina, jouit du quasi-monopole des répliques comiques. La question fatidique à laquelle il faille répondre est donc celle-ci : Roger Larue se montre-t-il à la hauteur du défi qui lui incombe? Le comédien campe avec justesse son personnage. Néanmoins, s’il extirpe quelques rires à l’auditoire, d’aucuns regretteront sans doute que le potentiel humoristique des situations et des dialogues n’ait pas été exploité jusqu’à la lie. En résulte un divertissement certes amusant, mais un brin… tranquille. Ironique que l’objet de la quête acharnée du héros se révèle être le lest plombant la production.
Contribue à cette placidité la mise en scène sans surprise de Monique Duceppe. Non que le parti pris de la sobriété soit condamnable. Au contraire, tourner le texte de Zeller en une grossière bouffonnerie n’aurait certainement servi personne. Cependant, un léger surcroît de vigueur dans la comédie n’aurait sans doute pas nui. À preuve, le moment le plus drôle, mais aussi l’un des plus vrais et sentis de la soirée est celui où Michel redit à satiété le nom de l’amant de son épouse en faisant une moue qui marie stupeur et mépris. Que l’on puisse considérer cette simple combinaison de répétitions et de grimaces comme l’apothéose de la soirée s’avère plutôt révélateur…
Quoi qu’il en soit, au nombre des qualités de ce spectacle, citons l’adaptation québécoise sans fausse note qu’a tirée Monique Duceppe du texte français. En outre, l’apparition sur scène de Laurent Duceppe, en éternel adolescent de trente-trois ans affichant un style gothico-punk tonitruant se révèle rafraîchissante. Ce personnage d’enfant gâté – et hargneux – qui refuse de vieillir s’inscrit probablement dans le portrait de société qu’entend peindre Une heure de tranquillité et dont le motif principal est l’individualisme. Car dans l’univers de Michel, ne comptent que ses désirs, ne sont réels et dignes de considération que ses sentiments et l’argent peut évacuer bien des soucis. L’infidélité de sa compagne l’offusque davantage parce que son droit de propriété est outrepassé que parce que son amour est bafoué. Et le seul véritable lien qu’il ait tissé au cours de son existence est celui qui l’unit à son propre plaisir. Heureusement, les mésaventures de cet égocentrique anti-héros connaîtront une fin réjouissante… que nous nous garderons bien de dévoiler.
Texte de Florian Zeller. Mise en scène de Monique Duceppe. Une production de la Compagnie Jean Duceppe présentée au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 6 février 2016.
Comédie de boulevard signée par le romancier et dramaturge français en vogue Florian Zeller et inspirée par la pièce britannique de Simon Gray Otherwise Engaged, Une heure de tranquillité table sur une histoire plutôt simple.
Un bourgeois quinquagénaire vient tout juste de mettre la main sur le Saint Graal : le disque de jazz qu’il cherche depuis des années et qui complétera son exhaustive collection. Ne reste plus qu’à déposer l’aiguille diamantée sur les sillons du vinyle pour que Michel puisse accéder à ce qui, pour ce mélomane collectionneur, promet d’être la quintessence du bonheur.
Or, cette béatitude extatique lui sera refusée par les membres de son entourage qui feront tour à tour irruption dans son antre cossue. Son épouse a un aveu à lui faire, sa maîtresse veut révéler leur aventure à la conjointe cocufiée, son fils veut changer de prénom, le voisin du dessous est inondé à la suite des travaux menés par un entrepreneur douteux dans l’appartement de Michel. Bref, celui-ci, malgré toute l’insensibilité et tout l’égoïsme qu’il déploiera à cette fin, n’arrive pas à s’arroger l’heure de tranquillité qu’il désire consacrer à sa trouvaille tant espérée.
La pièce repose pratiquement sur les épaules de l’interprète de Michel, protagoniste qui, à part l’entrepreneur rigolo – mais demeurant schématique et très peu présent sur scène – livré par Antoine Vézina, jouit du quasi-monopole des répliques comiques. La question fatidique à laquelle il faille répondre est donc celle-ci : Roger Larue se montre-t-il à la hauteur du défi qui lui incombe? Le comédien campe avec justesse son personnage. Néanmoins, s’il extirpe quelques rires à l’auditoire, d’aucuns regretteront sans doute que le potentiel humoristique des situations et des dialogues n’ait pas été exploité jusqu’à la lie. En résulte un divertissement certes amusant, mais un brin… tranquille. Ironique que l’objet de la quête acharnée du héros se révèle être le lest plombant la production.
Contribue à cette placidité la mise en scène sans surprise de Monique Duceppe. Non que le parti pris de la sobriété soit condamnable. Au contraire, tourner le texte de Zeller en une grossière bouffonnerie n’aurait certainement servi personne. Cependant, un léger surcroît de vigueur dans la comédie n’aurait sans doute pas nui. À preuve, le moment le plus drôle, mais aussi l’un des plus vrais et sentis de la soirée est celui où Michel redit à satiété le nom de l’amant de son épouse en faisant une moue qui marie stupeur et mépris. Que l’on puisse considérer cette simple combinaison de répétitions et de grimaces comme l’apothéose de la soirée s’avère plutôt révélateur…
Quoi qu’il en soit, au nombre des qualités de ce spectacle, citons l’adaptation québécoise sans fausse note qu’a tirée Monique Duceppe du texte français. En outre, l’apparition sur scène de Laurent Duceppe, en éternel adolescent de trente-trois ans affichant un style gothico-punk tonitruant se révèle rafraîchissante. Ce personnage d’enfant gâté – et hargneux – qui refuse de vieillir s’inscrit probablement dans le portrait de société qu’entend peindre Une heure de tranquillité et dont le motif principal est l’individualisme. Car dans l’univers de Michel, ne comptent que ses désirs, ne sont réels et dignes de considération que ses sentiments et l’argent peut évacuer bien des soucis. L’infidélité de sa compagne l’offusque davantage parce que son droit de propriété est outrepassé que parce que son amour est bafoué. Et le seul véritable lien qu’il ait tissé au cours de son existence est celui qui l’unit à son propre plaisir. Heureusement, les mésaventures de cet égocentrique anti-héros connaîtront une fin réjouissante… que nous nous garderons bien de dévoiler.
Une heure de tranquillité
Texte de Florian Zeller. Mise en scène de Monique Duceppe. Une production de la Compagnie Jean Duceppe présentée au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 6 février 2016.