L’arrivée sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde du tandem formé par l’auteur Étienne Lepage et la metteuse en scène Catherine Vidal, qui ont travaillé quatre ans à adapter L’Idiot de Dostoïevski, était attendue. L’attente n’aura pas été vaine : malgré qu’on puisse avoir quelques réserves, cette production, qui réunit une distribution hors pair, se révèle riche et profonde, drôle et d’une résonnance toute contemporaine. Les créateurs se sont autorisé une liberté salutaire.
Il aurait été facile, ou à tout le moins tentant, devant ce monument de la littérature mondiale, roman de 700 pages, chef-d’œuvre d’une grande complexité, de s’écraser pour en faire un spectacle muséal dont le sens se serait perdu dans les références à l’époque et à la situation géographique d’origine. Une approche que Lepage et Vidal ont rejetée d’emblée, souhaitant extraire l’essentiel de l’œuvre, cette expression sans fard des contradictions de l’être humain, pris entre pulsion et raison, désirs et intérêts, audace et crainte, bien et mal inextricablement entrelacés.
Ces antagonismes se manifestent notamment à travers les figures opposées et complémentaires du prince Mychkine, d’une bonté d’âme insolite qui le désigne « idiot » au sens commun, et de Rogogine, le « méchant » dévoré par la passion, impulsif et imprévisible, capable du pire. L’amitié qui se lie entre eux, portée sans faille par le souriant Renaud Lacelle-Bourdon et l’explosif Francis Ducharme, impeccables, crée une tension dramatique qui se répercute dans toutes les sphères de la fable, marquant les relations des êtres en présence. Le personnage ambigu de Nastassia Filippovna, jeune femme blessée, abusée à l’adolescence, dont plusieurs redoutent la vengeance, sera l’agneau sacrifié d’une humanité que les enjeux sociaux ont éloignée de toute bienveillance.
Le choix d’une langue décomplexée, orale et directe, où la prononciation à la québécoise paraît par moments un peu appuyée, était une audace relevant du défi. Mais le jeu d’une apparente simplicité, dont on sait qu’elle relève d’un travail minutieux, où les personnages s’expriment en allant droit au but, sans afféterie, confère à l’ensemble une grande efficacité. La hardiesse de supprimer le quatrième mur pour multiplier les adresses au public, procédé parfois racoleur, quand on veut à tout prix nous faire rire, contribue tout de même à l’identification du public au destin des protagonistes et, surtout, à leur questionnement sur les valeurs d’empathie, d’amour et de respect.
Avec une scénographie relativement dépouillée, un plateau vide au début, couvert d’un tapis rose parsemé de cubes de même couleur, puis, en deuxième partie, d’un tréteau surélevé qui servira d’enceinte pour une fête et de refuge à Rogogine, l’accent est mis sur les relations entre les personnages. Les costumes, signés Elen Ewing, sont flamboyants, stylisés et colorés, évocateurs du statut social de chacun et chacune, comme de leur personnalité caractéristique et différenciée. Évelyne Brochu, en Nastassia, montre une autorité imposante, cachant sa fragilité et son désarroi qui affleurent peu à peu. Paul Ahmarani campe un Lebedev hilarant de louvoiement consommé. Les scènes d’ensemble sont particulièrement réussies, rythmées, et les enjeux sont clairs.
Texte : Étienne Lepage, d’après le roman de Dostoïevski. Mise en scène : Catherine Vidal. Scénographie : Geneviève Lizotte. Costumes : Elen Ewing. Éclairages : Alexandre Pilon-Guay. Musique : Francis Rossignol. Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti. Avec Paul Ahmarani, Frédéric Blanchette, Évelyne Brochu, Henri Chassé, Francis Ducharme, Renaud Lacelle-Bourdon, Simon Lacroix, Dominique Leclerc, Macha Limonchik, Paul Savoie, David Strasbourg et Rebecca Vachon. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 14 avril 2018.
L’arrivée sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde du tandem formé par l’auteur Étienne Lepage et la metteuse en scène Catherine Vidal, qui ont travaillé quatre ans à adapter L’Idiot de Dostoïevski, était attendue. L’attente n’aura pas été vaine : malgré qu’on puisse avoir quelques réserves, cette production, qui réunit une distribution hors pair, se révèle riche et profonde, drôle et d’une résonnance toute contemporaine. Les créateurs se sont autorisé une liberté salutaire.
Il aurait été facile, ou à tout le moins tentant, devant ce monument de la littérature mondiale, roman de 700 pages, chef-d’œuvre d’une grande complexité, de s’écraser pour en faire un spectacle muséal dont le sens se serait perdu dans les références à l’époque et à la situation géographique d’origine. Une approche que Lepage et Vidal ont rejetée d’emblée, souhaitant extraire l’essentiel de l’œuvre, cette expression sans fard des contradictions de l’être humain, pris entre pulsion et raison, désirs et intérêts, audace et crainte, bien et mal inextricablement entrelacés.
Ces antagonismes se manifestent notamment à travers les figures opposées et complémentaires du prince Mychkine, d’une bonté d’âme insolite qui le désigne « idiot » au sens commun, et de Rogogine, le « méchant » dévoré par la passion, impulsif et imprévisible, capable du pire. L’amitié qui se lie entre eux, portée sans faille par le souriant Renaud Lacelle-Bourdon et l’explosif Francis Ducharme, impeccables, crée une tension dramatique qui se répercute dans toutes les sphères de la fable, marquant les relations des êtres en présence. Le personnage ambigu de Nastassia Filippovna, jeune femme blessée, abusée à l’adolescence, dont plusieurs redoutent la vengeance, sera l’agneau sacrifié d’une humanité que les enjeux sociaux ont éloignée de toute bienveillance.
Le choix d’une langue décomplexée, orale et directe, où la prononciation à la québécoise paraît par moments un peu appuyée, était une audace relevant du défi. Mais le jeu d’une apparente simplicité, dont on sait qu’elle relève d’un travail minutieux, où les personnages s’expriment en allant droit au but, sans afféterie, confère à l’ensemble une grande efficacité. La hardiesse de supprimer le quatrième mur pour multiplier les adresses au public, procédé parfois racoleur, quand on veut à tout prix nous faire rire, contribue tout de même à l’identification du public au destin des protagonistes et, surtout, à leur questionnement sur les valeurs d’empathie, d’amour et de respect.
Avec une scénographie relativement dépouillée, un plateau vide au début, couvert d’un tapis rose parsemé de cubes de même couleur, puis, en deuxième partie, d’un tréteau surélevé qui servira d’enceinte pour une fête et de refuge à Rogogine, l’accent est mis sur les relations entre les personnages. Les costumes, signés Elen Ewing, sont flamboyants, stylisés et colorés, évocateurs du statut social de chacun et chacune, comme de leur personnalité caractéristique et différenciée. Évelyne Brochu, en Nastassia, montre une autorité imposante, cachant sa fragilité et son désarroi qui affleurent peu à peu. Paul Ahmarani campe un Lebedev hilarant de louvoiement consommé. Les scènes d’ensemble sont particulièrement réussies, rythmées, et les enjeux sont clairs.
L’Idiot
Texte : Étienne Lepage, d’après le roman de Dostoïevski. Mise en scène : Catherine Vidal. Scénographie : Geneviève Lizotte. Costumes : Elen Ewing. Éclairages : Alexandre Pilon-Guay. Musique : Francis Rossignol. Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti. Avec Paul Ahmarani, Frédéric Blanchette, Évelyne Brochu, Henri Chassé, Francis Ducharme, Renaud Lacelle-Bourdon, Simon Lacroix, Dominique Leclerc, Macha Limonchik, Paul Savoie, David Strasbourg et Rebecca Vachon. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 14 avril 2018.