Critiques

L’homme de Hus : l’impossible maîtrise de la matière

L'homme de HusOlivier Chambrial
L'homme de HusOlivier Chambrial

On s’est tous et toutes, un jour, retrouvé·es démuni·es devant un objet technologique qui ne fonctionnait pas, ou dont on ne connaissait pas le fonctionnement, sans savoir comment réagir. Dans L’homme de Hus, Camille Boitel met en lumière une humanité aux prises avec un monde saturé d’objets, autonomes et imprévisibles, répondant de manière aléatoire à leur manipulation. 

« Hus » est le mot pour désigner la maison en danois. Dans cette région du monde, la maison est souvent en bois, comme les tréteaux qui font office de scènes pour les théâtres itinérants au XVIIe siècle. L’artiste a choisi de faire s’épouser les deux symboles aussi chers aux gens de théâtre qu’aux ouvriers du bâtiment. 

L’homme de HusOlivier Chambrial

Tout commence sous une lumière blafarde alors qu’un homme en chemise de nuit tente d’installer une table avec deux tréteaux et un morceau de bois. Mais rien ne fonctionne comme il le souhaite, chaque élément semblant vouloir vivre sa propre histoire, différente des volontés de l’homme. L’image renvoie au questionnement de la place de l’humain dans le monde des objets qu’il s’est créé. La même chose arrive lorsqu’il essaie de s’asseoir sur une chaise pliante récalcitrante, rien ne se passe comme il le souhaite. Devant cette impossibilité de dompter les objets, l’homme va ensuite s’attaquer à des montagnes de tréteaux, qui attendaient dans le noir, et qu’il va faire bouger comme des vagues, à moins que ce ne soit les objets eux-mêmes qui se meuvent et que l’homme devienne juste un accessoire.

Sans véritable parole, du moins compréhensible, il va nous tenir en haleine pendant 60 minutes dans son combat contre la matière. Parfois découragé, il refait les mêmes choses, pose les mêmes actions, avec une patience inusitée, même si rien ne fonctionne. Au bout de la patience, sa colère explose et l’homme en devient touchant, dépassé par ses hordes de tréteaux en mouvement qu’il a du mal à canaliser.  

L’homme de HusOlivier Chambrial

Près de vingt ans après sa création, Camille Boitel a décidé de reprendre ce spectacle qui a fait sa réputation à travers le monde et qui reste à la base de son travail de création. Acrobate virtuose et puissant, il est en totale maîtrise de son art, de sa gestuelle, tout en sachant parfaitement composer les émotions qui transparaissent sur son visage. Jonglant aussi bien avec les tréteaux qu’avec les codes du cirque, du théâtre de rue et du burlesque, certaines scènes rappellent l’excentricité et la démesure de Djandgo Edwards. Camille Boitel rend son fantasque personnage attachant, et même émouvant à mesure que les éléments se déchaînent sur lui. 

L’homme de Hus

Un spectacle de et avec : Camille Boitel. Idée originale : Bénédicte Le Lemer et Camille Boitel. Assistante à tout : Alice Boitel. Lumière : Laure Couturier. Manipulations : Guillaume Béguinot. Manipulations et régie lumière : Vincent Beaume. Manipulations et régie son : Silvère Boitel et Kenzo Bernard. Construction : Camille Boitel et Denis Bourgoin. Théâtre La Chapelle, en collaboration avec La Tohu, jusqu’au 16 février 2019.