L’entrée se fait au compte-goutte dans la petite salle du théâtre La Chapelle après une réouverture sans doute laborieuse. Premier spectacle de la saison, La Vie littéraire, monologue effréné porté par la voix de Mathieu Arsenault, auteur du livre éponyme paru en 2014 aux éditions Le Quartanier, s’inscrit dans la programmation du Festival international de la littérature (FIL). Émergeant d’une noirceur totale, Mathieu Arsenault cède à l’urgence d’une prise de parole en s’accrochant à la seule chose qui soit le moindrement lumineuse : le nom doré, imprimé sur son chandail, de Vickie Gendreau, son amie chère et une icône fulgurante des marges de la littérature québécoise décédée en 2012 d’une tumeur au cerveau.
La narratrice qu’il incarne, jeune autrice au regard lucide face aux paradoxes du milieu littéraire, récite une seule phrase interminable, une seule phrase vaine et condamnée d’avance, usant du sarcasme en guise de drapeau blanc, une déclamation qui semble ne vouloir s’arrêter qu’avec la mort. Tout en se maintenant en vie par l’écriture (à la fois en tant qu’écrivaine et personnage de fiction), elle la remet en question, l’ironise et parle contre elle. Truffé à la fois de références littéraires nichées et de renvois à une culture populaire accaparante et déstigmatisée, le monologue relativise l’importance accordée aux artifices dans une industrie littéraire estimée sclérosée. L’adaptation à la scène de La Vie littéraire ne fait que confirmer le flou quant au genre particulier de ce livre qui l’auréolait lors de sa parution; une œuvre hybride, entre fiction et réalité, entre essai, récit et théâtre, entre flot de pensées secrètes et scansions dénonciatrices. Le texte du spectacle se colle à celui du livre, dans la mesure où il se présente sans ponctuation. Par contre, l’absence d’une quelconque organisation des idées par chapitres ou par fragments enlève, sur scène, l’effet d’une progression.
La Vie littéraire illustre bien le déchirement moral et le cercle vicieux qu’enclenche l’adhésion au milieu culturel et plus particulièrement littéraire; une industrie qui aspire ses auteurs et autrices en quête d’un lectorat dans l’art de plaire et le diktat des apparences, comme un serpent qui se mangerait la queue sans relâche. Cependant, cette portée critique se perd dans une livraison chaotique du texte qui rend sa compréhension difficile sans une lecture préalable. La puissance énonciatrice qui se trouve dans la subjectivité et la singularité d’une parole traitant d’un sujet relativement hermétique, mais qui parvient à le rendre universel, est diluée dans une interprétation hâtive et nerveuse. Bien que cette production ait été présentée en mars 2017 sur les mêmes planches, il s’agit de la première expérience théâtrale de Mathieu Arseneault, dont la présence scénique s’avère peu assumée quoique charmante.
La sobre mise en scène de Christian Lapointe privilégie la prise de parole. Monté sur un piédestal, voire sur une marche, Mathieu Arsenault n’est accompagné que d’un halo de lumière, de son ombre projetée et d’un micro qui ponctuera le rythme de son monologue fiévreux. Une voix fébrile, chevrotante, pressée, en furie, porte un discours dense dont les seuls dérivatifs sont une main qui replace frénétiquement des cheveux et un torse qui se gonfle. Le tout se rapproche davantage de la mise en lecture que de la prestation; un choix qui semble néanmoins approprié au contexte du FIL.
Durant 45 minutes, Mathieu Arsenault incarne son écriture (ou l’écriture de sa narratrice). Pour elle, quand tout a déjà été écrit, la seule reconnaissance qui demeure accessible est celle que peut amener le fait de s’effacer pour devenir le personnage qu’on méprise. Il est incontestable que La Vie littéraire mérite une tribune, ne serait-ce que pour la valeur revendicatrice décomplexée dont le livre est empreint. Or, est-ce qu’une scène de théâtre est véritablement la tribune adéquate ? Il est permis de se poser la question. De plus, n’est-ce pas abdiquer son indignation contre un système culturel aliénant que d’offrir à son œuvre l’aval institutionnel qu’entraîne inévitablement une production théâtrale ? N’est-ce pas là une douce ironie ?
Texte et interprétation : Mathieu Arsenault. Collaboration : Christian Lapointe et Simon Dumas. Assistance à la mise en scène : Lola Tillard. Une production de Rhizome en coproduction avec Carte Blanche et la Maison de la littérature présentée, à l’occasion du Festival international de la littérature (FIL), à La Chapelle Scènes Contemporaines jusqu’au 30 septembre 2020.
L’entrée se fait au compte-goutte dans la petite salle du théâtre La Chapelle après une réouverture sans doute laborieuse. Premier spectacle de la saison, La Vie littéraire, monologue effréné porté par la voix de Mathieu Arsenault, auteur du livre éponyme paru en 2014 aux éditions Le Quartanier, s’inscrit dans la programmation du Festival international de la littérature (FIL). Émergeant d’une noirceur totale, Mathieu Arsenault cède à l’urgence d’une prise de parole en s’accrochant à la seule chose qui soit le moindrement lumineuse : le nom doré, imprimé sur son chandail, de Vickie Gendreau, son amie chère et une icône fulgurante des marges de la littérature québécoise décédée en 2012 d’une tumeur au cerveau.
La narratrice qu’il incarne, jeune autrice au regard lucide face aux paradoxes du milieu littéraire, récite une seule phrase interminable, une seule phrase vaine et condamnée d’avance, usant du sarcasme en guise de drapeau blanc, une déclamation qui semble ne vouloir s’arrêter qu’avec la mort. Tout en se maintenant en vie par l’écriture (à la fois en tant qu’écrivaine et personnage de fiction), elle la remet en question, l’ironise et parle contre elle. Truffé à la fois de références littéraires nichées et de renvois à une culture populaire accaparante et déstigmatisée, le monologue relativise l’importance accordée aux artifices dans une industrie littéraire estimée sclérosée. L’adaptation à la scène de La Vie littéraire ne fait que confirmer le flou quant au genre particulier de ce livre qui l’auréolait lors de sa parution; une œuvre hybride, entre fiction et réalité, entre essai, récit et théâtre, entre flot de pensées secrètes et scansions dénonciatrices. Le texte du spectacle se colle à celui du livre, dans la mesure où il se présente sans ponctuation. Par contre, l’absence d’une quelconque organisation des idées par chapitres ou par fragments enlève, sur scène, l’effet d’une progression.
La Vie littéraire illustre bien le déchirement moral et le cercle vicieux qu’enclenche l’adhésion au milieu culturel et plus particulièrement littéraire; une industrie qui aspire ses auteurs et autrices en quête d’un lectorat dans l’art de plaire et le diktat des apparences, comme un serpent qui se mangerait la queue sans relâche. Cependant, cette portée critique se perd dans une livraison chaotique du texte qui rend sa compréhension difficile sans une lecture préalable. La puissance énonciatrice qui se trouve dans la subjectivité et la singularité d’une parole traitant d’un sujet relativement hermétique, mais qui parvient à le rendre universel, est diluée dans une interprétation hâtive et nerveuse. Bien que cette production ait été présentée en mars 2017 sur les mêmes planches, il s’agit de la première expérience théâtrale de Mathieu Arseneault, dont la présence scénique s’avère peu assumée quoique charmante.
La sobre mise en scène de Christian Lapointe privilégie la prise de parole. Monté sur un piédestal, voire sur une marche, Mathieu Arsenault n’est accompagné que d’un halo de lumière, de son ombre projetée et d’un micro qui ponctuera le rythme de son monologue fiévreux. Une voix fébrile, chevrotante, pressée, en furie, porte un discours dense dont les seuls dérivatifs sont une main qui replace frénétiquement des cheveux et un torse qui se gonfle. Le tout se rapproche davantage de la mise en lecture que de la prestation; un choix qui semble néanmoins approprié au contexte du FIL.
Durant 45 minutes, Mathieu Arsenault incarne son écriture (ou l’écriture de sa narratrice). Pour elle, quand tout a déjà été écrit, la seule reconnaissance qui demeure accessible est celle que peut amener le fait de s’effacer pour devenir le personnage qu’on méprise. Il est incontestable que La Vie littéraire mérite une tribune, ne serait-ce que pour la valeur revendicatrice décomplexée dont le livre est empreint. Or, est-ce qu’une scène de théâtre est véritablement la tribune adéquate ? Il est permis de se poser la question. De plus, n’est-ce pas abdiquer son indignation contre un système culturel aliénant que d’offrir à son œuvre l’aval institutionnel qu’entraîne inévitablement une production théâtrale ? N’est-ce pas là une douce ironie ?
La Vie littéraire
Texte et interprétation : Mathieu Arsenault. Collaboration : Christian Lapointe et Simon Dumas. Assistance à la mise en scène : Lola Tillard. Une production de Rhizome en coproduction avec Carte Blanche et la Maison de la littérature présentée, à l’occasion du Festival international de la littérature (FIL), à La Chapelle Scènes Contemporaines jusqu’au 30 septembre 2020.