Créé il y a 20 ans, présenté 4000 fois aussi bien au Canada qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, en Australie et en Afrique du Sud, 2 Pianos 4 Hands du duo Ted Dykstra et Richard Greenblatt (qui signe ici une mise en scène réussie) demeure un spectacle particulièrement jouissif. En effet, même si elle se veut largement autobiographique, la pièce possède cette universalité qui saura toucher quiconque a reçu, que ce soit deux ou dix ans, des leçons de musique, mais aussi tous ceux qui ont souhaité se dépasser à travers la pratique d’une activité parascolaire, qu’elle soit artistique ou sportive.
Il faut bien admettre que l’enseignement de la musique classique n’a malheureusement pas évolué tant que cela au cours du dernier siècle. L’apprenti musicien doit apprendre à tisser une relation de confiance avec le pédagogue – ce qui n’est pas donné, ni d’un côté ni de l’autre –, mais surtout accepter que seules de longues heures passées à l’instrument, en solitaire, à répéter inlassablement des passages difficiles et à dompter ses doigts de façon mécanique. Au fil des ans, il finira non pas par devenir excellent, mais par dépasser le stade d’une certaine médiocrité et peut-être, un jour devenir «le meilleur du quartier» comme le découvrent plus ou moins à leurs dépens les deux protagonistes.
Ce faisant, l’artiste en herbe croisera des musiciens frustrés qui enseignent, des juges de concours blasés ou trop enthousiastes, mais aussi d’autres enfants qui, surtout dans les hautement compétitives sphères du piano et du violon, seront parfois prêts à bien des bassesses pour se hisser sur les plus hautes marches du podium.
Cela donne lieu à une galerie de personnages (que les deux pianistes/acteurs se partagent) souvent désopilante : le professeur qui tente d’instiller les notions de rythme à l’élève et se sert de métaphores monétaires, le présentateur de festival qui n’en peut plus de ces interminables journées pendant lesquelles un public captif doit subir toujours les mêmes pièces, le partenaire de duo qui, le jour du concours, fait une crise de panique et est incapable de jouer sa partie, la mère de famille qui raconte sa vie lors de la leçon, l’alcoolique imbibé qui exige d’entendre «pour la première fois» Piano Man de Billy Joel, alors que Richard vient tout juste de l’interpréter…
Le défi de la production reste important, car les deux complices doivent pouvoir jouer un répertoire exigeant (attendu d’étudiants de niveau universitaire), mais aussi quelques standards de jazz, pop (ou l’incontournable Chopsticks), en plus de pouvoir chanter, bouger et endosser une vingtaine de personnages différents.
Reza Jacobs et Bryce Zulak, complémentaires dans leurs attitudes et même leur façon d’approcher l’instrument, sont ici absolument impeccables. Qu’ils personnifient l’enfant lassé de travailler qui téléphone à son ami pour prévoir un match de hockey de rue ou le parent qui menace de vendre le piano pour que l’adolescent ait une «vraie» carrière, on y croit et on rit beaucoup, fortissimo… du moins si l’on a quelques bases.
Alors que les spécialistes attraperont tous les clins d’œil (le moment où le jeune homme énumère des noms de dizaines de compositeurs, mais se révèle incapable de nommer un seul compositeur canadien relève de la pièce d’anthologie), d’autres pourront sans doute être largués quand sont abordées les notions de théorie musicale et ne pas saisir entièrement la portée du propos. Belle idée d’ailleurs d’avoir inclus la liste de pièces interprétées dans le programme, pour ceux qui souhaiteraient y revenir dans un autre contexte.
Texte de Ted Dykstra et Richard Greenblatt. Mise en scène de Richard Greenblatt. Au Théâtre Centaur jusqu’au 25 mai 2014.
Créé il y a 20 ans, présenté 4000 fois aussi bien au Canada qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, en Australie et en Afrique du Sud, 2 Pianos 4 Hands du duo Ted Dykstra et Richard Greenblatt (qui signe ici une mise en scène réussie) demeure un spectacle particulièrement jouissif. En effet, même si elle se veut largement autobiographique, la pièce possède cette universalité qui saura toucher quiconque a reçu, que ce soit deux ou dix ans, des leçons de musique, mais aussi tous ceux qui ont souhaité se dépasser à travers la pratique d’une activité parascolaire, qu’elle soit artistique ou sportive.
Il faut bien admettre que l’enseignement de la musique classique n’a malheureusement pas évolué tant que cela au cours du dernier siècle. L’apprenti musicien doit apprendre à tisser une relation de confiance avec le pédagogue – ce qui n’est pas donné, ni d’un côté ni de l’autre –, mais surtout accepter que seules de longues heures passées à l’instrument, en solitaire, à répéter inlassablement des passages difficiles et à dompter ses doigts de façon mécanique. Au fil des ans, il finira non pas par devenir excellent, mais par dépasser le stade d’une certaine médiocrité et peut-être, un jour devenir «le meilleur du quartier» comme le découvrent plus ou moins à leurs dépens les deux protagonistes.
Ce faisant, l’artiste en herbe croisera des musiciens frustrés qui enseignent, des juges de concours blasés ou trop enthousiastes, mais aussi d’autres enfants qui, surtout dans les hautement compétitives sphères du piano et du violon, seront parfois prêts à bien des bassesses pour se hisser sur les plus hautes marches du podium.
Cela donne lieu à une galerie de personnages (que les deux pianistes/acteurs se partagent) souvent désopilante : le professeur qui tente d’instiller les notions de rythme à l’élève et se sert de métaphores monétaires, le présentateur de festival qui n’en peut plus de ces interminables journées pendant lesquelles un public captif doit subir toujours les mêmes pièces, le partenaire de duo qui, le jour du concours, fait une crise de panique et est incapable de jouer sa partie, la mère de famille qui raconte sa vie lors de la leçon, l’alcoolique imbibé qui exige d’entendre «pour la première fois» Piano Man de Billy Joel, alors que Richard vient tout juste de l’interpréter…
Le défi de la production reste important, car les deux complices doivent pouvoir jouer un répertoire exigeant (attendu d’étudiants de niveau universitaire), mais aussi quelques standards de jazz, pop (ou l’incontournable Chopsticks), en plus de pouvoir chanter, bouger et endosser une vingtaine de personnages différents.
Reza Jacobs et Bryce Zulak, complémentaires dans leurs attitudes et même leur façon d’approcher l’instrument, sont ici absolument impeccables. Qu’ils personnifient l’enfant lassé de travailler qui téléphone à son ami pour prévoir un match de hockey de rue ou le parent qui menace de vendre le piano pour que l’adolescent ait une «vraie» carrière, on y croit et on rit beaucoup, fortissimo… du moins si l’on a quelques bases.
Alors que les spécialistes attraperont tous les clins d’œil (le moment où le jeune homme énumère des noms de dizaines de compositeurs, mais se révèle incapable de nommer un seul compositeur canadien relève de la pièce d’anthologie), d’autres pourront sans doute être largués quand sont abordées les notions de théorie musicale et ne pas saisir entièrement la portée du propos. Belle idée d’ailleurs d’avoir inclus la liste de pièces interprétées dans le programme, pour ceux qui souhaiteraient y revenir dans un autre contexte.
2 pianos 4 hands
Texte de Ted Dykstra et Richard Greenblatt. Mise en scène de Richard Greenblatt. Au Théâtre Centaur jusqu’au 25 mai 2014.