Les mythes fondateurs d’une culture permettent de mieux comprendre ses référents aussi bien que les questionnements et les peurs qui l’habitent et l’histoire de Sedna révèle autrement le peuple inuit. Jeune fille comme tant d’autres, qui refuse les prétendants que son père lui présente, Sedna finira par céder au charme sulfureux de Raven (le corbeau), qui se présente pourtant masqué.
Aveuglée par ses promesses, elle le suivra, non pas dans le château qu’elle espère, mais un nid isolé. Devinant son désarroi et malgré ses appréhensions, son père entreprend de la sauver des serres du prédateur, même si cela doit signifier qu’elle doive laisser derrière elle son enfant. Raven ne laissera pas la belle lui échapper, soulevant les flots pour engloutir père et fille. Par lâcheté, par peur (la lecture qu’en tire Jessica Abdallah, auteure et metteure en scène, laisse planer le doute), il sacrifie Sedna à la mer, découpant un à un ses doigts alors que celle-ci tente de s’agripper au bateau, fragments d’elle qui donneront naissance aux créatures marines.
Sedna ne peut devenir déesse de la mer qu’à travers l’adversité, que l’on interprète le conte comme un récit d’apprentissage (de fille à femme à mère à déesse) ou une purification par la parole de la violence commise par l’homme envers la femme, de la peur de l’étranger, de l’asservissement (Sedna étant condamnée à répéter les mêmes gestes tous les jours pour entretenir le nid de son mari) ou du combat inégal que se livrent l’homme et la nature. Il permet aussi aux victimes de puiser en elles la force nécessaire pour s’émanciper du joug de l’agresseur, briser le cercle vicieux et se redéfinir autrement.
La relecture toute en délicatesse proposée par la production de Tableau D’Hôte rejoint d’emblée le spectateur qui se laisse happer aussi bien par la scénographie minimaliste mais évocatrice de Lara Kaluza, la trame sonore intemporelle de Carmen Braden ou les éclairages et projections poétiques de Jody Burkholder.
Originaire de Yellowknife (tout comme Braden et Burkholder), la jeune Tiffany Ayalik captive dans le double rôle de Sedna et de la fille de celle-ci, par son jeu tantôt intériorisé, tantôt presque incandescent, intégrant avec naturel les mouvements proposés par Véronique Gaudreau. Charles Bender, d’une délicate tendresse en père de Sedna, se révèle troublant en Raven, qu’il joue la carte de la séduction ou de la possession. Si quelques passages pourraient sans doute être légèrement équarris dans ce premier texte de Jessica Abdallah, histoire de faciliter la compréhension du spectateur, on sort néanmoins envouté du Segal Studio.
Sedna: Goddess of the Sea. Texte et mise en scène de Jessica Abdallah. Production de Tableau D’Hôte Theatre. Au Centre Segal jusqu’au 6 octobre 2013.
Les mythes fondateurs d’une culture permettent de mieux comprendre ses référents aussi bien que les questionnements et les peurs qui l’habitent et l’histoire de Sedna révèle autrement le peuple inuit. Jeune fille comme tant d’autres, qui refuse les prétendants que son père lui présente, Sedna finira par céder au charme sulfureux de Raven (le corbeau), qui se présente pourtant masqué.
Aveuglée par ses promesses, elle le suivra, non pas dans le château qu’elle espère, mais un nid isolé. Devinant son désarroi et malgré ses appréhensions, son père entreprend de la sauver des serres du prédateur, même si cela doit signifier qu’elle doive laisser derrière elle son enfant. Raven ne laissera pas la belle lui échapper, soulevant les flots pour engloutir père et fille. Par lâcheté, par peur (la lecture qu’en tire Jessica Abdallah, auteure et metteure en scène, laisse planer le doute), il sacrifie Sedna à la mer, découpant un à un ses doigts alors que celle-ci tente de s’agripper au bateau, fragments d’elle qui donneront naissance aux créatures marines.
Sedna ne peut devenir déesse de la mer qu’à travers l’adversité, que l’on interprète le conte comme un récit d’apprentissage (de fille à femme à mère à déesse) ou une purification par la parole de la violence commise par l’homme envers la femme, de la peur de l’étranger, de l’asservissement (Sedna étant condamnée à répéter les mêmes gestes tous les jours pour entretenir le nid de son mari) ou du combat inégal que se livrent l’homme et la nature. Il permet aussi aux victimes de puiser en elles la force nécessaire pour s’émanciper du joug de l’agresseur, briser le cercle vicieux et se redéfinir autrement.
La relecture toute en délicatesse proposée par la production de Tableau D’Hôte rejoint d’emblée le spectateur qui se laisse happer aussi bien par la scénographie minimaliste mais évocatrice de Lara Kaluza, la trame sonore intemporelle de Carmen Braden ou les éclairages et projections poétiques de Jody Burkholder.
Originaire de Yellowknife (tout comme Braden et Burkholder), la jeune Tiffany Ayalik captive dans le double rôle de Sedna et de la fille de celle-ci, par son jeu tantôt intériorisé, tantôt presque incandescent, intégrant avec naturel les mouvements proposés par Véronique Gaudreau. Charles Bender, d’une délicate tendresse en père de Sedna, se révèle troublant en Raven, qu’il joue la carte de la séduction ou de la possession. Si quelques passages pourraient sans doute être légèrement équarris dans ce premier texte de Jessica Abdallah, histoire de faciliter la compréhension du spectateur, on sort néanmoins envouté du Segal Studio.
Sedna: Goddess of the Sea. Texte et mise en scène de Jessica Abdallah. Production de Tableau D’Hôte Theatre. Au Centre Segal jusqu’au 6 octobre 2013.