Proposé comme un « déambulatoire, entre arts visuels et arts scéniques », Spasmes se veut un troublant hommage à l’univers de Francis Bacon. Au fil d’un spectacle misant avant tout sur la physicalité et la plastie, quiconque a suffisamment fréquenté l’œuvre du peintre iconoclaste reconnaîtra certaines torsions des corps liées à une toile, une composition graphique ou même certaines transpositions de coups de pinceau.
La metteure en scène Carole Nadeau, qui signe également certains des textes et lit en fin de parcours des passages des magnifiques 158 fragments d’un Bacon explosé de Larry Tremblay, a voulu proposer une expérience sensorielle avant tout. Au fil de « stations », disposées un peu partout dans l’Espace libre, qui mèneront à une crucifixion inversée d’une puissance certaine, le spectateur est tour à tour confronté à un délire vaguement décalé, à des instants absolument savoureux et à d’autres qui s’étirent inutilement. On pourra ainsi être témoin de confessions à caractère sexuel murmurées dans une « cabine téléphonique » anonyme, les côtés vitrés habituels étant remplacés par des feuilles de plastique transparent, dans laquelle on s’assoit sur une cuvette, entrer dans le jeu de la séduction d’un Steeve Dumais en pape de pacotille (référence directe aux toiles de Bacon s’inspirant des portraits de Velasquez d’Innocent X) vêtu de feuilles plastiques transparentes se prenant pour Juliette Greco, invitant de façon coquine le publie à le déshabiller, mais « pas trop vite » ou vaguement s’ennuyer lors de la scène d’abattoir, les corps nus de trois interprètes se pendant à des crochets sur fond de projections d’images en noir et blanc auraient pu être coupée des deux tiers.
Les spectateurs sont munis d’« audioguides », en fait de simples écouteurs, tous syntonisés à une même fréquence, qui servent en fait de filtre entre les textes et l’environnement sonore signé Steeve Dumais et Carole Dumais, parfois magma sonore, parfois mélodies d’un kitsch assumé. Très souvent, d’ailleurs, ce qu’on entend dans et hors les écouteurs demeure parfaitement identique. Ici, pas de réelle liberté d’action, à part de volontairement se diriger vers un lieu d’action secondaire, par exemple si l’on préfère aux quartiers de « viande » trop longuement exposés une séance de cuisine ludique du « pape ». (La composition graphique ici des éléments disposés sur la table d’office m’a d’ailleurs rappelé les natures mortes de Frida Kahlo plutôt que celles de Francis Bacon.)
Était-il utopique de vouloir transmettre en mots la folie des toiles de Bacon, qui horrifient autant qu’elles émeuvent? Outre certaines touches de rouge (le « sang » projeté sur écran alors qu’un interprète se frappe à répétition la tête sur un mur ou les robes des chanteuses de pacotille du premier numéro) ou les bruns et noirs répandus sur le masque de tissu que revêt à un moment Lucas Jolly, la palette favorise les noirs, les blancs et les gris. On aurait souhaité baigner dans ces orangés brûlants ou ces roses stridents que l’on retrouve souvent dans la palette du peintre, réussir à s’extraire d’un esthétisme à certains moments presque aseptisé. Les textes restent dans l’ombre, exception faite de l’utilisation astucieuse de cette entrevue avec le peintre, qui permet d’appréhender un peu mieux son univers, ou encore des fragments de Larry Tremblay déjà mentionnés.
Si l’amalgame n’est pas entièrement convaincant (comment espérer une esthétique homogène quand on puise dans un imaginaire aussi fractionné?) et que l’on aurait peut-être aimé influer activement sur le cours du spectacle, la proposition artistique reste intrigante et ne saurait à aucun moment laisser indifférent.
Proposé comme un « déambulatoire, entre arts visuels et arts scéniques », Spasmes se veut un troublant hommage à l’univers de Francis Bacon. Au fil d’un spectacle misant avant tout sur la physicalité et la plastie, quiconque a suffisamment fréquenté l’œuvre du peintre iconoclaste reconnaîtra certaines torsions des corps liées à une toile, une composition graphique ou même certaines transpositions de coups de pinceau.
La metteure en scène Carole Nadeau, qui signe également certains des textes et lit en fin de parcours des passages des magnifiques 158 fragments d’un Bacon explosé de Larry Tremblay, a voulu proposer une expérience sensorielle avant tout. Au fil de « stations », disposées un peu partout dans l’Espace libre, qui mèneront à une crucifixion inversée d’une puissance certaine, le spectateur est tour à tour confronté à un délire vaguement décalé, à des instants absolument savoureux et à d’autres qui s’étirent inutilement. On pourra ainsi être témoin de confessions à caractère sexuel murmurées dans une « cabine téléphonique » anonyme, les côtés vitrés habituels étant remplacés par des feuilles de plastique transparent, dans laquelle on s’assoit sur une cuvette, entrer dans le jeu de la séduction d’un Steeve Dumais en pape de pacotille (référence directe aux toiles de Bacon s’inspirant des portraits de Velasquez d’Innocent X) vêtu de feuilles plastiques transparentes se prenant pour Juliette Greco, invitant de façon coquine le publie à le déshabiller, mais « pas trop vite » ou vaguement s’ennuyer lors de la scène d’abattoir, les corps nus de trois interprètes se pendant à des crochets sur fond de projections d’images en noir et blanc auraient pu être coupée des deux tiers.
Les spectateurs sont munis d’« audioguides », en fait de simples écouteurs, tous syntonisés à une même fréquence, qui servent en fait de filtre entre les textes et l’environnement sonore signé Steeve Dumais et Carole Dumais, parfois magma sonore, parfois mélodies d’un kitsch assumé. Très souvent, d’ailleurs, ce qu’on entend dans et hors les écouteurs demeure parfaitement identique. Ici, pas de réelle liberté d’action, à part de volontairement se diriger vers un lieu d’action secondaire, par exemple si l’on préfère aux quartiers de « viande » trop longuement exposés une séance de cuisine ludique du « pape ». (La composition graphique ici des éléments disposés sur la table d’office m’a d’ailleurs rappelé les natures mortes de Frida Kahlo plutôt que celles de Francis Bacon.)
Était-il utopique de vouloir transmettre en mots la folie des toiles de Bacon, qui horrifient autant qu’elles émeuvent? Outre certaines touches de rouge (le « sang » projeté sur écran alors qu’un interprète se frappe à répétition la tête sur un mur ou les robes des chanteuses de pacotille du premier numéro) ou les bruns et noirs répandus sur le masque de tissu que revêt à un moment Lucas Jolly, la palette favorise les noirs, les blancs et les gris. On aurait souhaité baigner dans ces orangés brûlants ou ces roses stridents que l’on retrouve souvent dans la palette du peintre, réussir à s’extraire d’un esthétisme à certains moments presque aseptisé. Les textes restent dans l’ombre, exception faite de l’utilisation astucieuse de cette entrevue avec le peintre, qui permet d’appréhender un peu mieux son univers, ou encore des fragments de Larry Tremblay déjà mentionnés.
Si l’amalgame n’est pas entièrement convaincant (comment espérer une esthétique homogène quand on puise dans un imaginaire aussi fractionné?) et que l’on aurait peut-être aimé influer activement sur le cours du spectacle, la proposition artistique reste intrigante et ne saurait à aucun moment laisser indifférent.
Spasmes
De Carole Nadeau
Une production Le Pont Bridge, à l’Espace Libre jusqu’au 12 janvier