Que l’on ait vu le film une fois il y a des décennies ou ne le connaisse qu’à travers des extraits, tout le monde a un souvenir, plus ou moins diffus, de The Graduate et des éblouissants débuts au grand écran de Dustin Hoffman. Difficile, donc, de ne pas superposer sa propre vision de cette histoire emblématique à celle du metteur en scène, Andrew Shaver.
La production qui ouvre la saison du Centre Segal possède d’indéniables qualités : prestance exemplaire des acteurs ayant hérité de rôles de soutien (Graham Cuthbertson se révèle désopilant en réceptionniste d’hôtel), nouvelles chansons originales de Justin Rutledge et Matthew Barber particulièrement réussies qui prolongent l’essence des classiques de Simon and Garfunkel, scénographie astucieuse de James Lavoie qui favorise les transparences et intègre de nombreuses références à l’iconographie du film (dont l’aquarium et la croix lumineuse de l’église), projections intelligentes de George Allister et Patrick Andrew Boivin, costumes d’époque de Susana Vera qui, là aussi, font référence à des éléments du film (nuisette de Mrs. Robinson, pompons couvrant les seins de la stripteaseuse).
Brigitte Robinson, en très désinhibée femme esseulée et alcoolique d’un magnat des plastiques, demeure en parfaite maîtrise du rôle du début à la fin et l’on comprend sans peine l’effet qu’elle puisse produire sur un jeune homme au début de la vingtaine. Si Luke Humphrey ne dispose assurément pas du charisme d’Hoffman (difficile de lui en tenir rigueur), il tire néanmoins son épingle du jeu, en faisant sien le personnage de Benjamin Braddock, que l’on aurait aimé voir développé avec un peu plus de profondeur.
Tous les ingrédients semblent présents ; pourtant le charme n’opère pas entièrement. Est-ce parce que la pièce paraît datée ? On aurait pu maximiser sa contemporanéité. Plus personne ne fronce les sourcils aujourd’hui sur les « cougars » qui y règnent en maîtres. Est-ce parce que la mise en scène insiste sur l’effet vieille émission de télévision et que l’on a l’impression de visionner un épisode de Papa a raison ? (Beau clin d’œil néanmoins que ce panneau « applause » qui s’allume au début du spectacle.) Est-ce parce que les acteurs jouent parfois plus gros que nécessaire, que la scène de la fuite des tourtereaux semble tirée d’un film de série B ? Difficile de mettre le doigt sur un seul élément. Il faut peut-être accepter que la séduction reste quelque chose de très volatil…
D’après le roman de Charles Webb et le scénario de Calder Willingham et Buck Henry. Mise en scène d’Andrew Shaver. Au Centre Segal jusqu’au 21 septembre 2014.
Que l’on ait vu le film une fois il y a des décennies ou ne le connaisse qu’à travers des extraits, tout le monde a un souvenir, plus ou moins diffus, de The Graduate et des éblouissants débuts au grand écran de Dustin Hoffman. Difficile, donc, de ne pas superposer sa propre vision de cette histoire emblématique à celle du metteur en scène, Andrew Shaver.
La production qui ouvre la saison du Centre Segal possède d’indéniables qualités : prestance exemplaire des acteurs ayant hérité de rôles de soutien (Graham Cuthbertson se révèle désopilant en réceptionniste d’hôtel), nouvelles chansons originales de Justin Rutledge et Matthew Barber particulièrement réussies qui prolongent l’essence des classiques de Simon and Garfunkel, scénographie astucieuse de James Lavoie qui favorise les transparences et intègre de nombreuses références à l’iconographie du film (dont l’aquarium et la croix lumineuse de l’église), projections intelligentes de George Allister et Patrick Andrew Boivin, costumes d’époque de Susana Vera qui, là aussi, font référence à des éléments du film (nuisette de Mrs. Robinson, pompons couvrant les seins de la stripteaseuse).
Brigitte Robinson, en très désinhibée femme esseulée et alcoolique d’un magnat des plastiques, demeure en parfaite maîtrise du rôle du début à la fin et l’on comprend sans peine l’effet qu’elle puisse produire sur un jeune homme au début de la vingtaine. Si Luke Humphrey ne dispose assurément pas du charisme d’Hoffman (difficile de lui en tenir rigueur), il tire néanmoins son épingle du jeu, en faisant sien le personnage de Benjamin Braddock, que l’on aurait aimé voir développé avec un peu plus de profondeur.
Tous les ingrédients semblent présents ; pourtant le charme n’opère pas entièrement. Est-ce parce que la pièce paraît datée ? On aurait pu maximiser sa contemporanéité. Plus personne ne fronce les sourcils aujourd’hui sur les « cougars » qui y règnent en maîtres. Est-ce parce que la mise en scène insiste sur l’effet vieille émission de télévision et que l’on a l’impression de visionner un épisode de Papa a raison ? (Beau clin d’œil néanmoins que ce panneau « applause » qui s’allume au début du spectacle.) Est-ce parce que les acteurs jouent parfois plus gros que nécessaire, que la scène de la fuite des tourtereaux semble tirée d’un film de série B ? Difficile de mettre le doigt sur un seul élément. Il faut peut-être accepter que la séduction reste quelque chose de très volatil…
The Graduate
D’après le roman de Charles Webb et le scénario de Calder Willingham et Buck Henry. Mise en scène d’Andrew Shaver. Au Centre Segal jusqu’au 21 septembre 2014.