C’est un drôle d’objet que ce Hamlet est mort. Gravité zéro, présenté par le Théâtre de La Pacotille. Le texte de l’auteur autrichien Ewald Palmetshofer propose un mode de narration en marge des conventions habituelles du dialogue et de la temporalité, les six personnages racontant de manière non linéaire des événements qui ont déjà eu lieu, s’interrompant l’un l’autre, se répétant eux-mêmes ou reprenant les mots des autres, sortant de leur rôle pour rappeler au public qu’il s’agit d’une représentation, et entrecoupant les faits de réflexions existentielles alambiquées en usant de métaphores improbables.
On n’en admire que plus le travail de mise en scène de Gaëtan Paré et de composition des six comédiens (Dany Boudreault, Sophie Cadieux, Normand Daoust, Sébastien Dodge, Eve Landry et Monique Spaziani), qui se sont appropriés de manière magistrale ce texte difficile pour nous le rendre accessible. Traduite par Laurent Muhleisen, spécialisé dans le théâtre allemand contemporain, la pièce a été remarquablement adaptée par Éric Noël, au point qu’on la croirait être un texte original québécois.
Pourquoi donc cette référence à Shakespeare dans le titre? Tout d’abord, ce texte se situe aux antipodes du théâtre de Shakespeare (Hamlet est donc mort). Ensuite, les personnages sont habités par les mêmes questionnements existentiels que Hamlet, à la différence qu’eux-mêmes ne semblent avoir qu’une option: celle de ne pas être.
Ainsi, Mani et Dani, frère et soeur, se désolent de n’avoir tiré aucun numéro à la loterie de la vie, et sont consumés par leur manque de perspectives dans un monde matérialiste qui tourne à toute vitesse et dans lequel ils ne se reconnaissent pas. «Le ciel est vide», dit Mani, tandis que Dani affirme avec désespoir et colère «je n’ai pas de politique à part mon affectivité analogique de marde». Pendant ce temps-là, la mère, Caro, est obnubilé par son rôti – était-il dégueulasse ou non ?- qui devient le symbole du manque de reconnaissance dont elle est victime dans cette maison transformée en caveau par une aïeule qui ne veut pas mourir.
Ce dont nous parle l’auteur, c’est de l’inertie, du manque de prise des hommes sur leur existence, et de l’immobilisme qui survient lorsque les générations vieillissantes ne veulent pas céder leur place aux jeunes. «Les vieux vivent éternellement, pis les jeunes on les enterre.», diront tour à tour les personnages, illustrant par ces mots l’absurdité du monde. Alors, doit-on agir ou se résigner ?
Oli et Gabi, de vieux amis qui ont fini par se marier, semblent être ceux qui s’en sortent le mieux: ils ont quitté la ville, ils se sont installés, ils attendent un enfant. Toutefois, leurs rapports ne sont pas exempts de frictions, chacun porte en lui des regrets, et quelques pointes d’aigreur font leur apparition de temps à autre, bien vite étouffés par ceux qui s’évertuent à donner une image positive d’eux-mêmes et de la vie qu’ils se sont choisie (Sophie Cadieux est particulièrement habile à ce jeu-là).
S’ils sont de retour dans leur ville natale, c’est pour assister à l’enterrement de Hannes, un ami qui a mal tourné et qui se trouve au coeur d’un drame familial, lequel se répétera, comme pour affirmer que toute tentative d’action est vouée à l’échec. Les retrouvailles des amis d’antan entraîneront une série de révélations et de règlements de compte ne laissant personne indemne, à commencer par les spectateurs.
Hamlet est mort. Gravité Zéro
Texte d’Ewald Palmetshofer
Mise en scène par Gaétan Paré
Une production du Théâtre de la Pacotille
Aux Écuries jusqu’au 3 novembre 2012
C’est un drôle d’objet que ce Hamlet est mort. Gravité zéro, présenté par le Théâtre de La Pacotille. Le texte de l’auteur autrichien Ewald Palmetshofer propose un mode de narration en marge des conventions habituelles du dialogue et de la temporalité, les six personnages racontant de manière non linéaire des événements qui ont déjà eu lieu, s’interrompant l’un l’autre, se répétant eux-mêmes ou reprenant les mots des autres, sortant de leur rôle pour rappeler au public qu’il s’agit d’une représentation, et entrecoupant les faits de réflexions existentielles alambiquées en usant de métaphores improbables.
On n’en admire que plus le travail de mise en scène de Gaëtan Paré et de composition des six comédiens (Dany Boudreault, Sophie Cadieux, Normand Daoust, Sébastien Dodge, Eve Landry et Monique Spaziani), qui se sont appropriés de manière magistrale ce texte difficile pour nous le rendre accessible. Traduite par Laurent Muhleisen, spécialisé dans le théâtre allemand contemporain, la pièce a été remarquablement adaptée par Éric Noël, au point qu’on la croirait être un texte original québécois.
Pourquoi donc cette référence à Shakespeare dans le titre? Tout d’abord, ce texte se situe aux antipodes du théâtre de Shakespeare (Hamlet est donc mort). Ensuite, les personnages sont habités par les mêmes questionnements existentiels que Hamlet, à la différence qu’eux-mêmes ne semblent avoir qu’une option: celle de ne pas être.
Ainsi, Mani et Dani, frère et soeur, se désolent de n’avoir tiré aucun numéro à la loterie de la vie, et sont consumés par leur manque de perspectives dans un monde matérialiste qui tourne à toute vitesse et dans lequel ils ne se reconnaissent pas. «Le ciel est vide», dit Mani, tandis que Dani affirme avec désespoir et colère «je n’ai pas de politique à part mon affectivité analogique de marde». Pendant ce temps-là, la mère, Caro, est obnubilé par son rôti – était-il dégueulasse ou non ?- qui devient le symbole du manque de reconnaissance dont elle est victime dans cette maison transformée en caveau par une aïeule qui ne veut pas mourir.
Ce dont nous parle l’auteur, c’est de l’inertie, du manque de prise des hommes sur leur existence, et de l’immobilisme qui survient lorsque les générations vieillissantes ne veulent pas céder leur place aux jeunes. «Les vieux vivent éternellement, pis les jeunes on les enterre.», diront tour à tour les personnages, illustrant par ces mots l’absurdité du monde. Alors, doit-on agir ou se résigner ?
Oli et Gabi, de vieux amis qui ont fini par se marier, semblent être ceux qui s’en sortent le mieux: ils ont quitté la ville, ils se sont installés, ils attendent un enfant. Toutefois, leurs rapports ne sont pas exempts de frictions, chacun porte en lui des regrets, et quelques pointes d’aigreur font leur apparition de temps à autre, bien vite étouffés par ceux qui s’évertuent à donner une image positive d’eux-mêmes et de la vie qu’ils se sont choisie (Sophie Cadieux est particulièrement habile à ce jeu-là).
S’ils sont de retour dans leur ville natale, c’est pour assister à l’enterrement de Hannes, un ami qui a mal tourné et qui se trouve au coeur d’un drame familial, lequel se répétera, comme pour affirmer que toute tentative d’action est vouée à l’échec. Les retrouvailles des amis d’antan entraîneront une série de révélations et de règlements de compte ne laissant personne indemne, à commencer par les spectateurs.
Hamlet est mort. Gravité Zéro
Texte d’Ewald Palmetshofer
Mise en scène par Gaétan Paré
Une production du Théâtre de la Pacotille
Aux Écuries jusqu’au 3 novembre 2012