Le K Buster s’habille en noir et blanc pour ce spectacle polymorphe à propos de Buster Keaton, le comique du cinéma burlesque muet, alors que les claques et les coups de pieds au cul faisaient se tordre les foules. Le parcours du jeune Keaton le destinait à conquérir Hollywood par ces facéties et autres cascades renversantes. C’est qu’il avait déjà du poil de la bête, le petit Keaton. En effet, il apprend le métier avec ses parents, comiques itinérants du début du siècle dernier. Son père l’incite à ne jamais montrer ses sentiments pendant une représentation. Même sous les pires coups ou lors de chutes mémorables, il restera toujours de marbre: The Great Stone Face était né.
Pour éviter la lourdeur et la fadeur d’un didactisme trop appuyé, Raphaël Posadas et sa troupe ont choisi d’utiliser les techniques et tactiques du maître du slapstick pour nous inviter à revisiter le célèbre comique. La première partie fournit les clefs biographiques de Keaton: sa vie de romanichel, ses contacts avec Houdini, la relation avec son père, puis la rupture avec la troupe familiale dans laquelle il avait été intégré dès son plus jeune âge, et enfin l’aventure hollywoodienne. C’est la partie en noir de cette pièce noir et blanc: accessoires, costumes, éclairage… le noir pour la vie réelle.
Le canevas se développe ensuite avec Francis, un jeune comédien obsédé par Buster. Mais Francis tombe mystérieusement malade et le spectacle qu’il prépare sur l’artiste américain n’aura pas lieu. La scène bascule dans le blanc. On le retrouve sur un lit d’hôpital: murs, ameublement, lit, draps, infirmière, tout baigne dans un blanc immaculé amplifié par une lumière crue. Le blanc pour la vie rêvée.
Si la première partie présente la vie de Keaton, mais vue à travers son imaginaire et tout en en utilisant son style, la seconde partie plonge dans la vie de Francis, mais de manière allégorique. Les comédiens nous emportent dans un univers absurde et loufoque, où on ne sait plus distinguer le vrai du faux, où tout comme les médecins incompétents, on ne parvient pas à identifier le mal de Francis. Et finalement cela importe peu. Parce qu’il est préférable d’être dans la tête de Keaton, dans sa poésie. Marionnettes, gestuelle saccadée, apparitions et disparitions, claques et gnons, extraction du corps de Francis d’objets inattendus comme une petite locomotive… le cinéma muet se construit devant nos yeux. Le tout sur une musique de Josué Beaucage dont il faut souligner l’excellence. Avec son groupe Who are you, Beaucage propose un environnement sonore percutant, qui devient un personnage clef de la pièce, et qui lui donne rythme et atmosphère.
Raphaël Posadas, Charles-Étienne Beaulne et Danièle Simon dans une grande complicité, parfois lubrique et toujours ludique, nous entraînent dans l’univers poétique de Keaton. On retrouve ici une magie simple, faite de petits gadgets et de grande précision. Le monde du muet opère avec toutes ses failles, ses exagérations, ses aspects loufoques. Et les ingrédients s’emboîtent non pas comme un pot-pourri des meilleurs gags de Keaton, mais dans un scénario construit, évidemment plutôt mince comme les films de ce genre, mais c’est justement ce qui permet de raviver la manière de l’époque.
Un beau petit spectacle léger et charmeur qui coule de source pour notre plus grand plaisir. Eh tiens! Je vais de ce pas revoir Sherlock Junior.
Le K Buster
De Raphaël Posadas
Création collective de la compagnie 7981
Présentée au Périscope, Québec, du 22 janvier au 9 février.
Le K Buster s’habille en noir et blanc pour ce spectacle polymorphe à propos de Buster Keaton, le comique du cinéma burlesque muet, alors que les claques et les coups de pieds au cul faisaient se tordre les foules. Le parcours du jeune Keaton le destinait à conquérir Hollywood par ces facéties et autres cascades renversantes. C’est qu’il avait déjà du poil de la bête, le petit Keaton. En effet, il apprend le métier avec ses parents, comiques itinérants du début du siècle dernier. Son père l’incite à ne jamais montrer ses sentiments pendant une représentation. Même sous les pires coups ou lors de chutes mémorables, il restera toujours de marbre: The Great Stone Face était né.
Pour éviter la lourdeur et la fadeur d’un didactisme trop appuyé, Raphaël Posadas et sa troupe ont choisi d’utiliser les techniques et tactiques du maître du slapstick pour nous inviter à revisiter le célèbre comique. La première partie fournit les clefs biographiques de Keaton: sa vie de romanichel, ses contacts avec Houdini, la relation avec son père, puis la rupture avec la troupe familiale dans laquelle il avait été intégré dès son plus jeune âge, et enfin l’aventure hollywoodienne. C’est la partie en noir de cette pièce noir et blanc: accessoires, costumes, éclairage… le noir pour la vie réelle.
Le canevas se développe ensuite avec Francis, un jeune comédien obsédé par Buster. Mais Francis tombe mystérieusement malade et le spectacle qu’il prépare sur l’artiste américain n’aura pas lieu. La scène bascule dans le blanc. On le retrouve sur un lit d’hôpital: murs, ameublement, lit, draps, infirmière, tout baigne dans un blanc immaculé amplifié par une lumière crue. Le blanc pour la vie rêvée.
Si la première partie présente la vie de Keaton, mais vue à travers son imaginaire et tout en en utilisant son style, la seconde partie plonge dans la vie de Francis, mais de manière allégorique. Les comédiens nous emportent dans un univers absurde et loufoque, où on ne sait plus distinguer le vrai du faux, où tout comme les médecins incompétents, on ne parvient pas à identifier le mal de Francis. Et finalement cela importe peu. Parce qu’il est préférable d’être dans la tête de Keaton, dans sa poésie. Marionnettes, gestuelle saccadée, apparitions et disparitions, claques et gnons, extraction du corps de Francis d’objets inattendus comme une petite locomotive… le cinéma muet se construit devant nos yeux. Le tout sur une musique de Josué Beaucage dont il faut souligner l’excellence. Avec son groupe Who are you, Beaucage propose un environnement sonore percutant, qui devient un personnage clef de la pièce, et qui lui donne rythme et atmosphère.
Raphaël Posadas, Charles-Étienne Beaulne et Danièle Simon dans une grande complicité, parfois lubrique et toujours ludique, nous entraînent dans l’univers poétique de Keaton. On retrouve ici une magie simple, faite de petits gadgets et de grande précision. Le monde du muet opère avec toutes ses failles, ses exagérations, ses aspects loufoques. Et les ingrédients s’emboîtent non pas comme un pot-pourri des meilleurs gags de Keaton, mais dans un scénario construit, évidemment plutôt mince comme les films de ce genre, mais c’est justement ce qui permet de raviver la manière de l’époque.
Un beau petit spectacle léger et charmeur qui coule de source pour notre plus grand plaisir. Eh tiens! Je vais de ce pas revoir Sherlock Junior.
Le K Buster
De Raphaël Posadas
Création collective de la compagnie 7981
Présentée au Périscope, Québec, du 22 janvier au 9 février.