Gob Squad revient, enfin, à Québec et quel retour! Nous avions déjà été conquis par leurs productions présentées dans des éditions antérieures du Mois Multi. Cette fois, ils prennent appui sur le film Kitchen d’Andy Warhol, tourné dans la tourmente et la vie débridée autour de la Factory, alors que drogue, sexe, rock ‘n roll et recherche de gloire dessinaient les nuits de la 47e rue dans le Midtown East à Manhattan. Cinéma en noir et blanc, avec un scénario que la vedette principale, la future superstar Edie Sedgwick (!), bousillait sur ses retours de vie nocturne garnie de drogue.
Gob Squad travaille, depuis ses débuts en 1994, sur les phénomènes de représentation et de médiatisation. Ils poursuivent ici cette démarche jubilatoire et brillante qui consiste à déplacer la ligne entre le réel et l’art, entre la vraie vie et sa représentation. À travers un filtre fait d’écrans, de micros, de projecteur, de caméras, ils créent en direct un film dont les coulisses, masquées et pourtant dévoilées avant le début du spectacle, s’organisent sur trois espaces: un lit filmé par une caméra fixe, une salle de casting avec un fauteuil et une caméra fixe et la cuisine comme telle, filmée par une caméra qui se permettra quelques zooms et légers travellings. Nous sommes assis devant trois écrans. Et c’est parti!
Les quatre comédiens, Simon, Shawn, Sharon et Sarah, jouent leur propre vie, nous assurant qu’ils ne sont qu’eux et pas des comédiens jouant leurs personnages. Nous plongeant dans l’univers noir et blanc du cinéma underground des années 60, avec ses plans fixes, des silences prolongés faisant profond, avec Velvet Underground à la clef, ils réussissent à captiver entièrement notre attention sur le vide. Dans la naïveté même de leur personnage, leur véracité décalée, et surtout une structure implacable, ils nous emportent dans une fiction sans imaginaire, ils nous introduisent au cœur même du réel. Un réel relativement banal, fait de quotidien, avec son manque de poésie, mais toute sa persistance.
Et puis voilà que tout bascule, ils viennent cueillir dans le public des volontaires pour les remplacer. Progressivement, dans le lit, devant la caméra de casting, dans la cuisine même, ils seront représentés par leur double, affublé chacun d’un casque dans lequel les comédiens, retirés maintenant dans la salle, souffleront leurs répliques. Personnages éjectables, ils cèdent la place à des inconnus et pourtant le spectacle continue.
Par ce jeu de substitution, non seulement interrogent-t-ils le théâtre, mais il lui donne une dimension nouvelle, une magie essentielle, détruisant et construisant l’illusion, ménageant des ponts entre le réel et sa représentation, remplaçant des acteurs niant leur rôle d’acteur par des acteurs qui n’en sont pas et qui jouent le rôle de ces acteurs qui viennent de se retirer du plateau de tournage. Le nouveau casting est libre de ses postures, mais le texte lui est soufflé dans les oreilles. Sauf pour le dormeur que Sharon empêche de dormir et qui doit jouer son propre rôle. Hier soir, il se nommait Bruno.
La salle et la scène, par le subterfuge du cinéma en direct, se confondent en une aire nouvelle de jeu qui se déploie dans la tête des spectateurs. Avec Gob Squad, le public ne sait jamais d’avance à quoi il sera confronté, mais il aura toujours ce sentiment profond qu’il fait partie de la solution. Remarquable travail dans la matière même de l’art qui est souvent un effarement de l’esprit. Et c’est justement dans cette structure entrelacée que la poésie explose.
Ce spectacle fait d’intelligence et d’humour vaut tous les détours. Accourez voir cette production exceptionnelle! Nous aimons Gob Squad parce que c’est une troupe qui nous étonne constamment et nous propulse dans un plaisir esthétique d’une rare intensité. Pouvoir sentir tout à coup que nous sommes à la fois dérisoires et essentiels. Et en finale, une apothéose de tous les diables, que je vous laisse découvrir.
Gob Squad revient, enfin, à Québec et quel retour! Nous avions déjà été conquis par leurs productions présentées dans des éditions antérieures du Mois Multi. Cette fois, ils prennent appui sur le film Kitchen d’Andy Warhol, tourné dans la tourmente et la vie débridée autour de la Factory, alors que drogue, sexe, rock ‘n roll et recherche de gloire dessinaient les nuits de la 47e rue dans le Midtown East à Manhattan. Cinéma en noir et blanc, avec un scénario que la vedette principale, la future superstar Edie Sedgwick (!), bousillait sur ses retours de vie nocturne garnie de drogue.
Gob Squad travaille, depuis ses débuts en 1994, sur les phénomènes de représentation et de médiatisation. Ils poursuivent ici cette démarche jubilatoire et brillante qui consiste à déplacer la ligne entre le réel et l’art, entre la vraie vie et sa représentation. À travers un filtre fait d’écrans, de micros, de projecteur, de caméras, ils créent en direct un film dont les coulisses, masquées et pourtant dévoilées avant le début du spectacle, s’organisent sur trois espaces: un lit filmé par une caméra fixe, une salle de casting avec un fauteuil et une caméra fixe et la cuisine comme telle, filmée par une caméra qui se permettra quelques zooms et légers travellings. Nous sommes assis devant trois écrans. Et c’est parti!
Les quatre comédiens, Simon, Shawn, Sharon et Sarah, jouent leur propre vie, nous assurant qu’ils ne sont qu’eux et pas des comédiens jouant leurs personnages. Nous plongeant dans l’univers noir et blanc du cinéma underground des années 60, avec ses plans fixes, des silences prolongés faisant profond, avec Velvet Underground à la clef, ils réussissent à captiver entièrement notre attention sur le vide. Dans la naïveté même de leur personnage, leur véracité décalée, et surtout une structure implacable, ils nous emportent dans une fiction sans imaginaire, ils nous introduisent au cœur même du réel. Un réel relativement banal, fait de quotidien, avec son manque de poésie, mais toute sa persistance.
Et puis voilà que tout bascule, ils viennent cueillir dans le public des volontaires pour les remplacer. Progressivement, dans le lit, devant la caméra de casting, dans la cuisine même, ils seront représentés par leur double, affublé chacun d’un casque dans lequel les comédiens, retirés maintenant dans la salle, souffleront leurs répliques. Personnages éjectables, ils cèdent la place à des inconnus et pourtant le spectacle continue.
Par ce jeu de substitution, non seulement interrogent-t-ils le théâtre, mais il lui donne une dimension nouvelle, une magie essentielle, détruisant et construisant l’illusion, ménageant des ponts entre le réel et sa représentation, remplaçant des acteurs niant leur rôle d’acteur par des acteurs qui n’en sont pas et qui jouent le rôle de ces acteurs qui viennent de se retirer du plateau de tournage. Le nouveau casting est libre de ses postures, mais le texte lui est soufflé dans les oreilles. Sauf pour le dormeur que Sharon empêche de dormir et qui doit jouer son propre rôle. Hier soir, il se nommait Bruno.
La salle et la scène, par le subterfuge du cinéma en direct, se confondent en une aire nouvelle de jeu qui se déploie dans la tête des spectateurs. Avec Gob Squad, le public ne sait jamais d’avance à quoi il sera confronté, mais il aura toujours ce sentiment profond qu’il fait partie de la solution. Remarquable travail dans la matière même de l’art qui est souvent un effarement de l’esprit. Et c’est justement dans cette structure entrelacée que la poésie explose.
Ce spectacle fait d’intelligence et d’humour vaut tous les détours. Accourez voir cette production exceptionnelle! Nous aimons Gob Squad parce que c’est une troupe qui nous étonne constamment et nous propulse dans un plaisir esthétique d’une rare intensité. Pouvoir sentir tout à coup que nous sommes à la fois dérisoires et essentiels. Et en finale, une apothéose de tous les diables, que je vous laisse découvrir.
Gob Squad’s Kitchen
Une production du Gob Squad (Berlin et Nottingham), à la Salle Multi de Méduse (Québec) les 8 et 9 février et à l’Usine C (Montréal) du 13 au 15 février 2013.