Après le succès du spectacle musical Belles-Sœurs, créé en 2011 à Montréal, puis ayant réalisé une tournée nationale et internationale, René Richard Cyr s’attaque à Sainte Carmen de la Main, autre pièce de Michel Tremblay. Le metteur en scène, qui signe aussi le livret, a de nouveau invité Daniel Bélanger à composer la musique. Le Chant de Sainte Carmen de la Main propose un hommage à la pièce engagée de Tremblay, créée en 1978, au TNM, dans une mise en scène d’André Brassard. Trente-cinq ans après, la Main est à l’honneur sur cette même scène, située au cœur du Quartier des spectacles… Quartier qui, ironie du sort, a en partie contribué à sa dispersion, voire à sa destruction.
René Richard Cyr a rassemblé 17 comédiens et 4 musiciens pour offrir la tragédie de Carmen, chanteuse western dans un cabaret sur la Main. Elle revient à Montréal, après avoir perfectionné pendant six mois ses yodles à Nashville. Outre l’amélioration de ses techniques vocales, Carmen écrit désormais ses propres textes et en français. Ils lui permettent surtout de s’adresser aux laissés-pour-compte de la Main qui assistent à son show et en ressortent galvanisés, pleins d’espoir. Mais avoir le courage d’aller au bout de ses idées et donner une dignité à celles et ceux qui en sont dépourvus n’est pas sans danger. La pièce de Tremblay montre la puissante émancipation de Carmen, qui essaie d’entrainer les autres, ainsi que sa chute irrémédiable dans les filets de malfrats dominants. Maurice et Tooth Pick règnent en maîtres et n’hésitent pas à museler cette libération. Carmen place la Main haut dans les cœurs et les considérations, mais de façon éphémère.
René Richard Cyr réussit avec aisance à incarner sous forme musicale cette pièce qui se déroule autour d’une chanteuse et dans le milieu festif de la Main, placé à la marge de la société québécoise dans les années 1970. Trois personnages principaux partagent la scène: la Main, le chœur des putains et des travestis et Carmen. La scène exhibe la dimension spectaculaire, entre autres par les structures métalliques qui l’encadrent et laissent à vue de nombreux projecteurs. Le fond de scène est un immense mur d’ampoules, qui place tous les lieux de l’action sous le signe du spectacle. Après le triomphe du tour de chant de Carmen, le mur se lève significativement pour occuper le plafond de scène. S’il formait un mur contre lequel les illusions festives se heurtent, il devient une forme de ciel où tous les rêves sont permis, où des ouvertures apparaissent puisque les marginaux de ce quartier montréalais sont reconnus.
Cette revendication de reconnaissance emprunte à la forme chorale, qui permet de constituer un groupe unifié puissant par son nombre et ses chants. Il n’empêche que ces putains et ces travestis peuvent paraître édulcorés, leur piquant et leur marginalité se traduisant surtout dans les couleurs, formes et textures de leurs costumes extravagants. S’ils boivent à des goulots cachés dans quelques sachets en papier brun, on sent peu ce qui pouvait inquiéter une société conformiste dans leur mode de vie. La justification de la peur de la société et l’emprise des puissants sur ces êtres vulnérables sont peu marquées. Sans doute les critères ont-ils évolué depuis une quarantaine d’années.
Carmen signe une véritable diatribe contre le divertissement, qui se déploie sans témoigner de souci envers les spectateurs qui y assistent. La mise en scène de René Richard Cyr flirte aussi beaucoup avec ce que le texte dénonce. S’il maintient cette tension paradoxale, Le Chant de Sainte Carmen de la Main ne la travaille pas toujours très nettement. Par exemple, la tragédie est très atténuée. Par un jeu d’illusion tragique, le chœur refuse à Carmen la douche qui lui sera fatale. Bien que son meurtre reste irrésolu – injustice sévère pour cette chanteuse si altruiste et soucieuse de justice sociale, Carmen, angélique dans son costume blanc, revient par la porte du fond enfumée. Elle figure une rédemption, qui est vite rattrapée par le spectacle déployé. La tragédie sociale de la Main en concède beaucoup au spectaculaire, et le salut hiérarchique qui clôt ce moment théâtral réussi laisse un peu cette impression.
Livret et paroles, d’après Sainte Carmen de la Main de Michel Tremblay: René Richard Cyr. Mise en scène: René Richard Cyr. Musique: Daniel Bélanger. Avec Édith Arvisais, Frédérike Bédard, Philippe Brault, Normand Carrière, France Castel, Normand D’Amour, Eveline Gélinas, Renaud Gratton, Maude Guérin, Liu-Kong Ha, Josianne Hébert, Simon Labelle-Ouimet, Michelle Labonté, Benoît Landry, Ève Landry, Maude Laperrière, Christian Laporte, Milène Leclerc, Bruno Marcil, Benoît McGinnis et Frédérik Zacharek. Une production de Spectra Musique. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 8 juin 2013.
Après le succès du spectacle musical Belles-Sœurs, créé en 2011 à Montréal, puis ayant réalisé une tournée nationale et internationale, René Richard Cyr s’attaque à Sainte Carmen de la Main, autre pièce de Michel Tremblay. Le metteur en scène, qui signe aussi le livret, a de nouveau invité Daniel Bélanger à composer la musique. Le Chant de Sainte Carmen de la Main propose un hommage à la pièce engagée de Tremblay, créée en 1978, au TNM, dans une mise en scène d’André Brassard. Trente-cinq ans après, la Main est à l’honneur sur cette même scène, située au cœur du Quartier des spectacles… Quartier qui, ironie du sort, a en partie contribué à sa dispersion, voire à sa destruction.
René Richard Cyr a rassemblé 17 comédiens et 4 musiciens pour offrir la tragédie de Carmen, chanteuse western dans un cabaret sur la Main. Elle revient à Montréal, après avoir perfectionné pendant six mois ses yodles à Nashville. Outre l’amélioration de ses techniques vocales, Carmen écrit désormais ses propres textes et en français. Ils lui permettent surtout de s’adresser aux laissés-pour-compte de la Main qui assistent à son show et en ressortent galvanisés, pleins d’espoir. Mais avoir le courage d’aller au bout de ses idées et donner une dignité à celles et ceux qui en sont dépourvus n’est pas sans danger. La pièce de Tremblay montre la puissante émancipation de Carmen, qui essaie d’entrainer les autres, ainsi que sa chute irrémédiable dans les filets de malfrats dominants. Maurice et Tooth Pick règnent en maîtres et n’hésitent pas à museler cette libération. Carmen place la Main haut dans les cœurs et les considérations, mais de façon éphémère.
René Richard Cyr réussit avec aisance à incarner sous forme musicale cette pièce qui se déroule autour d’une chanteuse et dans le milieu festif de la Main, placé à la marge de la société québécoise dans les années 1970. Trois personnages principaux partagent la scène: la Main, le chœur des putains et des travestis et Carmen. La scène exhibe la dimension spectaculaire, entre autres par les structures métalliques qui l’encadrent et laissent à vue de nombreux projecteurs. Le fond de scène est un immense mur d’ampoules, qui place tous les lieux de l’action sous le signe du spectacle. Après le triomphe du tour de chant de Carmen, le mur se lève significativement pour occuper le plafond de scène. S’il formait un mur contre lequel les illusions festives se heurtent, il devient une forme de ciel où tous les rêves sont permis, où des ouvertures apparaissent puisque les marginaux de ce quartier montréalais sont reconnus.
Cette revendication de reconnaissance emprunte à la forme chorale, qui permet de constituer un groupe unifié puissant par son nombre et ses chants. Il n’empêche que ces putains et ces travestis peuvent paraître édulcorés, leur piquant et leur marginalité se traduisant surtout dans les couleurs, formes et textures de leurs costumes extravagants. S’ils boivent à des goulots cachés dans quelques sachets en papier brun, on sent peu ce qui pouvait inquiéter une société conformiste dans leur mode de vie. La justification de la peur de la société et l’emprise des puissants sur ces êtres vulnérables sont peu marquées. Sans doute les critères ont-ils évolué depuis une quarantaine d’années.
Carmen signe une véritable diatribe contre le divertissement, qui se déploie sans témoigner de souci envers les spectateurs qui y assistent. La mise en scène de René Richard Cyr flirte aussi beaucoup avec ce que le texte dénonce. S’il maintient cette tension paradoxale, Le Chant de Sainte Carmen de la Main ne la travaille pas toujours très nettement. Par exemple, la tragédie est très atténuée. Par un jeu d’illusion tragique, le chœur refuse à Carmen la douche qui lui sera fatale. Bien que son meurtre reste irrésolu – injustice sévère pour cette chanteuse si altruiste et soucieuse de justice sociale, Carmen, angélique dans son costume blanc, revient par la porte du fond enfumée. Elle figure une rédemption, qui est vite rattrapée par le spectacle déployé. La tragédie sociale de la Main en concède beaucoup au spectaculaire, et le salut hiérarchique qui clôt ce moment théâtral réussi laisse un peu cette impression.
Le Chant de Sainte Carmen de la Main
Livret et paroles, d’après Sainte Carmen de la Main de Michel Tremblay: René Richard Cyr. Mise en scène: René Richard Cyr. Musique: Daniel Bélanger. Avec Édith Arvisais, Frédérike Bédard, Philippe Brault, Normand Carrière, France Castel, Normand D’Amour, Eveline Gélinas, Renaud Gratton, Maude Guérin, Liu-Kong Ha, Josianne Hébert, Simon Labelle-Ouimet, Michelle Labonté, Benoît Landry, Ève Landry, Maude Laperrière, Christian Laporte, Milène Leclerc, Bruno Marcil, Benoît McGinnis et Frédérik Zacharek. Une production de Spectra Musique. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 8 juin 2013.