Directeur depuis 2009 du Centre chorégraphique national de Rennes, en Bretagne, Boris Charmatz a transformé l’institution en Musée de la danse, pour en faire un lieu d’expérimentation et de réflexion, où se croisent des artistes de toutes disciplines, des sociologues, des philosophes et intellectuels pensant la danse. Ceci dit pour situer le personnage. Pour sa quatrième visite à Montréal, celui à qui on a décerné le titre (?) de chef de file de la non-danse, présente un spectacle à la fois fascinant et déroutant.
Les danseurs arrivent sur scène depuis la salle, un par un, ils s’extirpent anonymes d’une foule anonyme. Chacun interprète un solo de 25 mouvements, qu’il répète jusqu’à l’épuisement, dans un canon chorégraphique qui donne à voir une danse en construction. Ainsi, tous les mouvements de la chorégraphie, à la fois individuelle et collective sont visibles en simultané. Les 24 danseurs – et la loi du nombre participe à la beauté du geste – sont dans ce ballet autiste aspirés dans une spirale chaotique qui fait et défait l’ensemble. Parfois les corps se frôlent, se heurtent, s’évitent. Quelques gestes timides esquissés vers un autre, comme une rencontre furtive au cœur d’une répétition furieuse et aliénée, d’une frénésie qui mène à la transe.
Certains y verront une métaphore de nos petites vies, accumulation de gestes répétés tous les jours, à la même heure et au même endroit, ces gestes accomplis machinalement, inquiets et éphémères, cette répétition qui tue à petit feu, qui engloutit toute velléité de changement : la routine. Parce que, dans ce ballet de groupe, rien ne change et tout se répète à l’infini. Ni début, ni milieu, ni fin, mais une gestuelle schizophrène qui se dédouble et se reproduit par l’autre, miroir déformant de soi-même. D’autres y liront une dénonciation de notre société où tout ce qui dépasse est une menace, où les individualités peu à peu disparaissent dans un collectif grouillant et stérile.
Il faut souligner la performance physique saisissante des danseuses et danseurs. Trempés de sueur, les cheveux collés aux tempes, ils sont terriblement touchants, porteurs d’une beauté transcendée par l’oubli de soi au service de l’art. Et cela, malgré des costumes d’une laideur si vintage qu’ils feraient passer le Village des valeurs pour un temple de la haute couture.
À la fin du spectacle, les interprètes quittent la scène comme ils y sont venus, un par un, nous abandonnant à notre immense solitude. Qui se teinte d’un léger désarroi quand la vanité de l’existence se révèle comme une évidence…
Directeur depuis 2009 du Centre chorégraphique national de Rennes, en Bretagne, Boris Charmatz a transformé l’institution en Musée de la danse, pour en faire un lieu d’expérimentation et de réflexion, où se croisent des artistes de toutes disciplines, des sociologues, des philosophes et intellectuels pensant la danse. Ceci dit pour situer le personnage. Pour sa quatrième visite à Montréal, celui à qui on a décerné le titre (?) de chef de file de la non-danse, présente un spectacle à la fois fascinant et déroutant.
Les danseurs arrivent sur scène depuis la salle, un par un, ils s’extirpent anonymes d’une foule anonyme. Chacun interprète un solo de 25 mouvements, qu’il répète jusqu’à l’épuisement, dans un canon chorégraphique qui donne à voir une danse en construction. Ainsi, tous les mouvements de la chorégraphie, à la fois individuelle et collective sont visibles en simultané. Les 24 danseurs – et la loi du nombre participe à la beauté du geste – sont dans ce ballet autiste aspirés dans une spirale chaotique qui fait et défait l’ensemble. Parfois les corps se frôlent, se heurtent, s’évitent. Quelques gestes timides esquissés vers un autre, comme une rencontre furtive au cœur d’une répétition furieuse et aliénée, d’une frénésie qui mène à la transe.
Certains y verront une métaphore de nos petites vies, accumulation de gestes répétés tous les jours, à la même heure et au même endroit, ces gestes accomplis machinalement, inquiets et éphémères, cette répétition qui tue à petit feu, qui engloutit toute velléité de changement : la routine. Parce que, dans ce ballet de groupe, rien ne change et tout se répète à l’infini. Ni début, ni milieu, ni fin, mais une gestuelle schizophrène qui se dédouble et se reproduit par l’autre, miroir déformant de soi-même. D’autres y liront une dénonciation de notre société où tout ce qui dépasse est une menace, où les individualités peu à peu disparaissent dans un collectif grouillant et stérile.
Il faut souligner la performance physique saisissante des danseuses et danseurs. Trempés de sueur, les cheveux collés aux tempes, ils sont terriblement touchants, porteurs d’une beauté transcendée par l’oubli de soi au service de l’art. Et cela, malgré des costumes d’une laideur si vintage qu’ils feraient passer le Village des valeurs pour un temple de la haute couture.
À la fin du spectacle, les interprètes quittent la scène comme ils y sont venus, un par un, nous abandonnant à notre immense solitude. Qui se teinte d’un léger désarroi quand la vanité de l’existence se révèle comme une évidence…
Levée des conflits
Chorégraphie de Boris Charmatz
Une production du Centre chorégraphie national de Rennes et de Bretagne
Présentée dans le cadre du Festival Trans-Amériques, les 30 et 31 mai au Théâtre Jean-Duceppe