Sujet brûlant d’actualité, le fanatisme religieux s’inscrit au cœur de Lakmé, opéra de Léo Delibes créé en 1883, présenté samedi en ouverture de saison de l’Opéra de Montréal. La première ministre Pauline Marois, qui assistait au spectacle, le jour même du 50e anniversaire de l’inauguration de la Grande Salle (qui deviendra quelques années plus tard Salle Wilfrid-Pelletier), n’a cependant pas à s’inquiéter que cette production alimente de nouvelles polémiques autour de la Charte des valeurs.
On parle ici de la lecture datée, volontairement colonialiste, d’une histoire d’amour condamnée dès le premier regard, entre le bel officier Gérald et la fille du brahmane Nilakantha. Comme plusieurs avant (et depuis) elle, Lakmé pense que la pureté de son amour le sauvera (allant jusqu’à lui faire boire l’eau sacrée qui lie éternellement les amants). Elle paiera de sa vie sa désillusion, mais exemptera cet amoureux ingrat du courroux paternel.
L’Opéra de Montréal reprend ici décors et costumes du spectacle présenté à Montréal en 2007 (coproduction avec Opera Australia), qui avait ravi public et critique avec Aline Kutan dans le rôle-titre. La scénographie reste particulièrement chargée: jardin presque trop luxuriant au premier acte, bambous et feuillages encadrant l’espace de jeu, scène de ville reprenant plusieurs des mêmes éléments, dans lequel le très kitsch char de la déesse Dourga tournera en rond au deuxième, cabane rustique un peu plus convaincante au dernier acte. Le tout laisse bien peu de place à la distribution et au chœur, bien préparé et paré de couleurs vives, pour évoluer.
Le propos et la mise en scène statique d’Alain Gauthier pourraient agir comme autant d’irritants, mais c’est sans compter sur le charme qui opère dès qu’Audrey Luna – inoubliable Ariel dans The Tempest de Thomas Adès, présenté en août 2012 à Québec – ouvre la bouche. Son air des clochettes, l’un des plus célèbres pour colorature du répertoire, se révèle absolument impeccable. Le registre suraigu ne devient jamais détimbré, la souplesse de la voix renverse et jamais la soprano américaine ne semble nous offrir un déploiement de pyrotechnie vocale, même si elle réussit un sans-faute. Disposant d’une large palette expressive, Luna convainc dans les pianissimos et les mélismes, transmet aussi bien la carte de l’intériorité que de l’exaltation.
John Tessier campe un Gérald honnête, mais sans plus. Sa prononciation française s’avère adéquate, mais on aurait aimé que toutes les syllabes muettes dans la langue parlée, qui doivent être articulées une fois chantées pour une compréhension complète du texte, soient tout de même déposées. Dans le rôle du père de Lakmé, Burak Bilgili (qui avait pris part à Simon Bocanegra en 2010) a semblé céder au trac dans le premier acte, usant d’un vibrato excessif, mais s’est repris dès le deuxième acte, nous rappelant ses évidentes qualités d’acteur.
Dans les rôles secondaires, on retiendra particulièrement le Frédéric de Dominique Côté, compagnon d’armes de Gérald à l’impeccable prestance, et la Mallika d’Emma Char, contrepoint idéal à la voix d’Audrey Luna dans le célèbre duo des fleurs. La direction dépourvue de mordant d’Emmanuel Plasson n’est pas toujours parvenue à faire oublier le côté très sentimental de la musique de Delibes.
Lakmé. Musique: Léo Delibes. Livret: Edmond Gondinet et Philippe Gille. Mise en scène: Alain Gauthier. Une coproduction de l’Opéra de Montréal et d’Opera Australia. À la Salle Wilfrid-Pelletier de la PdA jusqu’au 28 septembre 2013.
Sujet brûlant d’actualité, le fanatisme religieux s’inscrit au cœur de Lakmé, opéra de Léo Delibes créé en 1883, présenté samedi en ouverture de saison de l’Opéra de Montréal. La première ministre Pauline Marois, qui assistait au spectacle, le jour même du 50e anniversaire de l’inauguration de la Grande Salle (qui deviendra quelques années plus tard Salle Wilfrid-Pelletier), n’a cependant pas à s’inquiéter que cette production alimente de nouvelles polémiques autour de la Charte des valeurs.
On parle ici de la lecture datée, volontairement colonialiste, d’une histoire d’amour condamnée dès le premier regard, entre le bel officier Gérald et la fille du brahmane Nilakantha. Comme plusieurs avant (et depuis) elle, Lakmé pense que la pureté de son amour le sauvera (allant jusqu’à lui faire boire l’eau sacrée qui lie éternellement les amants). Elle paiera de sa vie sa désillusion, mais exemptera cet amoureux ingrat du courroux paternel.
L’Opéra de Montréal reprend ici décors et costumes du spectacle présenté à Montréal en 2007 (coproduction avec Opera Australia), qui avait ravi public et critique avec Aline Kutan dans le rôle-titre. La scénographie reste particulièrement chargée: jardin presque trop luxuriant au premier acte, bambous et feuillages encadrant l’espace de jeu, scène de ville reprenant plusieurs des mêmes éléments, dans lequel le très kitsch char de la déesse Dourga tournera en rond au deuxième, cabane rustique un peu plus convaincante au dernier acte. Le tout laisse bien peu de place à la distribution et au chœur, bien préparé et paré de couleurs vives, pour évoluer.
Le propos et la mise en scène statique d’Alain Gauthier pourraient agir comme autant d’irritants, mais c’est sans compter sur le charme qui opère dès qu’Audrey Luna – inoubliable Ariel dans The Tempest de Thomas Adès, présenté en août 2012 à Québec – ouvre la bouche. Son air des clochettes, l’un des plus célèbres pour colorature du répertoire, se révèle absolument impeccable. Le registre suraigu ne devient jamais détimbré, la souplesse de la voix renverse et jamais la soprano américaine ne semble nous offrir un déploiement de pyrotechnie vocale, même si elle réussit un sans-faute. Disposant d’une large palette expressive, Luna convainc dans les pianissimos et les mélismes, transmet aussi bien la carte de l’intériorité que de l’exaltation.
John Tessier campe un Gérald honnête, mais sans plus. Sa prononciation française s’avère adéquate, mais on aurait aimé que toutes les syllabes muettes dans la langue parlée, qui doivent être articulées une fois chantées pour une compréhension complète du texte, soient tout de même déposées. Dans le rôle du père de Lakmé, Burak Bilgili (qui avait pris part à Simon Bocanegra en 2010) a semblé céder au trac dans le premier acte, usant d’un vibrato excessif, mais s’est repris dès le deuxième acte, nous rappelant ses évidentes qualités d’acteur.
Dans les rôles secondaires, on retiendra particulièrement le Frédéric de Dominique Côté, compagnon d’armes de Gérald à l’impeccable prestance, et la Mallika d’Emma Char, contrepoint idéal à la voix d’Audrey Luna dans le célèbre duo des fleurs. La direction dépourvue de mordant d’Emmanuel Plasson n’est pas toujours parvenue à faire oublier le côté très sentimental de la musique de Delibes.
Lakmé. Musique: Léo Delibes. Livret: Edmond Gondinet et Philippe Gille. Mise en scène: Alain Gauthier. Une coproduction de l’Opéra de Montréal et d’Opera Australia. À la Salle Wilfrid-Pelletier de la PdA jusqu’au 28 septembre 2013.