Je suis toujours le premier à dire qu’on ne voit pas assez souvent à Montréal ce qui se fait du côté de Toronto en matière de théâtre émergent. Personnellement, je serais pour que Jack Udashkin, qui préside aux destinées de La Chapelle, accueille chaque saison au moins une production du Buddies in Bad Times Theatre, la compagnie menée par Brendan Healy qui nous donné les captivantes et troublantes Silicone Diaries de Nina Arsenault. Il y a une scène alternative à Toronto, une scène à laquelle les Montréalais ont trop peu accès.
C’est en partie pourquoi je ne voulais pas manquer la production torontoise de La Liste présentée quatre soirs seulement à La Chapelle. Dirigé par Steph Ouaknine, une jeune metteure en scène qui est passée par l’Université McGill avant de s’établir à Toronto il y a deux ans, le monologue de Jennifer Tremblay, traduit par Shelley Tepperman, est interprété par Torri Higginson.
Commençons par dire que le spectacle s’appuie sur une proposition esthétique franche et qui est loin d’être inintéressante. En effet, la scène presque vide est pour ainsi dire entièrement éclairée, du début à la fin de la représentation, par un projecteur vidéo. La comédienne est donc en dialogue constant avec la lumière qui découpe le sol, mais surtout le mur qui se trouve derrière elle, en relation continue avec les formes et les images qui agrandissent ou resserrent l’espace scénique.
En plus d’être ingénieux, le procédé sert le propos et engendre plusieurs belles images: paysages, sang qui coagule, dessins d’enfants, neige qui virevolte… Or, ledit procédé est aussi ce qui plombe toute la production. C’est que les images projetées sont toujours, mais alors là systématiquement utilisées pour redire ce que le texte dit déjà fort bien. Chaque fois, les images soulignent, insistent, referment le sens, étouffent la poésie plutôt que de la déployer.
Pour illustrer ce qui est dit, le donner à voir, il existe des moyens bien plus subtils que la projection d’images vidéo directement suggérées par les mots. Durant son processus de création, Ouaknine semble avoir complètement perdu cela de vue. Ce qui n’arrange rien, c’est que le jeu adopté par la comédienne est d’une banalité confondante, d’un inexplicable réalisme. Il faut voir Higginson mimer qu’elle mange quand elle dit qu’elle mange, feindre de boire quand elle dit qu’elle boit, faire des listes quand elle dit qu’elle fait des listes…
Tout cela est déconcertant. Il n’y a pas d’autres mots. Mais je ne baisserai pas si facilement les bras! La prochaine fois qu’un spectacle torontois passera par La Chapelle, je ne manquerai pas d’y être, le cœur encore et toujours rempli d’espoir.
The List. Texte: Jennifer Tremblay. Traduction: Shelley Tepperman. Mise en scène: Steph Ouaknine. Au Théâtre La Chapelle jusqu’au 15 février 2014.
Je suis toujours le premier à dire qu’on ne voit pas assez souvent à Montréal ce qui se fait du côté de Toronto en matière de théâtre émergent. Personnellement, je serais pour que Jack Udashkin, qui préside aux destinées de La Chapelle, accueille chaque saison au moins une production du Buddies in Bad Times Theatre, la compagnie menée par Brendan Healy qui nous donné les captivantes et troublantes Silicone Diaries de Nina Arsenault. Il y a une scène alternative à Toronto, une scène à laquelle les Montréalais ont trop peu accès.
C’est en partie pourquoi je ne voulais pas manquer la production torontoise de La Liste présentée quatre soirs seulement à La Chapelle. Dirigé par Steph Ouaknine, une jeune metteure en scène qui est passée par l’Université McGill avant de s’établir à Toronto il y a deux ans, le monologue de Jennifer Tremblay, traduit par Shelley Tepperman, est interprété par Torri Higginson.
Commençons par dire que le spectacle s’appuie sur une proposition esthétique franche et qui est loin d’être inintéressante. En effet, la scène presque vide est pour ainsi dire entièrement éclairée, du début à la fin de la représentation, par un projecteur vidéo. La comédienne est donc en dialogue constant avec la lumière qui découpe le sol, mais surtout le mur qui se trouve derrière elle, en relation continue avec les formes et les images qui agrandissent ou resserrent l’espace scénique.
En plus d’être ingénieux, le procédé sert le propos et engendre plusieurs belles images: paysages, sang qui coagule, dessins d’enfants, neige qui virevolte… Or, ledit procédé est aussi ce qui plombe toute la production. C’est que les images projetées sont toujours, mais alors là systématiquement utilisées pour redire ce que le texte dit déjà fort bien. Chaque fois, les images soulignent, insistent, referment le sens, étouffent la poésie plutôt que de la déployer.
Pour illustrer ce qui est dit, le donner à voir, il existe des moyens bien plus subtils que la projection d’images vidéo directement suggérées par les mots. Durant son processus de création, Ouaknine semble avoir complètement perdu cela de vue. Ce qui n’arrange rien, c’est que le jeu adopté par la comédienne est d’une banalité confondante, d’un inexplicable réalisme. Il faut voir Higginson mimer qu’elle mange quand elle dit qu’elle mange, feindre de boire quand elle dit qu’elle boit, faire des listes quand elle dit qu’elle fait des listes…
Tout cela est déconcertant. Il n’y a pas d’autres mots. Mais je ne baisserai pas si facilement les bras! La prochaine fois qu’un spectacle torontois passera par La Chapelle, je ne manquerai pas d’y être, le cœur encore et toujours rempli d’espoir.
The List. Texte: Jennifer Tremblay. Traduction: Shelley Tepperman. Mise en scène: Steph Ouaknine. Au Théâtre La Chapelle jusqu’au 15 février 2014.