Fondé à Melbourne en 1978, Circus Oz débarque pour la première fois de son histoire au Canada. Cela tient presque du mystère quand on sait que l’entreprise circassienne, que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de plus importante d’Australie, s’était à ce jour arrêtée dans quelque deux cents villes aux quatre coins du globe… mais jamais à Montréal qui se targue d’être la capitale mondiale du cirque et qui a pourtant accueilli, ces dernières années, son lot de spectacles – tous genres confondus – provenant du pays «d’en dessous».
«Un nouveau monde est en construction», écrit-on dans le programme de From The Ground Up! La déclaration fait écho à l’affiche du spectacle sur laquelle huit personnages hauts en couleur se retrouvent suspendus au-dessus d’une métropole quelconque. Difficile de ne pas y voir une référence à la fameuse photo Lunch Atop A Skyscraper des années 30 où onze travailleurs, sur leur poutre, mangent tranquillement leur lunch à huit cents pieds au-dessus de New York. Sauf qu’ici la joyeuse bande n’est pas tout à fait confortable, quelques-uns semblent s’agripper difficilement et, différence majeure, le tableau farfelu compte au moins trois femmes.
Sur scène, un chantier digne des plus bordéliques lieux de construction au Québec! Les échafauds se promènent, ça tourne, les poutres montent et descendent, les chaînes se tendent, on (se) peinture, bref ça grouille d’une énergie fort habilement orchestrée. Et c’est peut-être ce qui engendre le plus de vertige durant les deux heures que dure FTGU.
On se crispe lors du numéro de mât oscillant, on est surpris qu’une femme devienne littéralement une corde à danser et qu’une autre, plus robuste, se serve de ses jambes pour jongler avec une table, tout comme on est nerveux quelques secondes devant l’exercice de rola bola. Mais le spectateur qui s’attend à éprouver des sensations fortes, voire à avoir des sueurs froides, restera ici sur sa faim – ce n’était pas, après tout, le but recherché par les concepteurs.
Ironie du sort, c’est le Québécois Antoine Carabinier-Lépine, remplaçant un artiste australien blessé, qui compose le plus beau numéro du spectacle: faisait preuve d’une virtuosité enivrante dans sa roue Cyr – invention québécoise, faut-il le rappeler – l’homme aux allures de hipster un peu rustre ne manque pas de séduire le public dont la composition interdisait en quelque sorte le chauvinisme.
Si le chantier constitue la trame de FTGU, c’est l’humour qui lui sert de véritable fil conducteur. On raconte que les artistes avaient peur, en débarquant à Montréal, que leurs farces (souvent physiques) ne passent pas. Qu’ils dorment tranquille: c’est mission réussie! Sans compter que le spectacle fourmille d’allusions au pays «d’en bas» auxquelles nous sommes très familiers: quelques notes du groupe AC/DC, un kangourou rouge en cavale et le bel accent des performeurs – qui font bien quelques efforts pour s’exprimer en français – rappellera sans cesse leurs origines… mais aussi que nos cultures, au fond, ne sont pas tellement éloignées.
La musique, live, aide aussi à cette rencontre. Les airs de dixie et de boogie, en passant par le disco, donnent au spectacle une exubérance toujours ponctuée de sons loufoques et de comportements grotesques qui rendent la plupart des situations rigolotes. Bref, le public de tous âges s’amuse ferme sur le chantier de Circus Oz.
Enfin, il importe peut-être de rappeler que la compagnie australienne donnait déjà le ton au nouveau cirque alors que le Soleil de Laliberté ne rayonnait même pas encore sur Baie-Saint-Paul. Or si l’esthétique «urbaine» du premier n’est pas sans rappeler les mondes des spectacles du Cirque Éloize et des 7 doigts de la main, il faut se dépêcher d’ajouter que ces derniers n’ont en ce sens rien à envier à Oz.
La question de la théâtralité circassienne n’est certes pas nouvelle – surtout à Montréal! – non plus ce dessein de se vendre sous le signe du collectif qui aboli(rai)t les catégories. Mais au-delà de références parfois figées dans le mortier de l’expérience et du temps, j’ai beaucoup apprécié voir disparaître plusieurs rôles et oppositions dont mêmes les entreprises d’ici font rarement l’économie.
C’est d’ailleurs une percussionniste aux airs de garçon qui, de façon bilingue, clôt le spectacle en lançant à l’auditoire que FTGU est un «hommage à la compassion, à la diversité et à la bonté». Now that’s a serious game!
From The Ground Up! Une production de la compagnie Circus Oz. À la Tohu jusqu’au 9 mars 2014.
Fondé à Melbourne en 1978, Circus Oz débarque pour la première fois de son histoire au Canada. Cela tient presque du mystère quand on sait que l’entreprise circassienne, que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de plus importante d’Australie, s’était à ce jour arrêtée dans quelque deux cents villes aux quatre coins du globe… mais jamais à Montréal qui se targue d’être la capitale mondiale du cirque et qui a pourtant accueilli, ces dernières années, son lot de spectacles – tous genres confondus – provenant du pays «d’en dessous».
«Un nouveau monde est en construction», écrit-on dans le programme de From The Ground Up! La déclaration fait écho à l’affiche du spectacle sur laquelle huit personnages hauts en couleur se retrouvent suspendus au-dessus d’une métropole quelconque. Difficile de ne pas y voir une référence à la fameuse photo Lunch Atop A Skyscraper des années 30 où onze travailleurs, sur leur poutre, mangent tranquillement leur lunch à huit cents pieds au-dessus de New York. Sauf qu’ici la joyeuse bande n’est pas tout à fait confortable, quelques-uns semblent s’agripper difficilement et, différence majeure, le tableau farfelu compte au moins trois femmes.
Sur scène, un chantier digne des plus bordéliques lieux de construction au Québec! Les échafauds se promènent, ça tourne, les poutres montent et descendent, les chaînes se tendent, on (se) peinture, bref ça grouille d’une énergie fort habilement orchestrée. Et c’est peut-être ce qui engendre le plus de vertige durant les deux heures que dure FTGU.
On se crispe lors du numéro de mât oscillant, on est surpris qu’une femme devienne littéralement une corde à danser et qu’une autre, plus robuste, se serve de ses jambes pour jongler avec une table, tout comme on est nerveux quelques secondes devant l’exercice de rola bola. Mais le spectateur qui s’attend à éprouver des sensations fortes, voire à avoir des sueurs froides, restera ici sur sa faim – ce n’était pas, après tout, le but recherché par les concepteurs.
Ironie du sort, c’est le Québécois Antoine Carabinier-Lépine, remplaçant un artiste australien blessé, qui compose le plus beau numéro du spectacle: faisait preuve d’une virtuosité enivrante dans sa roue Cyr – invention québécoise, faut-il le rappeler – l’homme aux allures de hipster un peu rustre ne manque pas de séduire le public dont la composition interdisait en quelque sorte le chauvinisme.
Si le chantier constitue la trame de FTGU, c’est l’humour qui lui sert de véritable fil conducteur. On raconte que les artistes avaient peur, en débarquant à Montréal, que leurs farces (souvent physiques) ne passent pas. Qu’ils dorment tranquille: c’est mission réussie! Sans compter que le spectacle fourmille d’allusions au pays «d’en bas» auxquelles nous sommes très familiers: quelques notes du groupe AC/DC, un kangourou rouge en cavale et le bel accent des performeurs – qui font bien quelques efforts pour s’exprimer en français – rappellera sans cesse leurs origines… mais aussi que nos cultures, au fond, ne sont pas tellement éloignées.
La musique, live, aide aussi à cette rencontre. Les airs de dixie et de boogie, en passant par le disco, donnent au spectacle une exubérance toujours ponctuée de sons loufoques et de comportements grotesques qui rendent la plupart des situations rigolotes. Bref, le public de tous âges s’amuse ferme sur le chantier de Circus Oz.
Enfin, il importe peut-être de rappeler que la compagnie australienne donnait déjà le ton au nouveau cirque alors que le Soleil de Laliberté ne rayonnait même pas encore sur Baie-Saint-Paul. Or si l’esthétique «urbaine» du premier n’est pas sans rappeler les mondes des spectacles du Cirque Éloize et des 7 doigts de la main, il faut se dépêcher d’ajouter que ces derniers n’ont en ce sens rien à envier à Oz.
La question de la théâtralité circassienne n’est certes pas nouvelle – surtout à Montréal! – non plus ce dessein de se vendre sous le signe du collectif qui aboli(rai)t les catégories. Mais au-delà de références parfois figées dans le mortier de l’expérience et du temps, j’ai beaucoup apprécié voir disparaître plusieurs rôles et oppositions dont mêmes les entreprises d’ici font rarement l’économie.
C’est d’ailleurs une percussionniste aux airs de garçon qui, de façon bilingue, clôt le spectacle en lançant à l’auditoire que FTGU est un «hommage à la compassion, à la diversité et à la bonté». Now that’s a serious game!
From The Ground Up! Une production de la compagnie Circus Oz. À la Tohu jusqu’au 9 mars 2014.