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Félix Beaulieu-Duchesneau et la paternité

© Annie Éthier

Comédien aux multiples talents, metteur en scène inspiré et codirecteur artistique du Théâtre Qui Va Là, Félix Beaulieu-Duchesneau profite du 13e Festival du Jamais Lu pour dévoiler Le Nombril du Monstre, « une bande dessinée autobiographique et poétique » sur la vie d’un homme qui s’apprête à devenir père.

Qu’est-ce qui vous met le feu au cul? Qu’est-ce qui vous donne le goût de mettre le feu autour de vous?

Félix Beaulieu-Duchesneau : « Le feu est généré par le fantasme de faire une bédé et par l’urgence de parler de ce passage fondamental qu’est celui d’avoir un bébé. J’espère de tout cœur que ce brasier sera rassembleur! Je crois que dans le feu personnel se trouve le feu universel. »

Qu’est-ce qui vous éteint, vous étouffe, menace la survie de votre flamme?

F. B.-D. : « L’exigence de ce métier de créateur dans un contexte familial. Le côté montagne russe du monde des arts. Le manque de vision et d’investissement dans la culture par nos gouvernements me bouleverse. »

Qu’est-ce qui vous donne le feu sacré ou encore le ranime? Qu’est-ce que vous brûlez de dire, de créer, de réaliser?

F. B.-D. : « Face à ce contexte de précarité et de cynisme, j’ai envie de plonger dans des projets fous qui touchent à des valeurs fondamentales et sacrées. Ça m’allume complètement de me mettre en danger dans un projet qui m’oblige à explorer une forme nouvelle et éclatée. Je ne veux pas aller “loin” dans la vie, je veux aller “proche”. Je cherche à toucher le cœur des gens et pour y parvenir je dois puiser au plus profond du mien. »

Quel rapport entretenez-vous avec le territoire, la nature, les éléments et les animaux?

F. B.-D. : « Dans Le Nombril du Monstre, le jeune Félix cherche à se définir comme papa en gestation. Il doit plonger en lui, dans le territoire intime de son enfance à Charlesbourg puis dans celui de son père et son grand-père à La Tuque. Félix se perçoit comme un grand singe à l’approche de la naissance de son enfant, un animal humain faisant partie d’un tout qui le dépasse. Un personnage de chien ange l’aidera aussi à retrouver ses instincts tout au long de la bande dessinée. Le sentiment de faire partie de la nature en devenant papa le pousse également à dessiner avec de la terre, de la cendre et de l’eau. »

Pourriez-vous me décrire votre pièce en trois mots?

F. B.-D. : « Je nous aime. »

Pourriez-vous me décrire l’un de vos personnages?

F. B.-D. : « La statue de Félix Leclerc. N’arrivant pas à trouver une oreille empathique pour échanger sur ces joies et ces peurs face à l’arrivée de son premier enfant, Félix ira se confier à la statue de Félix Leclerc située dans le parc Lafontaine. Par ces dessins, Félix donne vie à ce monument. Ensemble, ils discutent de tous les monstres qui habitent le jeune homme. Comme un ancêtre bienveillant, la statue de Félix Leclerc aide le jeune Félix à trouver le courage de se tenir debout dans sa vie de père en devenir. La statue de bronze tentera d’enlever le poids immense que Félix se met sur le dos. C’est en plein cœur de la nuit, après avoir grimpé aux branches du plus vieil arbre du parc Lafontaine, qu’ils réinventent ensemble le monde. »

Pourriez-vous nommer cinq sujets abordés dans votre pièce?

F. B.-D. : « Paternité. Naissance. Deuil. Création. Bande dessinée. »

Le Nombril du Monstre

Texte : Félix Beaulieu-Duchesneau. Mise en lecture : Félix Beaulieu-Duchesneau et JF Nadeau. Distribution : Félix Beaulieu-Duchesneau, Sandrine Cloutier, Hubert Fielden et Suzanne Lantagne. Musicien : Benoît Côté. Didascalies vidéo : Cynthia Bouchard-Gosselin. Assistance à la conception visuelle : Josée Bergeron-Proulx. Aux Écuries le mercredi 7 mai 2014 à 20 h.

Christian Saint-Pierre

Critique de théâtre, on peut également le lire dans Le Devoir et Lettres québécoises. Il a été rédacteur en chef et directeur de JEU de 2011 à 2017.