Nombreux sont les chorégraphes qui se sont attaqués au Sacre du printemps d’Igor Stravinsky : Pina Bausch, Maurice Béjart, Martha Graham, Jean-Claude Gallota, Angelin Preljocaj, et, bien sûr, le créateur de l’œuvre, le danseur Vaslav Nijinski, étoile des Ballets russes de Diaghilev. Lors de la création, à Paris, en 1913, chorégraphe et compositeur ont été copieusement hués, les critiques parlaient d’un « Massacre du printemps ».
Répondant à une commande pour célébrer le centenaire du Sacre du printemps, Akram Khan a choisi de le réécrire et, plutôt que d’apporter sa vision à celles déjà existantes, de déconstruire l’œuvre pour la réinventer. Inspiré par la vie du musicien, il a imaginé ce qu’il pouvait y avoir dans la tête de Stravinsky, en se posant la question : comment la beauté peut-elle naitre du chaos ?
Dans l’esprit de Khan, l’imaginaire ne fait pas défaut, et syncrétisme est le maître mot. La richesse, le déploiement de ce spectacle le démontrent de façon éclatante.
Exit la partition d’Igor, surclassée par des musiques originales et métissées, électroniques et symphoniques des compositeurs contemporains Nitin Sawhney, Jocelyn Pook et Ben Frost. La danse, puissante, a gardé de Stravinsky la pulsion et le rythme, marqués par les sauts des danseurs, tous prodigieux.
Racée, unique, tribale, la chorégraphie de Khan tire sa gestuelle du kathak, une danse du nord de l’Inde, des danses de l’Europe de l’est, du break dance, du hip hop. Khan se permet même quelques discrètes réminiscences, comme un clin d’œil fugace à ceux qui l’ont précédé : un mouvement de groupe fait penser à Pina Bausch, un autre à Maurice Béjart. Ainsi, de ce chaos soigneusement orchestré, Khan fait naitre la beauté.
Dans ce rituel humain et animal, sauvage et sophistiqué, le temps, les repères et les frontières s’abolissent, passé et présent se télescopent dans un foisonnement de références culturelles.
L’esthétique du spectacle est particulièrement réussie. Le choix harmonieux des couleurs et les subtiles lumières de Fabiana Piccioli créent un univers pictural entre Renaissance et surréalisme, où les créatures d’un Jérôme Bosch hanteraient les délires d’un Dalí.
Somptueux sont les costumes de Kimie Nakano, comme cette robe blanche à crinoline et à sein découvert, qui n’est pas sans évoquer le portrait d’Agnès Sorel en Vierge allaitant, de Jean Fouquet, qui représentait l’idéal de la beauté au 15e siècle. Femme empêchée de mouvement, prisonnière de sa parure, qui contraste avec la jeune fille, aérienne et filiforme (merveilleuse Ching-Yin Chien) qui danse et danse encore jusqu’à la mort, bouleversante de grâce, habitée d’une force inouïe dans un corps si minuscule (et dont la robe toute simple rappelle celles du Sacre de Pina Bausch, inspiration que revendique le chorégraphe).
Sacrée et païenne, cette cérémonie du sacrifice ultime – ici symbolisé par un exubérant chapeau de dentelle blanche – nous laisse à genoux, saluant avec respect et enthousiasme la magnifique œuvre d’art qui vient de se donner sous nos yeux.
Soixante-quinze minutes de beauté pure. Par les temps qui courent, cela ne se refuse pas.
Chorégraphie de Akram Khan. Une coproduction de Sadler’s Wells, Londres, de la MC2 de Grenoble, Hellerau – European Center for the Arts, à Dresde et les Théâtres de la Ville de Luxembourg. Présenté par Danse Danse au Théâtre Maisonneuve de la PdA jusqu’au 1er novembre 2014.
Nombreux sont les chorégraphes qui se sont attaqués au Sacre du printemps d’Igor Stravinsky : Pina Bausch, Maurice Béjart, Martha Graham, Jean-Claude Gallota, Angelin Preljocaj, et, bien sûr, le créateur de l’œuvre, le danseur Vaslav Nijinski, étoile des Ballets russes de Diaghilev. Lors de la création, à Paris, en 1913, chorégraphe et compositeur ont été copieusement hués, les critiques parlaient d’un « Massacre du printemps ».
Répondant à une commande pour célébrer le centenaire du Sacre du printemps, Akram Khan a choisi de le réécrire et, plutôt que d’apporter sa vision à celles déjà existantes, de déconstruire l’œuvre pour la réinventer. Inspiré par la vie du musicien, il a imaginé ce qu’il pouvait y avoir dans la tête de Stravinsky, en se posant la question : comment la beauté peut-elle naitre du chaos ?
Dans l’esprit de Khan, l’imaginaire ne fait pas défaut, et syncrétisme est le maître mot. La richesse, le déploiement de ce spectacle le démontrent de façon éclatante.
Exit la partition d’Igor, surclassée par des musiques originales et métissées, électroniques et symphoniques des compositeurs contemporains Nitin Sawhney, Jocelyn Pook et Ben Frost. La danse, puissante, a gardé de Stravinsky la pulsion et le rythme, marqués par les sauts des danseurs, tous prodigieux.
Racée, unique, tribale, la chorégraphie de Khan tire sa gestuelle du kathak, une danse du nord de l’Inde, des danses de l’Europe de l’est, du break dance, du hip hop. Khan se permet même quelques discrètes réminiscences, comme un clin d’œil fugace à ceux qui l’ont précédé : un mouvement de groupe fait penser à Pina Bausch, un autre à Maurice Béjart. Ainsi, de ce chaos soigneusement orchestré, Khan fait naitre la beauté.
Dans ce rituel humain et animal, sauvage et sophistiqué, le temps, les repères et les frontières s’abolissent, passé et présent se télescopent dans un foisonnement de références culturelles.
L’esthétique du spectacle est particulièrement réussie. Le choix harmonieux des couleurs et les subtiles lumières de Fabiana Piccioli créent un univers pictural entre Renaissance et surréalisme, où les créatures d’un Jérôme Bosch hanteraient les délires d’un Dalí.
Somptueux sont les costumes de Kimie Nakano, comme cette robe blanche à crinoline et à sein découvert, qui n’est pas sans évoquer le portrait d’Agnès Sorel en Vierge allaitant, de Jean Fouquet, qui représentait l’idéal de la beauté au 15e siècle. Femme empêchée de mouvement, prisonnière de sa parure, qui contraste avec la jeune fille, aérienne et filiforme (merveilleuse Ching-Yin Chien) qui danse et danse encore jusqu’à la mort, bouleversante de grâce, habitée d’une force inouïe dans un corps si minuscule (et dont la robe toute simple rappelle celles du Sacre de Pina Bausch, inspiration que revendique le chorégraphe).
Sacrée et païenne, cette cérémonie du sacrifice ultime – ici symbolisé par un exubérant chapeau de dentelle blanche – nous laisse à genoux, saluant avec respect et enthousiasme la magnifique œuvre d’art qui vient de se donner sous nos yeux.
Soixante-quinze minutes de beauté pure. Par les temps qui courent, cela ne se refuse pas.
iTMOi (in the mind of igor)
Chorégraphie de Akram Khan. Une coproduction de Sadler’s Wells, Londres, de la MC2 de Grenoble, Hellerau – European Center for the Arts, à Dresde et les Théâtres de la Ville de Luxembourg. Présenté par Danse Danse au Théâtre Maisonneuve de la PdA jusqu’au 1er novembre 2014.