Critiques

Los cuervos no se peinan : Si, mama!

Deux comédiens, un chapeau rouge, un bonnet de laine, une chaise : il n’en faut pas plus à la compagnie Los Endebles, du Mexique, pour donner un spectacle, en espagnol et sans sur-titre, qui a su captiver les jeunes esprits, y compris les plus turbulents.

Une femme, seule dans un parc, rêve d’avoir un enfant. Un œuf lui tombe sur la tête, qu’elle emporte chez elle. De cet œuf sort un corbeau. Malgré quelques réticences – que l’oiseau saura vaincre d’un regard – elle l’adopte et l’élève comme un petit garçon. Il s’appellera Emilio. Et, tout comme un vrai petit garçon, Emilio apprend à parler, à marcher. À l’âge de 7 ans, il veut aller à l’école. C’est là qu’il va comprendre qu’il n’est pas comme les autres petits garçons, parce qu’il a des plumes et un bec à la place de la bouche. Mais lui, il sait voler…

Amanda Farah et Sergio Solis, les deux interprètes, font des merveilles avec trois fois rien, mais avec un jeu des plus expressifs, une gestuelle et des mimiques des plus précises, à un point tel que, lorsqu’ils montrent un ballon imaginaire, les enfants se retournent pour le voir !

Ce conte charmant sur la quête d’identité, le droit à la différence et l’amour maternel est une belle réussite. Laissant une large place à l’imaginaire, l’histoire d’Emilio et de sa maman est empreinte d’une poésie toute délicate et d’humour tendre. Épurée, la mise en scène est précise et efficace. Tout est ici limpide et parfaitement compréhensible, même pour les enfants qui ne comprennent pas l’espagnol.

À la fin du spectacle, le metteur en scène, Boris Schoemann, prend la parole pour s’adresser aux jeunes spectateurs et leur parler des 43 étudiants disparus au Mexique, en leur expliquant pourquoi il est important que le monde entier se mobilise…Ce geste politique m’a bouleversée, je dois le reconnaître. Il a raison, Boris Schoemann. Il faut sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge à ne pas accepter l’arbitraire, ni l’horreur, ni la pensée unique.

« Vivos los llevaron, vivos los queremos », crient les parents qui manifestent au Mexique. (Vivants ils sont partis, vivants nous les voulons). Ce combat, cette admirable résistance n’est pas sans évoquer les mères de la place de Mai, à Buenos Aires, qui réclament depuis plus de 30 ans leurs enfants disparus sous la dictature… Puisque nous ne voulons pas comprendre les erreurs du passé, nous sommes condamnés à les revivre. Pas brillant, comme constat…

Los cuervos no se peinan (Les corbeaux ne se peignent pas)

Texte de Maribel Carasco. Mise en scène de Boris Schoemann. Une production de la compagnie Los Endebles. À la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, à l’occasion des Coups de théâtre, le 19 novembre 2014.