Depuis sa fondation en 2001, la compagnie belge Zonzo s’est donnée pour mandat de faire découvrir la musique aux enfants en proposant des formes innovantes et stimulantes qui flirtent avec la vidéo, la performance et le théâtre. Avec La fille qui fixait, c’est une expérience sensorielle immersive, étrange et sidérante qui nous est offerte.
Pour ce premier spectacle que la compagnie de Wouter Van Looy présente dans le cadre des Coups de théâtre, le public est convié à un concert cinématographique dont l’inspiration est la poésie macabre et aigre-douce de Tim Burton. Le titre de la création, La fille qui fixait, renvoie à un poème que l’on retrouve dans le recueil La triste fin du petit enfant huître et autres histoires, écrit et dessiné par le cinéaste en 1997.
En scène, un trio de musiciens assure avec maestria le récit et la mise en musique des courtes « histoires extraordinaires » (ici, l’allusion à Poe est délibérée). On retrouve ou découvre donc la Reine Pelote-à-épingles, Ludovic l’enfant toxique, la fille Vaudou, l’Enfant-robot : en un mot, nous sommes visités par le triste cortège d’enfants perdus imaginés par le créateur d’Édouard aux mains d’argent.
La cinéaste et metteure en scène Nathalie Teirlinck s’est accordé une certaine liberté visuelle et narrative vis-à-vis du recueil de Burton et cette initiative mérite d’être saluée. Plutôt que de laisser chaque conte se succéder de manière entièrement autonome, procédé qui aurait pu devenir lassant à la longue, elle a fait le choix judicieux d’organiser des rencontres improbables et touchantes entre les enfants marginaux et orphelins. Ces moments de tendresse inattendus constituent d’heureux contrepoints à la tonalité généralement cruelle des petites histoires de Burton.
La recherche musicale du claviériste, de la chanteuse et du percussionniste est aboutie et enlevante. Elle accompagne et prolonge les images de Teirlinck sans jamais s’y subordonner complètement. De plus, les trois interprètes sont investis physiquement. En engageant un dialogue musical et corporel fécond avec les étranges orphelins muets, ils maintiennent une friction dynamisante entre les médiums musical et cinématographique.
Contenus dans un espace cubique dont la face externe est un tulle et la face interne parallèle est un écran, les trois musiciens semble prisonniers d’une camera obscura où prennent naissance les images des contes. À la gauche de cette chambre noire musicale se trouve un deuxième écran, sur lequel sont projetés les films. Parfois, les deux écrans ne diffusent pas les mêmes images ; l’aspect polyphonique de la création gagne ainsi en complexité.
À la manière de Burton dont elle choisit ici de mettre les contes en images et en musique, la compagnie Zonzo prend le pari de ne pas infantiliser les enfants. La fille qui fixait aborde sans compromis formel les thématiques délicates de la mort, la solitude, la marginalité, l’exclusion et la cupidité humaine. C’est au déploiement d’une poésie scénique contemporaine et cinglante que nous assistons et c’est tant mieux.
Les créateurs ont su se tenir en équilibre sur cette fine ligne qui délimite les territoires du fantastique et de l’horreur chez Burton, sans jamais basculer du côté de l’horrifiant gratuit ou de l’onirisme trop planant.
Mise en scène et vidéo de Nathalie Teirlinck. Une production de Zonzo Compagnie. Présenté dans le cadre du festival Les Coups de Théâtre, les 19 et 20 novembre 2014.
Depuis sa fondation en 2001, la compagnie belge Zonzo s’est donnée pour mandat de faire découvrir la musique aux enfants en proposant des formes innovantes et stimulantes qui flirtent avec la vidéo, la performance et le théâtre. Avec La fille qui fixait, c’est une expérience sensorielle immersive, étrange et sidérante qui nous est offerte.
Pour ce premier spectacle que la compagnie de Wouter Van Looy présente dans le cadre des Coups de théâtre, le public est convié à un concert cinématographique dont l’inspiration est la poésie macabre et aigre-douce de Tim Burton. Le titre de la création, La fille qui fixait, renvoie à un poème que l’on retrouve dans le recueil La triste fin du petit enfant huître et autres histoires, écrit et dessiné par le cinéaste en 1997.
En scène, un trio de musiciens assure avec maestria le récit et la mise en musique des courtes « histoires extraordinaires » (ici, l’allusion à Poe est délibérée). On retrouve ou découvre donc la Reine Pelote-à-épingles, Ludovic l’enfant toxique, la fille Vaudou, l’Enfant-robot : en un mot, nous sommes visités par le triste cortège d’enfants perdus imaginés par le créateur d’Édouard aux mains d’argent.
La cinéaste et metteure en scène Nathalie Teirlinck s’est accordé une certaine liberté visuelle et narrative vis-à-vis du recueil de Burton et cette initiative mérite d’être saluée. Plutôt que de laisser chaque conte se succéder de manière entièrement autonome, procédé qui aurait pu devenir lassant à la longue, elle a fait le choix judicieux d’organiser des rencontres improbables et touchantes entre les enfants marginaux et orphelins. Ces moments de tendresse inattendus constituent d’heureux contrepoints à la tonalité généralement cruelle des petites histoires de Burton.
La recherche musicale du claviériste, de la chanteuse et du percussionniste est aboutie et enlevante. Elle accompagne et prolonge les images de Teirlinck sans jamais s’y subordonner complètement. De plus, les trois interprètes sont investis physiquement. En engageant un dialogue musical et corporel fécond avec les étranges orphelins muets, ils maintiennent une friction dynamisante entre les médiums musical et cinématographique.
Contenus dans un espace cubique dont la face externe est un tulle et la face interne parallèle est un écran, les trois musiciens semble prisonniers d’une camera obscura où prennent naissance les images des contes. À la gauche de cette chambre noire musicale se trouve un deuxième écran, sur lequel sont projetés les films. Parfois, les deux écrans ne diffusent pas les mêmes images ; l’aspect polyphonique de la création gagne ainsi en complexité.
À la manière de Burton dont elle choisit ici de mettre les contes en images et en musique, la compagnie Zonzo prend le pari de ne pas infantiliser les enfants. La fille qui fixait aborde sans compromis formel les thématiques délicates de la mort, la solitude, la marginalité, l’exclusion et la cupidité humaine. C’est au déploiement d’une poésie scénique contemporaine et cinglante que nous assistons et c’est tant mieux.
Les créateurs ont su se tenir en équilibre sur cette fine ligne qui délimite les territoires du fantastique et de l’horreur chez Burton, sans jamais basculer du côté de l’horrifiant gratuit ou de l’onirisme trop planant.
La fille qui fixait
Mise en scène et vidéo de Nathalie Teirlinck. Une production de Zonzo Compagnie. Présenté dans le cadre du festival Les Coups de Théâtre, les 19 et 20 novembre 2014.