Tout se passe ici sous le signe de la triade, ou du triumvirat. Les trois nouveaux codirecteurs d’Omnibus dirigent trois femmes. Trois jeunes dames de tailles différentes, de longue mince à courte enveloppée, animées par autant de « maîtres d’œuvre », selon la terminologie propre à Omnibus.
Si, par le passé, les artistes corporels de la troupe ont déjà beaucoup parlé, ils observent cette fois un mutisme total, mais pas le silence. Des commentaires enregistrés accompagnent l’action, soit pour l’éclairer – sans jamais l’illustrer –, soit pour s’y opposer, comiquement ou dramatiquement.
On ne sait qui du trio Jean Asselin, Réal Bossé ou Sylvie Moreau a dirigé lesquels des sketchs – le programme nous propose un concours pour le deviner –, mais entre « La Femme grenouille », « Les Vaches-cachalots », « L’Éducation des filles » et une demi-douzaine d’autres, une belle unité lie les parties du spectacle.
Le texte est fait de collages : extraits de chansons fredonnés (parfois maladroitement), proverbes, dialogues ou monologues intérieurs, babil, etc. Le premier sketch laisse entendre le commentaire sportif bilingue de ce qui semble être un match de lutte sous une musique de fête foraine. Pendant ce temps, les interprètes « montrent des gestes » comme on ferait admirer ses muscles. Ou encore, une femme prend des poses marquées tandis qu’on entend : « Cette femme a décidé de ne pas avoir d’enfant. Elle porte sa couleur naturelle. » Forcément, vu l’absence de correspondance entre gestes et paroles, l’imagination vagabonde, encouragée par une musique généralement entraînante.
Autre veine remarquablement exploitée : jouer avec des parties de son corps – ou du corps d’une autre – comme des objets. Un doigt ou un nez deviennent ainsi une sorte de biscuit, un corps étranger à dominer. Une bouche sourit exagérément, tandis que le reste du corps « dit » autre chose… Une autre bouche s’ouvre à se déchirer, entraînant les yeux dans une expression de terreur, alors que la musique raconte tout autre chose. Il faudrait trouver un nouveau vocabulaire pour rendre compte de toutes ces contorsions qui se bousculent.
Une femme se tortille et sautille sous des râles d’orgasme, mais se gardant bien de banalement mimer la chose. Ces écarts forcent le spectateur à demeurer attentif pour raccorder des bouts de sens proposés comme autant d’étincelles de vie disparates.
Pour permettre d’imaginer ces êtres qui ne sont pas du tout des personnages, ajoutons que tout se déroule sur un petit plateau style cabaret, devant des rideaux rouges, entre trois cadres fins découpés par des lumières aussi fines. Quant aux costumes, les femmes sont vêtues de maillots très ajustés couleur chair ourlés de fins rubans noirs qui donnent l’impression qu’elles portent un cache-sexe tant les fesses sont soulignées.
Bref, ces mouvements très variés, aussi gracieux qu’étranges et précis, montrent une fois de plus la richesse que l’on peut tirer de notre corps pour peu que l’on s’attarde à l’explorer.
Maitrise d’œuvre de Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau. Une production d’Omnibus le corps du théâtre. À Espace Libre jusqu’au 7 février 2015.
Tout se passe ici sous le signe de la triade, ou du triumvirat. Les trois nouveaux codirecteurs d’Omnibus dirigent trois femmes. Trois jeunes dames de tailles différentes, de longue mince à courte enveloppée, animées par autant de « maîtres d’œuvre », selon la terminologie propre à Omnibus.
Si, par le passé, les artistes corporels de la troupe ont déjà beaucoup parlé, ils observent cette fois un mutisme total, mais pas le silence. Des commentaires enregistrés accompagnent l’action, soit pour l’éclairer – sans jamais l’illustrer –, soit pour s’y opposer, comiquement ou dramatiquement.
On ne sait qui du trio Jean Asselin, Réal Bossé ou Sylvie Moreau a dirigé lesquels des sketchs – le programme nous propose un concours pour le deviner –, mais entre « La Femme grenouille », « Les Vaches-cachalots », « L’Éducation des filles » et une demi-douzaine d’autres, une belle unité lie les parties du spectacle.
Le texte est fait de collages : extraits de chansons fredonnés (parfois maladroitement), proverbes, dialogues ou monologues intérieurs, babil, etc. Le premier sketch laisse entendre le commentaire sportif bilingue de ce qui semble être un match de lutte sous une musique de fête foraine. Pendant ce temps, les interprètes « montrent des gestes » comme on ferait admirer ses muscles. Ou encore, une femme prend des poses marquées tandis qu’on entend : « Cette femme a décidé de ne pas avoir d’enfant. Elle porte sa couleur naturelle. » Forcément, vu l’absence de correspondance entre gestes et paroles, l’imagination vagabonde, encouragée par une musique généralement entraînante.
Autre veine remarquablement exploitée : jouer avec des parties de son corps – ou du corps d’une autre – comme des objets. Un doigt ou un nez deviennent ainsi une sorte de biscuit, un corps étranger à dominer. Une bouche sourit exagérément, tandis que le reste du corps « dit » autre chose… Une autre bouche s’ouvre à se déchirer, entraînant les yeux dans une expression de terreur, alors que la musique raconte tout autre chose. Il faudrait trouver un nouveau vocabulaire pour rendre compte de toutes ces contorsions qui se bousculent.
Une femme se tortille et sautille sous des râles d’orgasme, mais se gardant bien de banalement mimer la chose. Ces écarts forcent le spectateur à demeurer attentif pour raccorder des bouts de sens proposés comme autant d’étincelles de vie disparates.
Pour permettre d’imaginer ces êtres qui ne sont pas du tout des personnages, ajoutons que tout se déroule sur un petit plateau style cabaret, devant des rideaux rouges, entre trois cadres fins découpés par des lumières aussi fines. Quant aux costumes, les femmes sont vêtues de maillots très ajustés couleur chair ourlés de fins rubans noirs qui donnent l’impression qu’elles portent un cache-sexe tant les fesses sont soulignées.
Bref, ces mouvements très variés, aussi gracieux qu’étranges et précis, montrent une fois de plus la richesse que l’on peut tirer de notre corps pour peu que l’on s’attarde à l’explorer.
Spécialités féminines
Maitrise d’œuvre de Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau. Une production d’Omnibus le corps du théâtre. À Espace Libre jusqu’au 7 février 2015.