Retour attendu et brillamment réussi pour le metteur en scène Serge Denoncourt, qui signe, avec ce Tramway nommé Désir décomplexé, une production mémorable d’un chef-d’œuvre sulfureux de Tennessee Williams. Pièce coup-de-poing marquée par la violence d’un milieu et d’une époque où la sexualité était vécue derrière les portes closes, recouverte par un silence tonitruant.
Avec l’intention affirmée de montrer la force souterraine du désir sexuel omniprésent entre les personnages, le metteur en scène et son équipe ont fait une exploration percutante de ce classique indémodable, avec lequel ils ont pris quelques libertés. L’idée inspirée de placer sur la scène, à jardin, l’auteur lui-même, Tennessee Williams jeune (un Dany Boudreault exubérant, maniéré, parfait) à sa table de travail, observant ce qui se déroule près de lui, le plus souvent hilare, commentant ses intentions grâce à des passages extraits de son journal intime, subjugue.
En coupant les personnages secondaires, on a concentré la tension entre les cinq principaux. Cette tension, palpable tout au long de la représentation, contribue à créer une atmosphère étouffante, rendue irrespirable par les effluves des cigarettes qu’on allume à l’envi sur la scène. La chaleur de la Nouvelle-Orléans, en cet été des années 40, impose sa moiteur comme une chape sur un logement crado où l’on a supprimé les cloisons, rendant du coup toute intimité impossible.
Lorsque Blanche DuBois (virtuose Céline Bonnier, vive, hyper-souple émotivement), descendue du tramway Désir, débarque dans ce lieu ne correspondant en rien à ses attentes, le malaise s’installe. Seule, elle fouille et se verse un verre d’alcool qu’elle boit en vitesse, pour ensuite demander à sa sœur Stella (Magalie Lépine-Blondeau, sensuelle, volontaire) de lui offrir un verre. La duplicité de cette femme à la personnalité trouble, menteuse, dissimulatrice, qui se crée un personnage de femme cultivée, de noble origine, pour cacher ses instincts et ses fautes, transparaît d’emblée.
Pourtant, il faudra longtemps pour qu’on saisisse la complexité du drame de Blanche. Le mari de Stella, le brutal Stanley Kowalski (Éric Robidoux, mordant, assumé), sera l’élément déclencheur avec ses manières brusques, ses paroles blessantes, ses explosions de colère, et son obsession de venir à bout des secrets de cette séductrice qui le provoque. La cour qu’elle fait à son camarade de beuverie, Mitch (Jean-Moïse Martin, maladroit, bonasse, crédible), ne trompe pas Stanley. La deuxième partie de la représentation verra la vérité éclater et l’inacceptable arriver.
La cruauté de la situation sans issue dans laquelle Blanche se retrouve coincée comme un oiseau en cage, la souffrance et le désespoir de ce personnage féminin parmi les plus complexes de la dramaturgie contemporaine, sa détresse profonde, ne vous laisseront pas indemne. Viol, violence et folie se conjuguent en un cocktail malsain, nauséabond, intenable.
La scénographie saisissante – murs hauts tout en lattes de bois ajourées, vieille affiche du film d’Elia Kazan de 1951 –, la musique – chansons de Judy Garland ou Nina Simone – et les bruits du tramway qui passe tout près, les éclairages et projections vidéo, les vêtements, qu’on enfile et qu’on retire, qui traînent partout, tout concourt à un ensemble riche de sens. La multiplication de détails symboliques, en écho au texte poétique, évocateur, fait aussi la force de cette mise en scène. Tout comme l’audace, tel l’amalgame, au final, entre l’auteur et son héroïne: troublant.
Texte de Tennessee Williams. Traduction de Paul Lefebvre. Dramaturgie et mise en scène de Serge Denoncourt. Une production d’Espace GO, présentée jusqu’au 14 février 2015.
Retour attendu et brillamment réussi pour le metteur en scène Serge Denoncourt, qui signe, avec ce Tramway nommé Désir décomplexé, une production mémorable d’un chef-d’œuvre sulfureux de Tennessee Williams. Pièce coup-de-poing marquée par la violence d’un milieu et d’une époque où la sexualité était vécue derrière les portes closes, recouverte par un silence tonitruant.
Avec l’intention affirmée de montrer la force souterraine du désir sexuel omniprésent entre les personnages, le metteur en scène et son équipe ont fait une exploration percutante de ce classique indémodable, avec lequel ils ont pris quelques libertés. L’idée inspirée de placer sur la scène, à jardin, l’auteur lui-même, Tennessee Williams jeune (un Dany Boudreault exubérant, maniéré, parfait) à sa table de travail, observant ce qui se déroule près de lui, le plus souvent hilare, commentant ses intentions grâce à des passages extraits de son journal intime, subjugue.
En coupant les personnages secondaires, on a concentré la tension entre les cinq principaux. Cette tension, palpable tout au long de la représentation, contribue à créer une atmosphère étouffante, rendue irrespirable par les effluves des cigarettes qu’on allume à l’envi sur la scène. La chaleur de la Nouvelle-Orléans, en cet été des années 40, impose sa moiteur comme une chape sur un logement crado où l’on a supprimé les cloisons, rendant du coup toute intimité impossible.
Lorsque Blanche DuBois (virtuose Céline Bonnier, vive, hyper-souple émotivement), descendue du tramway Désir, débarque dans ce lieu ne correspondant en rien à ses attentes, le malaise s’installe. Seule, elle fouille et se verse un verre d’alcool qu’elle boit en vitesse, pour ensuite demander à sa sœur Stella (Magalie Lépine-Blondeau, sensuelle, volontaire) de lui offrir un verre. La duplicité de cette femme à la personnalité trouble, menteuse, dissimulatrice, qui se crée un personnage de femme cultivée, de noble origine, pour cacher ses instincts et ses fautes, transparaît d’emblée.
Pourtant, il faudra longtemps pour qu’on saisisse la complexité du drame de Blanche. Le mari de Stella, le brutal Stanley Kowalski (Éric Robidoux, mordant, assumé), sera l’élément déclencheur avec ses manières brusques, ses paroles blessantes, ses explosions de colère, et son obsession de venir à bout des secrets de cette séductrice qui le provoque. La cour qu’elle fait à son camarade de beuverie, Mitch (Jean-Moïse Martin, maladroit, bonasse, crédible), ne trompe pas Stanley. La deuxième partie de la représentation verra la vérité éclater et l’inacceptable arriver.
La cruauté de la situation sans issue dans laquelle Blanche se retrouve coincée comme un oiseau en cage, la souffrance et le désespoir de ce personnage féminin parmi les plus complexes de la dramaturgie contemporaine, sa détresse profonde, ne vous laisseront pas indemne. Viol, violence et folie se conjuguent en un cocktail malsain, nauséabond, intenable.
La scénographie saisissante – murs hauts tout en lattes de bois ajourées, vieille affiche du film d’Elia Kazan de 1951 –, la musique – chansons de Judy Garland ou Nina Simone – et les bruits du tramway qui passe tout près, les éclairages et projections vidéo, les vêtements, qu’on enfile et qu’on retire, qui traînent partout, tout concourt à un ensemble riche de sens. La multiplication de détails symboliques, en écho au texte poétique, évocateur, fait aussi la force de cette mise en scène. Tout comme l’audace, tel l’amalgame, au final, entre l’auteur et son héroïne: troublant.
Un tramway nommé Désir
Texte de Tennessee Williams. Traduction de Paul Lefebvre. Dramaturgie et mise en scène de Serge Denoncourt. Une production d’Espace GO, présentée jusqu’au 14 février 2015.