Après avoir présenté une première version du spectacle au festival Zone Homa en 2014, les six jeunes femmes qui composent le Collectif Chiennes déploient maintenant Table rase sur la scène d’Espace Libre. Le texte, en grande partie issu d’improvisations en collectif, est guidé par l’écriture de Catherine Chabot, l’une des interprètes de la pièce, et mis en scène par Brigitte Poupart (Transthéâtre), qui suit le groupe depuis près de deux ans.
Pour faire table rase devant le public, il faut d’abord nommer ce qui sera jeté. Dans un mode narratif jamais percé de soliloques ni d’apartés explicatifs de la psyché des personnages, les six amies débarquent à la grande table d’un chalet pour une fête un peu triste qui les fera parler de leurs vies, leurs corps, leur déceptions et leurs désirs. Tout y passe, d’abord de manière comique, puis de plus en plus tendue et émotive, tandis que la raison de leur rassemblement s’affirme plus clairement. Elles se préparent pour un nouveau départ à travers l’extinction de ce qui, à 25 ans, peut représenter une vie d’avant.
Les six femmes discutent crûment, devant la salle disposée de manière bi-frontale, de ce qui les habite, soit essentiellement de leur corps, de sexe, d’amour et de tout ce qui en découle. Il est facile d’identifier les sujets chauds de l’heure. Alors qu’un avortement est mentionné sans grande cérémonie, le récit d’une relation sexuelle plus ou moins consentie appelle un silence dans la salle ainsi qu’une colère sur scène. Aussi, les discussions sur le visionnement de pornographie, la masturbation, et les fluctuations du plaisir féminin provoquent des rires parfois démesurément hilares qui témoignent bien de la part de malaise qui naît du fait que des points de vue de femmes sur ces sujets sont trop rarement mis de l’avant.
Si cette partie plus légère semble servir à engager le public et à l’inviter à l’intérieur de l’univers du groupe d’amies, elle n’est pas futile pour autant. Même si la suite plus sentimentale de l’histoire contient le nœud du récit, ne rejetons pas la part revendicatrice de ce long préambule.
Sur le plan dramaturgique, la réussite découle du fait que les commentaires et les blagues sont habilement et pertinemment arrimés à une trame dramatique simple, soutenue par un texte à la répartie solide, en plus d’interprètes au timing impeccable. Dans une logique féministe, Table rase met adroitement en scène des discours de femmes sur la sexualité. Ceux-ci sont certes exubérants, mais il y a des contrepoints plus pudiques et surtout, la pièce propose un point de vue propre aux créatrices.
Au fil du récit, les personnages en viennent à parler de valeurs, de politique, de rêves et de renoncements. Une autre réussite du spectacle consiste en ce que la part lumineuse qui habite les femmes en scène n’est jamais forcée et obligée d’être merveilleuse. De la même manière, les colères et le pessimisme existent, simplement, sans complaisance. À travers les destructions symboliques de la pièce, j’ai pu m’abandonner à ma fatigue du présent. Le vertige du soulagement que cela suscite est troublant.
Table rase possède la grâce de la première création d’un collectif. Sans croire qu’il s’agit d’une recette, on décèle tout de même l’urgence qui fait colorier un peu en dépassant les lignes, une certaine envie de provoquer et l’engagement des créatrices convaincues de leur proposition. Peut-être que le Collectif Chiennes s’est formé (encore une fois) pour s’organiser et se nommer au sein des structures de production et de diffusion.
Toutefois, la rencontre s’avère fructueuse et la complicité manifeste. Les registres, les intentions et les formes sont diamétralement opposés, mais la table placée au milieu de la scène pour convoquer des présences sincères n’est pas sans évoquer le premier spectacle du collectif français les Chiens de Navarre (Une raclette, créé en 2009), présenté cet automne à l’Usine C. Après leur fin du monde, peut-être que les Chiennes auront quelque chose à bâtir, toujours avec ce que cela comporte de destruction.
Texte: Catherine Chabot, avec la collaboration de Brigitte Poupart et des interprètes. Mise en scène: Brigitte Poupart. Conceptions: Sonia Montagne, Eve Marchand, Julie Miron, Molie Salman. Avec Vicky Bertrand, Marie-Anick Blais, Catherine Chabot, Rose-Anne Déry, Sarah Laurendeau et Marie-Noëlle Voisin. Une production de Transthéâtre. À Espace Libre jusqu’au 5 décembre 2015, puis du 10 au 21 janvier 2017, puis du 19 au 29 octobre 2017.
Après avoir présenté une première version du spectacle au festival Zone Homa en 2014, les six jeunes femmes qui composent le Collectif Chiennes déploient maintenant Table rase sur la scène d’Espace Libre. Le texte, en grande partie issu d’improvisations en collectif, est guidé par l’écriture de Catherine Chabot, l’une des interprètes de la pièce, et mis en scène par Brigitte Poupart (Transthéâtre), qui suit le groupe depuis près de deux ans.
Pour faire table rase devant le public, il faut d’abord nommer ce qui sera jeté. Dans un mode narratif jamais percé de soliloques ni d’apartés explicatifs de la psyché des personnages, les six amies débarquent à la grande table d’un chalet pour une fête un peu triste qui les fera parler de leurs vies, leurs corps, leur déceptions et leurs désirs. Tout y passe, d’abord de manière comique, puis de plus en plus tendue et émotive, tandis que la raison de leur rassemblement s’affirme plus clairement. Elles se préparent pour un nouveau départ à travers l’extinction de ce qui, à 25 ans, peut représenter une vie d’avant.
Les six femmes discutent crûment, devant la salle disposée de manière bi-frontale, de ce qui les habite, soit essentiellement de leur corps, de sexe, d’amour et de tout ce qui en découle. Il est facile d’identifier les sujets chauds de l’heure. Alors qu’un avortement est mentionné sans grande cérémonie, le récit d’une relation sexuelle plus ou moins consentie appelle un silence dans la salle ainsi qu’une colère sur scène. Aussi, les discussions sur le visionnement de pornographie, la masturbation, et les fluctuations du plaisir féminin provoquent des rires parfois démesurément hilares qui témoignent bien de la part de malaise qui naît du fait que des points de vue de femmes sur ces sujets sont trop rarement mis de l’avant.
Si cette partie plus légère semble servir à engager le public et à l’inviter à l’intérieur de l’univers du groupe d’amies, elle n’est pas futile pour autant. Même si la suite plus sentimentale de l’histoire contient le nœud du récit, ne rejetons pas la part revendicatrice de ce long préambule.
Sur le plan dramaturgique, la réussite découle du fait que les commentaires et les blagues sont habilement et pertinemment arrimés à une trame dramatique simple, soutenue par un texte à la répartie solide, en plus d’interprètes au timing impeccable. Dans une logique féministe, Table rase met adroitement en scène des discours de femmes sur la sexualité. Ceux-ci sont certes exubérants, mais il y a des contrepoints plus pudiques et surtout, la pièce propose un point de vue propre aux créatrices.
Au fil du récit, les personnages en viennent à parler de valeurs, de politique, de rêves et de renoncements. Une autre réussite du spectacle consiste en ce que la part lumineuse qui habite les femmes en scène n’est jamais forcée et obligée d’être merveilleuse. De la même manière, les colères et le pessimisme existent, simplement, sans complaisance. À travers les destructions symboliques de la pièce, j’ai pu m’abandonner à ma fatigue du présent. Le vertige du soulagement que cela suscite est troublant.
Table rase possède la grâce de la première création d’un collectif. Sans croire qu’il s’agit d’une recette, on décèle tout de même l’urgence qui fait colorier un peu en dépassant les lignes, une certaine envie de provoquer et l’engagement des créatrices convaincues de leur proposition. Peut-être que le Collectif Chiennes s’est formé (encore une fois) pour s’organiser et se nommer au sein des structures de production et de diffusion.
Toutefois, la rencontre s’avère fructueuse et la complicité manifeste. Les registres, les intentions et les formes sont diamétralement opposés, mais la table placée au milieu de la scène pour convoquer des présences sincères n’est pas sans évoquer le premier spectacle du collectif français les Chiens de Navarre (Une raclette, créé en 2009), présenté cet automne à l’Usine C. Après leur fin du monde, peut-être que les Chiennes auront quelque chose à bâtir, toujours avec ce que cela comporte de destruction.
Table rase
Texte: Catherine Chabot, avec la collaboration de Brigitte Poupart et des interprètes. Mise en scène: Brigitte Poupart. Conceptions: Sonia Montagne, Eve Marchand, Julie Miron, Molie Salman. Avec Vicky Bertrand, Marie-Anick Blais, Catherine Chabot, Rose-Anne Déry, Sarah Laurendeau et Marie-Noëlle Voisin. Une production de Transthéâtre. À Espace Libre jusqu’au 5 décembre 2015, puis du 10 au 21 janvier 2017, puis du 19 au 29 octobre 2017.