Critiques

La Fête sauvage : Faire vivre l’espoir

© Yanick Macdonald

La comédienne et metteure en scène Véronique Côté, qui sait s’entourer de créateurs énergiques, avait terminé l’année 2014 en beauté avec Attentat, un spectacle poétique et théâtral décapant basé sur les textes de nombreux poètes, connus ou non. Un peu dans la même veine, La Fête sauvage, qui marque le 60e anniversaire du Quat’Sous, constitue davantage une sorte de cabaret musical, autour de textes de huit auteurs conviés par la conceptrice.

Pour ce nouvel opus, l’artiste originaire de Québec a demandé à ses complices d’explorer la notion de pays, le pays du Québec, celui qui nous échappe ou nous accable, celui dont nous rêvons. Le compositeur et directeur musical, Benoit Landry, et la chanteuse Chloé Lacasse ont mis plusieurs des textes en musique, qui seront chantés par eux et par les autres interprètes. Ainsi défilent sur scène pendant deux heures et demie, entrecoupées de deux entractes, les numéros chantés et d’autres narrés ou joués.

En ouverture, Véronique Côté, également sur scène, annonce qu’elle a un plan pour survivre à l’hiver qui arrive, un plan anti-austérité, anti-gouvernement Couillard. Elle lève son verre, imitée par ses comparses, chacun, chacune y allant de ses souhaits pour un meilleur vivre ensemble, pour dire « [leur] haute estime du Québec et des Québécois ». On nous parle d’amour et d’espoir, tout en dressant un bilan fort déprimant de la direction qu’a pris notre société.

Les textes de Joëlle Bond, hilarants, portés par une Éveline Gélinas en grande forme, permettent de se dérider un peu aux dépens de quelques petites vedettes télévisuelles. Ceux d’Hugo Latulipe, intenses et poétiques, donnés collectivement, répercutent la mémoire et la culture des Autochtones, les paysages forestiers défigurés de l’Abitibi. Les trois numéros de la Fille du Roy de Sarah Berthiaume, incarnée par l’auteure, décoincée, comique et grinçante, osent l’adresse au public où l’ancêtre reconnaît de ses descendants. Ces passages sont parmi les plus forts.

Précisons-le cependant : si la fête, qui n’est pas si sauvage, la plupart du temps bien placée et contrôlée, recèle quelques perles et des moments percutants qui vous resteront en mémoire, l’ensemble, hétéroclite, aurait certainement pu être resserré, ramené à deux heures, avec une seule pause. Le bar installé sur la scène, où une infime partie du public montera durant les entractes, au cours desquelles on nous sert des chansons de Noël exclusivement américaines, n’y change pas grand-chose : la configuration de la salle ne favorise pas l’ambiance cabaret et une distance persiste.

Ainsi, cette Fête sauvage génère des sentiments contradictoires : la force du collectif transparaît dans un numéro comme celui de La procédure, de Joëlle Bond, où le groupe offre presque un numéro de comédie musicale. On en voudrait plus, l’aspect théâtral n’étant pas si présent dans ce spectacle, où les chansons sont rendues par de belles voix et d’excellents musiciens. L’autre pendant du collectif serait sans doute l’éparpillement… à travers beaucoup de bons sentiments. On en ressort divisé, entre un héritage national lourd à porter et un espoir difficile à inventer.

La Fête sauvage

Textes : Sarah Berthiaume, Joëlle Bond, Véronique Côté, Steve Gagnon, Mathieu Gosselin, Justin Laramée, Hugo Latulipe et Francis Monty. Mise en scène : Véronique Côté. Une production du Théâtre de Quat’Sous et du Jamais Lu. Au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 18 décembre 2015, puis en tournée dans le réseau Accès Culture du 22 mars au 1er avril 2017.