Troisième pièce de l’Écossais David Grieg – après Yellow Moon et Midsummer – sur laquelle le Théâtre de la Manufacture ait jeté son dévolu, Les événements traite d’un sujet difficile : les tueries de masses.
Le schéma est classique : un jeune homme exclu et rudoyé à l’école, issu d’un milieu défavorisé, saoul d’une rage réprimée depuis des années, aux hormones bouillonnantes et nourri à la musique vindicative de rappeurs criards, s’accroche à la première idéologie lui passant sous les yeux et lui permettant de désigner un bouc émissaire à blâmer pour ses souffrances.
Là où d’aucuns optent pour la misogynie et d’autres pour l’antisémitisme, le protagoniste des Événements versera dans le racisme tous azimuts. C’est donc imbu de notions approximatives relatives aux chamans vikings et aux guerriers tribaux aborigènes qu’il trucidera les membres d’une chorale multiculturelle communautaire.
Celle-ci, déployant une variété d’origines ethniques, d’âges, de sexes, de styles vestimentaires et de religions divers, est déjà sur scène, à chanter gaiement, lorsque les spectateurs entrent dans la salle. Café et biscuits, déposée à l’orée de la scène, sont mis à la disposition autant des choristes que du public. Le lien est donc tissé : ces personnages ne sont pas que de futurs noms imprimés dans les journaux a posteriori du drame dont il sera question, mais bel et bien des êtres humains, semblables aux spectateurs et d’autant plus incarnés qu’ils reviendront sur les planches à plusieurs reprises pour chanter.
Ces victimes seront d’ailleurs ardemment pleurées par Claire, qui, si elle s’avère la seule survivante du massacre, est loin d’avoir été épargnée par lesdits événements. C’est la quête de cette chef de chœur, prêtre protestante lesbienne livrée par Johanna Nutter, qui constitue la trame du récit.
Dans l’espoir d’apaiser la blessure qu’a laissée en elle la fusillade – qui n’est qu’évoquée et jamais montrée dans le spectacle – elle essaiera de comprendre ce qui a pu se passer dans la tête de l’assassin. Elle interrogera un ami de celui-ci, son père, l’auteur d’un livre qui l’a influencé, le rédacteur d’un site internet xénophobe qu’il a consulté, un psychologue et ainsi de suite. Tous ces personnages, y compris la compagne de vie de Claire, auront le visage du meurtrier. Symboliquement, parce qu’il hante sa psyché et factuellement, parce que tous ces rôles sont tenus par le même comédien, qui interprète aussi le tueur, soit le polyvalent Emmanuel Schwartz.
Ces changements de rôles, parfois inopinés, en plus des chants choraux ainsi que de la musique du pianiste et compositeur du spectacle Yves Morin, apportent du rythme à la pièce. La mise en scène de Denis Bernard se révèle sobre mais efficace, si ce n’est des projections sur un écran à l’arrière de la scène qui n’apportent que bien peu à l’ensemble, sauf lorsqu’elles collaborent à créer une forêt où le jeune homme se préparera physiquement et mentalement à annihiler des vies humaines.
Notons d’ailleurs que ce personnage, qui tient explicitement à «laisser sa marque», ce qui peut être fait, selon lui, soit par l’art, soit par la violence, n’est jamais nommé. Il est simplement, anonymement désigné comme étant «le garçon». Un savoureux pied de nez à sa funeste soif de gloire et un appréciable signe de respect envers les victimes d’actes semblables, qui sont souvent les seules à rester sans nom.
Texte de David Greig. Traduction de Maryse Warda. Mise en scène de Denis Bernard. Une production du Théâtre de la Manufacture présentée au Théâtre de la Licorne jusqu’au 20 février 2015.
Troisième pièce de l’Écossais David Grieg – après Yellow Moon et Midsummer – sur laquelle le Théâtre de la Manufacture ait jeté son dévolu, Les événements traite d’un sujet difficile : les tueries de masses.
Le schéma est classique : un jeune homme exclu et rudoyé à l’école, issu d’un milieu défavorisé, saoul d’une rage réprimée depuis des années, aux hormones bouillonnantes et nourri à la musique vindicative de rappeurs criards, s’accroche à la première idéologie lui passant sous les yeux et lui permettant de désigner un bouc émissaire à blâmer pour ses souffrances.
Là où d’aucuns optent pour la misogynie et d’autres pour l’antisémitisme, le protagoniste des Événements versera dans le racisme tous azimuts. C’est donc imbu de notions approximatives relatives aux chamans vikings et aux guerriers tribaux aborigènes qu’il trucidera les membres d’une chorale multiculturelle communautaire.
Celle-ci, déployant une variété d’origines ethniques, d’âges, de sexes, de styles vestimentaires et de religions divers, est déjà sur scène, à chanter gaiement, lorsque les spectateurs entrent dans la salle. Café et biscuits, déposée à l’orée de la scène, sont mis à la disposition autant des choristes que du public. Le lien est donc tissé : ces personnages ne sont pas que de futurs noms imprimés dans les journaux a posteriori du drame dont il sera question, mais bel et bien des êtres humains, semblables aux spectateurs et d’autant plus incarnés qu’ils reviendront sur les planches à plusieurs reprises pour chanter.
Ces victimes seront d’ailleurs ardemment pleurées par Claire, qui, si elle s’avère la seule survivante du massacre, est loin d’avoir été épargnée par lesdits événements. C’est la quête de cette chef de chœur, prêtre protestante lesbienne livrée par Johanna Nutter, qui constitue la trame du récit.
Dans l’espoir d’apaiser la blessure qu’a laissée en elle la fusillade – qui n’est qu’évoquée et jamais montrée dans le spectacle – elle essaiera de comprendre ce qui a pu se passer dans la tête de l’assassin. Elle interrogera un ami de celui-ci, son père, l’auteur d’un livre qui l’a influencé, le rédacteur d’un site internet xénophobe qu’il a consulté, un psychologue et ainsi de suite. Tous ces personnages, y compris la compagne de vie de Claire, auront le visage du meurtrier. Symboliquement, parce qu’il hante sa psyché et factuellement, parce que tous ces rôles sont tenus par le même comédien, qui interprète aussi le tueur, soit le polyvalent Emmanuel Schwartz.
Ces changements de rôles, parfois inopinés, en plus des chants choraux ainsi que de la musique du pianiste et compositeur du spectacle Yves Morin, apportent du rythme à la pièce. La mise en scène de Denis Bernard se révèle sobre mais efficace, si ce n’est des projections sur un écran à l’arrière de la scène qui n’apportent que bien peu à l’ensemble, sauf lorsqu’elles collaborent à créer une forêt où le jeune homme se préparera physiquement et mentalement à annihiler des vies humaines.
Notons d’ailleurs que ce personnage, qui tient explicitement à «laisser sa marque», ce qui peut être fait, selon lui, soit par l’art, soit par la violence, n’est jamais nommé. Il est simplement, anonymement désigné comme étant «le garçon». Un savoureux pied de nez à sa funeste soif de gloire et un appréciable signe de respect envers les victimes d’actes semblables, qui sont souvent les seules à rester sans nom.
Les Événements
Texte de David Greig. Traduction de Maryse Warda. Mise en scène de Denis Bernard. Une production du Théâtre de la Manufacture présentée au Théâtre de la Licorne jusqu’au 20 février 2015.