La compagnie française Chiens de Navarre s’était fait une réputation quelque peu sulfureuse avec ses deux précédents spectacles présentés à l’Usine C. Les voici de retour, ces créateurs-improvisateurs venus de divers horizons artistiques (théâtre, cirque, danse), sous la gouverne du metteur en scène Jean-Christophe Meurisse, avec une nouvelle création collective dont le titre, Les Armoires normandes, ne vous donnera aucune clé pour découvrir le sens caché de cette fête du délire potache.
On emploie peu ce mot au Québec, potache, que la troupe de fanfarons farceurs remet à l’honneur. On dit de l’humour potache, collégien, adolescent, qu’il ne porte pas à conséquence et ne vise à offenser personne. Inoffensif, vraiment? Dans le cas des Chiens de Navarre, il paraît être une seconde nature, une façon d’être, iconoclaste, provocatrice, qu’il serait trop simple de prendre au premier degré, tout ça paraissant tenir d’un grand bluff inavoué. N’empêche, l’aspect caricatural et l’outrance scatologique de cette représentation de presque deux heures ne plaira pas à tous.
Dès l’entrée en salle, le public se voit happé par la voix et la vue d’un christ en croix suspendu en l’air, le corps ensanglanté ou, plutôt, dégoulinant de peinture rouge (tout ici est vite désamorcé), qui s’adresse directement aux gens rejoignant leur siège. Il improvise des remarques sur l’allure de l’un ou de l’une, joue d’autodérision sur sa tenue, son short blanc « créé par un artiste de Ramallah », sa croix de bois patrimoniale comme on peut en acheter : « Daech vend tout ». Puis, faisant l’historique des représentations de Jésus crucifié au fil des siècles, des fresques byzantines au Greco, en passant par les Italiens, Rubens et tutti quanti, variant les poses, il provoque l’hilarité dans la salle, avant d’y descendre pour interpeler quelques spectateurs.
Suivra une suite de tableaux montrant un homme dans ses ablutions matinales, où rien ne nous est épargné : pipi, caca, nudité, considérations sur sa vie de bienheureux suffisant, puis des couples se retrouvant sur un sofa, interviewés à tour de rôle sur leur relation, tous maladroits ou stupides, incapables de tenir un discours sensé. Leur innocence se fait très évocatrice, on y reconnaît bien des travers de nos contemporains. Enfin, une réception de mariage, où la mariée enceinte accouche d’un bébé, avec lequel on joue au ballon, jusqu’à le lancer sur le mur, dégénère en fête déjantée, où les convives imbibés d’alcool déconnent totalement. Cette scène s’étire, comme l’ensemble de la représentation, qui aurait gagné à être un peu resserrée.
Rire gras, rire jaune
Faisant une place plus ou moins grande à l’improvisation, la mécanique apparemment désordonnée du spectacle laisse deviner une grande maîtrise. Les comédiens se donnent avec impudeur, excellant dans les personnages médiocres, contents d’eux-mêmes. Un procédé de distanciation ingénieux, une forme de lipsing où les voix des comédiens en action sont doublées dans des micros par leurs camarades en retrait, nous les fait entrevoir comme des marionnettes sans prise sur leur propre vie. Évoluant dans une aire de jeu recouverte de sable comme une plage, avec un palmier et des éléments de décor qu’on déplace au besoin, ils sont à la fois désinvoltes et d’une présence physique bien concrète.
Se voulant une réflexion sur les relations amoureuses telles que vécues aujourd’hui, l’œuvre, où rien n’échappe à la caricature, multiplie les passages grivois, les acteurs mimant des actes sexuels, dans une grande liberté de ton et de gestes. Tout est gros, rien ne semble vouloir porter à conséquence… Le public, ou une partie du public, se bidonne… Le rire est gras ou léger, pour d’autres il se fait jaune. C’est que, notamment dans leurs adresses au public, nombreuses, les acteurs-personnages se font souvent insolents. Difficile, pour le spectateur non averti, de faire la part de la bêtise voulue et de la critique sous-jacente, dans cette approche bien franco-française.
Création collective dirigée par Jean-Philippe Meurisse. Assistance à la mise en scène : Amélie Philippe. Collaboration artistique : Isabelle Catalan. Création lumière : Stéphane Lebaleur. Création son : Isabelle Fuchs. Costumes : Elisabeth Cerqueira. Avec Caroline Binder, Solal Bouloudnine, Claire Delaporte, Céline Fuhrer, Charlotte Laemmel, Manu Laskar, Thomas Scimeca, Isabelle Catalan, Maxence Tual, Jean-Luc Vincent et Robert Hatisi. Une production des Chiens de Navarre présentée à l’Usine C jusqu’au 23 septembre 2016.
La compagnie française Chiens de Navarre s’était fait une réputation quelque peu sulfureuse avec ses deux précédents spectacles présentés à l’Usine C. Les voici de retour, ces créateurs-improvisateurs venus de divers horizons artistiques (théâtre, cirque, danse), sous la gouverne du metteur en scène Jean-Christophe Meurisse, avec une nouvelle création collective dont le titre, Les Armoires normandes, ne vous donnera aucune clé pour découvrir le sens caché de cette fête du délire potache.
On emploie peu ce mot au Québec, potache, que la troupe de fanfarons farceurs remet à l’honneur. On dit de l’humour potache, collégien, adolescent, qu’il ne porte pas à conséquence et ne vise à offenser personne. Inoffensif, vraiment? Dans le cas des Chiens de Navarre, il paraît être une seconde nature, une façon d’être, iconoclaste, provocatrice, qu’il serait trop simple de prendre au premier degré, tout ça paraissant tenir d’un grand bluff inavoué. N’empêche, l’aspect caricatural et l’outrance scatologique de cette représentation de presque deux heures ne plaira pas à tous.
Dès l’entrée en salle, le public se voit happé par la voix et la vue d’un christ en croix suspendu en l’air, le corps ensanglanté ou, plutôt, dégoulinant de peinture rouge (tout ici est vite désamorcé), qui s’adresse directement aux gens rejoignant leur siège. Il improvise des remarques sur l’allure de l’un ou de l’une, joue d’autodérision sur sa tenue, son short blanc « créé par un artiste de Ramallah », sa croix de bois patrimoniale comme on peut en acheter : « Daech vend tout ». Puis, faisant l’historique des représentations de Jésus crucifié au fil des siècles, des fresques byzantines au Greco, en passant par les Italiens, Rubens et tutti quanti, variant les poses, il provoque l’hilarité dans la salle, avant d’y descendre pour interpeler quelques spectateurs.
Suivra une suite de tableaux montrant un homme dans ses ablutions matinales, où rien ne nous est épargné : pipi, caca, nudité, considérations sur sa vie de bienheureux suffisant, puis des couples se retrouvant sur un sofa, interviewés à tour de rôle sur leur relation, tous maladroits ou stupides, incapables de tenir un discours sensé. Leur innocence se fait très évocatrice, on y reconnaît bien des travers de nos contemporains. Enfin, une réception de mariage, où la mariée enceinte accouche d’un bébé, avec lequel on joue au ballon, jusqu’à le lancer sur le mur, dégénère en fête déjantée, où les convives imbibés d’alcool déconnent totalement. Cette scène s’étire, comme l’ensemble de la représentation, qui aurait gagné à être un peu resserrée.
Rire gras, rire jaune
Faisant une place plus ou moins grande à l’improvisation, la mécanique apparemment désordonnée du spectacle laisse deviner une grande maîtrise. Les comédiens se donnent avec impudeur, excellant dans les personnages médiocres, contents d’eux-mêmes. Un procédé de distanciation ingénieux, une forme de lipsing où les voix des comédiens en action sont doublées dans des micros par leurs camarades en retrait, nous les fait entrevoir comme des marionnettes sans prise sur leur propre vie. Évoluant dans une aire de jeu recouverte de sable comme une plage, avec un palmier et des éléments de décor qu’on déplace au besoin, ils sont à la fois désinvoltes et d’une présence physique bien concrète.
Se voulant une réflexion sur les relations amoureuses telles que vécues aujourd’hui, l’œuvre, où rien n’échappe à la caricature, multiplie les passages grivois, les acteurs mimant des actes sexuels, dans une grande liberté de ton et de gestes. Tout est gros, rien ne semble vouloir porter à conséquence… Le public, ou une partie du public, se bidonne… Le rire est gras ou léger, pour d’autres il se fait jaune. C’est que, notamment dans leurs adresses au public, nombreuses, les acteurs-personnages se font souvent insolents. Difficile, pour le spectateur non averti, de faire la part de la bêtise voulue et de la critique sous-jacente, dans cette approche bien franco-française.
Les Armoires normandes
Création collective dirigée par Jean-Philippe Meurisse. Assistance à la mise en scène : Amélie Philippe. Collaboration artistique : Isabelle Catalan. Création lumière : Stéphane Lebaleur. Création son : Isabelle Fuchs. Costumes : Elisabeth Cerqueira. Avec Caroline Binder, Solal Bouloudnine, Claire Delaporte, Céline Fuhrer, Charlotte Laemmel, Manu Laskar, Thomas Scimeca, Isabelle Catalan, Maxence Tual, Jean-Luc Vincent et Robert Hatisi. Une production des Chiens de Navarre présentée à l’Usine C jusqu’au 23 septembre 2016.