Présentée l’été dernier à Carleton-sur-Mer – petit îlot gaspésien de création théâtrale où sont entre autres nés Bienveillance de Fanny Britt ainsi que Saint-André-de-l’Épouvante de Samuel Archibald – Irène sur Mars de Jean-Philippe Lehoux raconte la rébellion d’une femme dans la soixantaine qui, voyant la perspective de la sénescence se déployer inéluctablement devant elle, refuse de se conformer aux stéréotypes liés à cette étape de la vie. Pas question de péricliter dans un centre pour personnes âgées en faisant du tricot sa seule source à la fois de défi, de divertissement et d’accomplissement. Irène a plutôt l’intention de participer à une mission spatiale, que l’on devine sans retour, visant à coloniser la planète Mars. Rien de moins.
Bien entendu, cette initiative laissera bien perplexe – et jusqu’à un certain point endeuillé – son entourage, qu’il s’agisse de son fils, astrophysicien établi en Suisse et lui ayant déjà réservé un logement pour personne autonome donnant sur le lac Léman, de son voisin timide mais tendre et attentionné, ou encore de la fille de celui-ci pour laquelle Irène tient plus ou moins le rôle de mère de substitution. Quoi qu’il en soit, rien de saurait arrêter la sexagénaire téméraire qui préfère nettement risquer le tout pour le tout que de vivre ses dernières décennies en se regardant dépérir à petit feu.
Si l’amorce et la chute du spectacle frôlent la perfection, tant en ce qui concerne le fond que la forme – le début étant teinté d’une irrésistible drôlerie et la fin plutôt empreinte d’émotions contagieuses –, entre ces deux habiles extrémités, le discours semble parfois quelque peu laborieux. Cela n’est certainement pas étranger au très (trop?) grand nombre d’enjeux abordés. L’auteur s’affaire à traiter des spectres terrifiants du vieillissement, de la maladie et de la mort, des relations intergénérationnelles, du sort des femmes ayant été socialement poussées à abandonner leur carrière pour se consacrer au bien-être de leur famille et à la bonne marche des travaux domestiques, du dépassement de soi, du trou béant laissé par le renoncement collectif aux croyances catholiques, des écueils menaçant les communications interpersonnelles, de la maternité en solo et ainsi de suite.
Mission suicide
En résulte, en quelque sorte, de longs adieux au cours desquels les proches d’Irène apprendront à accepter son départ. Malgré l’humour dont est pourvu le texte, le rythme du récit s’avère plutôt lent et l’on peine à retrouver toute l’efficacité et la précision habituellement implacable de la plume de Jean-Philippe Lehoux. D’aucuns pourraient même éprouver un brin de nostalgie en repensant à L’Écolière de Tokyo ou encore à Comment je suis devenue touriste. Or la mise en scène, que l’auteur cosigne avec Michel-Maxime Legault, tenant lui-même le rôle du fils d’Irène, ne contribue certes pas à insuffler de la vigueur à l’ensemble de la production. Une porte secrète s’ouvrant sur le mur du fond sera bien insuffisante à faire oublier que la protagoniste passe la majeure partie de la représentation assise dans sa chaise d’arbitre, sise au milieu du terrain de tennis familial, symbole des déboires communicationnels ayant ponctué l’histoire commune de la mère, du fils et du défunt père.
Il reste qu’Irène sur Mars, en plus des sourires et des réflexions qu’arrive tout de même à susciter le texte, possède un atout de taille: Pauline Martin. Les nuances de son interprétation laissent poindre l’amertume, l’angoisse, le regret et bien d’autres émois encore derrière les railleries de cette frondeuse qui pousse tantôt l’espièglerie tantôt le je-m’en-foutisme jusqu’aux limites du supportable pour tous ceux qui l’aiment. Ces autres personnages, plus ou moins pâles, ne font en vérité que graviter autour de celui d’Irène. Pauline Martin la campe par ailleurs avec une telle justesse, une telle truculence, que malgré les quelques carences du spectacle, on suivrait bien cette anticonformiste grisonnante jusqu’au bout de la galaxie si elle s’y aventurait.
Texte: Jean-Philippe Lehoux. Mise en scène: Jean-Philippe Lehoux et Michel-Maxime Legault. Scénographie et costumes: Elen Ewing. Éclairages: Charles-Antoine Fontaine. Musique: Guillaume Arsenault. Avec Pauline Martin, Gary Boudreault, Catherine Audet et Michel-Maxime Legault. Un spectacle des Productions À tour de rôle. À la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 18 mars 2017, puis en tournée au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario de novembre 2017 à mars 2018.
Présentée l’été dernier à Carleton-sur-Mer – petit îlot gaspésien de création théâtrale où sont entre autres nés Bienveillance de Fanny Britt ainsi que Saint-André-de-l’Épouvante de Samuel Archibald – Irène sur Mars de Jean-Philippe Lehoux raconte la rébellion d’une femme dans la soixantaine qui, voyant la perspective de la sénescence se déployer inéluctablement devant elle, refuse de se conformer aux stéréotypes liés à cette étape de la vie. Pas question de péricliter dans un centre pour personnes âgées en faisant du tricot sa seule source à la fois de défi, de divertissement et d’accomplissement. Irène a plutôt l’intention de participer à une mission spatiale, que l’on devine sans retour, visant à coloniser la planète Mars. Rien de moins.
Bien entendu, cette initiative laissera bien perplexe – et jusqu’à un certain point endeuillé – son entourage, qu’il s’agisse de son fils, astrophysicien établi en Suisse et lui ayant déjà réservé un logement pour personne autonome donnant sur le lac Léman, de son voisin timide mais tendre et attentionné, ou encore de la fille de celui-ci pour laquelle Irène tient plus ou moins le rôle de mère de substitution. Quoi qu’il en soit, rien de saurait arrêter la sexagénaire téméraire qui préfère nettement risquer le tout pour le tout que de vivre ses dernières décennies en se regardant dépérir à petit feu.
Si l’amorce et la chute du spectacle frôlent la perfection, tant en ce qui concerne le fond que la forme – le début étant teinté d’une irrésistible drôlerie et la fin plutôt empreinte d’émotions contagieuses –, entre ces deux habiles extrémités, le discours semble parfois quelque peu laborieux. Cela n’est certainement pas étranger au très (trop?) grand nombre d’enjeux abordés. L’auteur s’affaire à traiter des spectres terrifiants du vieillissement, de la maladie et de la mort, des relations intergénérationnelles, du sort des femmes ayant été socialement poussées à abandonner leur carrière pour se consacrer au bien-être de leur famille et à la bonne marche des travaux domestiques, du dépassement de soi, du trou béant laissé par le renoncement collectif aux croyances catholiques, des écueils menaçant les communications interpersonnelles, de la maternité en solo et ainsi de suite.
Mission suicide
En résulte, en quelque sorte, de longs adieux au cours desquels les proches d’Irène apprendront à accepter son départ. Malgré l’humour dont est pourvu le texte, le rythme du récit s’avère plutôt lent et l’on peine à retrouver toute l’efficacité et la précision habituellement implacable de la plume de Jean-Philippe Lehoux. D’aucuns pourraient même éprouver un brin de nostalgie en repensant à L’Écolière de Tokyo ou encore à Comment je suis devenue touriste. Or la mise en scène, que l’auteur cosigne avec Michel-Maxime Legault, tenant lui-même le rôle du fils d’Irène, ne contribue certes pas à insuffler de la vigueur à l’ensemble de la production. Une porte secrète s’ouvrant sur le mur du fond sera bien insuffisante à faire oublier que la protagoniste passe la majeure partie de la représentation assise dans sa chaise d’arbitre, sise au milieu du terrain de tennis familial, symbole des déboires communicationnels ayant ponctué l’histoire commune de la mère, du fils et du défunt père.
Il reste qu’Irène sur Mars, en plus des sourires et des réflexions qu’arrive tout de même à susciter le texte, possède un atout de taille: Pauline Martin. Les nuances de son interprétation laissent poindre l’amertume, l’angoisse, le regret et bien d’autres émois encore derrière les railleries de cette frondeuse qui pousse tantôt l’espièglerie tantôt le je-m’en-foutisme jusqu’aux limites du supportable pour tous ceux qui l’aiment. Ces autres personnages, plus ou moins pâles, ne font en vérité que graviter autour de celui d’Irène. Pauline Martin la campe par ailleurs avec une telle justesse, une telle truculence, que malgré les quelques carences du spectacle, on suivrait bien cette anticonformiste grisonnante jusqu’au bout de la galaxie si elle s’y aventurait.
Irène sur Mars
Texte: Jean-Philippe Lehoux. Mise en scène: Jean-Philippe Lehoux et Michel-Maxime Legault. Scénographie et costumes: Elen Ewing. Éclairages: Charles-Antoine Fontaine. Musique: Guillaume Arsenault. Avec Pauline Martin, Gary Boudreault, Catherine Audet et Michel-Maxime Legault. Un spectacle des Productions À tour de rôle. À la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 18 mars 2017, puis en tournée au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario de novembre 2017 à mars 2018.