Sans doute l’œuvre shakespearienne la plus explorée, revisitée, réinterprétée, manipulée, triturée, Hamlet a fait et fait toujours l’objet d’innombrables adaptations à travers le monde, à tel point que des festivals, en Europe notamment, lui sont exclusivement consacrés. Les réductions de cette pièce aux personnages nombreux en spectacles solos sont particulièrement prisées. Or, même mû par les meilleures intentions du monde, celui qui s’y engage fait face à un défi de taille. Non sans intérêt, la proposition qu’en font Marc Beaupré et François Blouin ne convainc pas totalement.
Seul en scène, Beaupré, par ailleurs acteur investi, donne vie à un Hamlet aux résonances contemporaines. Son langage, détaché de tout lyrisme (traduction en mots directs de Jean Marc Dalpé), nous est immédiatement accessible, et les enjeux paraissent clairs et évidents, peut-être trop. Jouant l’entièreté de la représentation de 55 minutes derrière un écran transparent couvrant en largeur et en hauteur tout le cadre de scène, l’interprète interagit avec des figures de traits lumineux projetées sur cet écran et sur le mur du fond. Ces figures mobiles, élaborées par François Blouin, artiste multimédia, sont le résultat de la capture des mouvements du comédien, qui, reprises, décuplées, multipliées, semblent surgir de l’imagination tourmentée de son personnage.
On connaît l’histoire: atterré par la mort de son père, Hamlet apprend que celui-ci, roi du Danemark, a été assassiné par son propre frère, et que l’oncle meurtrier a séduit la reine pour en faire son épouse et régner avec elle. Comble d’invraisemblable, le drame est annoncé au jeune homme par le fantôme de ce père adoré, qui lui apparaît par une nuit de brouillard, lui demandant de venger son honneur. De quoi faire vaciller l’esprit même le plus équilibré, ce qui ne paraît pas être la grande qualité d’Hamlet. Étudiant friand de théâtre, il aura cependant l’idée géniale de faire représenter la scène du meurtre par des acteurs pour démasquer l’usurpateur.
Le rêve d’Hamlet
En appuyant leur démonstration sur cette habile mise en abyme, illustrant la puissance d’action du théâtre qui peut dénoncer en les montrant les actes les plus ignobles, les deux créateurs proposent une réflexion sur leur art. En tentant de dénuder la tragédie des éléments datés pour en extirper le cœur, pour aller à l’essentiel, soit les déchirements intérieurs du personnage pris entre raison et folie, qui peuvent encore nous toucher aujourd’hui, ils ont peut-être péché par excès. Car ils semblent s’être sentis obligés de conserver tout de même les nombreuses péripéties de la fable: le meurtre de Polonius dans la chambre de la reine, l’exil en Angleterre et le retour le jour de l’enterrement d’Ophélie, suicidée par noyade – ce qui donne lieu à de beaux effets visuels –, puis le duel avec Laërte, le combat final où tous les personnages sont tués à tour de rôle.
Tout cela se déroule de façon si accélérée, fragmentaire, les êtres convoqués relégués au statut d’ombres furtives, simplement narrés par le héros, qu’on s’y perd un peu. Surtout, cette approche nettement schématique offre peu à se raccrocher, et l’on reste témoin à distance, comme si l’écran pourtant transparent qui sépare la salle de la scène coupait toute émotion. Résultat: l’ensemble, qui ne distille jamais l’ennui, soyons clair, s’apprécie davantage comme un exercice de style plutôt que telle une production aboutie.
D’après William Shakespeare. Traduction: Jean Marc Dalpé. Mise en scène et adaptation: François Blouin et Marc Beaupré. Scénographie et conception visuelle: François Blouin. Programmation créative: Jonathan Jeanson et Hugo Laliberté. Son: Nicolas Letarte-Bersianik. Avec Marc Beaupré. Une production de Terre des Hommes. À la Chapelle jusqu’au 14 avril 2017. À l’Espace Le vrai monde? (Collège Ahuntsic) le 7 février 2018. À la Bordée, à l’occasion du Carrefour international de théâtre, du 1er au 3 juin 2018.
Sans doute l’œuvre shakespearienne la plus explorée, revisitée, réinterprétée, manipulée, triturée, Hamlet a fait et fait toujours l’objet d’innombrables adaptations à travers le monde, à tel point que des festivals, en Europe notamment, lui sont exclusivement consacrés. Les réductions de cette pièce aux personnages nombreux en spectacles solos sont particulièrement prisées. Or, même mû par les meilleures intentions du monde, celui qui s’y engage fait face à un défi de taille. Non sans intérêt, la proposition qu’en font Marc Beaupré et François Blouin ne convainc pas totalement.
Seul en scène, Beaupré, par ailleurs acteur investi, donne vie à un Hamlet aux résonances contemporaines. Son langage, détaché de tout lyrisme (traduction en mots directs de Jean Marc Dalpé), nous est immédiatement accessible, et les enjeux paraissent clairs et évidents, peut-être trop. Jouant l’entièreté de la représentation de 55 minutes derrière un écran transparent couvrant en largeur et en hauteur tout le cadre de scène, l’interprète interagit avec des figures de traits lumineux projetées sur cet écran et sur le mur du fond. Ces figures mobiles, élaborées par François Blouin, artiste multimédia, sont le résultat de la capture des mouvements du comédien, qui, reprises, décuplées, multipliées, semblent surgir de l’imagination tourmentée de son personnage.
On connaît l’histoire: atterré par la mort de son père, Hamlet apprend que celui-ci, roi du Danemark, a été assassiné par son propre frère, et que l’oncle meurtrier a séduit la reine pour en faire son épouse et régner avec elle. Comble d’invraisemblable, le drame est annoncé au jeune homme par le fantôme de ce père adoré, qui lui apparaît par une nuit de brouillard, lui demandant de venger son honneur. De quoi faire vaciller l’esprit même le plus équilibré, ce qui ne paraît pas être la grande qualité d’Hamlet. Étudiant friand de théâtre, il aura cependant l’idée géniale de faire représenter la scène du meurtre par des acteurs pour démasquer l’usurpateur.
Le rêve d’Hamlet
En appuyant leur démonstration sur cette habile mise en abyme, illustrant la puissance d’action du théâtre qui peut dénoncer en les montrant les actes les plus ignobles, les deux créateurs proposent une réflexion sur leur art. En tentant de dénuder la tragédie des éléments datés pour en extirper le cœur, pour aller à l’essentiel, soit les déchirements intérieurs du personnage pris entre raison et folie, qui peuvent encore nous toucher aujourd’hui, ils ont peut-être péché par excès. Car ils semblent s’être sentis obligés de conserver tout de même les nombreuses péripéties de la fable: le meurtre de Polonius dans la chambre de la reine, l’exil en Angleterre et le retour le jour de l’enterrement d’Ophélie, suicidée par noyade – ce qui donne lieu à de beaux effets visuels –, puis le duel avec Laërte, le combat final où tous les personnages sont tués à tour de rôle.
Tout cela se déroule de façon si accélérée, fragmentaire, les êtres convoqués relégués au statut d’ombres furtives, simplement narrés par le héros, qu’on s’y perd un peu. Surtout, cette approche nettement schématique offre peu à se raccrocher, et l’on reste témoin à distance, comme si l’écran pourtant transparent qui sépare la salle de la scène coupait toute émotion. Résultat: l’ensemble, qui ne distille jamais l’ennui, soyons clair, s’apprécie davantage comme un exercice de style plutôt que telle une production aboutie.
Hamlet_director’s cut
D’après William Shakespeare. Traduction: Jean Marc Dalpé. Mise en scène et adaptation: François Blouin et Marc Beaupré. Scénographie et conception visuelle: François Blouin. Programmation créative: Jonathan Jeanson et Hugo Laliberté. Son: Nicolas Letarte-Bersianik. Avec Marc Beaupré. Une production de Terre des Hommes. À la Chapelle jusqu’au 14 avril 2017. À l’Espace Le vrai monde? (Collège Ahuntsic) le 7 février 2018. À la Bordée, à l’occasion du Carrefour international de théâtre, du 1er au 3 juin 2018.