Sur l’affiche, un requin blanc immortalisé dans le formol dans une cage de verre. Cette œuvre de Damien Hirst a été vendue chez Sotheby’s pour 9 millions de dollars. Métaphore cliché, bien sûr. Mais alors, comment parler de cette chose abstraite développée dans le monde boursier et banquier dont les effets secondaires ont été dévastateurs pour l’économie mondiale? Comment rendre intelligibles les arnaques imaginées par les voyous de la finance qui disposent de tous les leviers pour falsifier les comptes et inventer des stratégies mafieuses que même les États ne peuvent déceler?
Avec L’Art de la chute, la compagnie Nuages en pantalon nous initie à l’amoralité du capital. La trame du spectacle se construit autour d’Alice et Greg. Elle est une artiste à mi-parcours en arts visuels dont la carrière semble stagner. Lui est un trader qui a le flair pour les très, très bonnes affaires. Devenu milliardaire en une journée grâce à l’effondrement des banques et aux faillites spectaculaires de Wall Street lors de la crise de 2008, Greg s’offrira de nouvelles sensations fortes sur un autre terrain. En collectionneur rusé, il appliquera au marché de l’art les recettes éprouvées pour les marchés financiers.
Le célèbre encan de Sotheby’s en 2008, où l’artiste Damien Hirst a vendu 223 œuvres pour près de 200 millions de dollars, est le point de départ de L’Art de la chute. Invitée par une amie à cet encan historique, Alice, boursière du CALQ en résidence au studio du Québec à Londres, y découvre le séduisant Greg. La rencontre entre l’artiste naïve, pour qui l’art pose un regard sacré sur les mythologies du monde, et le collectionneur, fabricant compulsif de succès et d’échecs sur une stricte base commerciale, est notre billet d’entrée dans la haute finance.
Structurée et écrite à plusieurs mains, cette production évite le piège du didactisme et parvient à nous tenir en haleine autour des stratégies de la réussite financière et artistique. À travers la relation tumultueuse entre Alice et Greg, le texte nous raconte les tractations d’arrière-scène où le capital devient la mesure de toutes choses. Il ne s’agit plus d’art comme interrogation du monde, mais bien de marché où l’objet d’art et son créateur ne sont plus appréciés que par leur valeur marchande.
Résultat de quatre années de travail, cette remarquable production collective propose une incursion autant émotive que rationnelle dans le monde surréaliste du grand capital. Le texte polyphonique nous invite au festin de la richesse et du pouvoir. Jean-Philippe Joubert, avec son contrôle du rythme, son impeccable direction d’acteur, sa précision dans les échanges et métamorphoses des comédiens, ravit son public. On en sort la tête pleine d’idées, d’émotions, d’images fortes qui s’accrochent.
Plusieurs scènes sont des petits bijoux, dont celle de la consécration de la nouvelle star Alice Leblanc avec son exposition Fuck Wall Street; en une succession serrée se chevauchent critiques, analyses, commentaires des quatre coins de la planète, en direct, en traduction, en voix off. Les sources d’information multiples cohabitent dans un synchronisme parfait, les comédiens changeant costumes, voix, accents et langues. Tout au long de la pièce, comme d’habiles caméléons, chacun se démarque avec brio dans ses multiples rôles. Jouissif Jean-Michel Girouard, succulentes Danielle Le Saux-Farmer et Pascale Renaud-Hébert.
Voici un drame existentiel qui broie ses acteurs sous le choc de leurs passions irréconciliables: goût du risque, doute du créateur, appel irrésistible du pouvoir. Épicé de quelques leçons d’économie dans un format didactique rigolo, L’Art de la chute fait la démonstration que la finance détermine nos comportements. Il s’agit d’une chose amorale qui englue toutes les sphères de nos activités. Ni politique, ni sociale, ni humaine, l’économie transcende l’éthique et l’esthétique. Elle est un monstre qui dévore ses enfants. Il faut courir voir ce spectacle qui dévoile la mécanique des carnassiers du capital.
Texte et scénario : Véronique Côté, Jean-Michel Girouard, Jean-Philippe Joubert, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Olivier Normand et Pascale Renaud-Hébert, avec la collaboration au scénario de Claudia Gendreau, Valérie Laroche et Marianne Marceau. Mise en scène : Jean-Philippe Joubert. Scénographie, costumes et accessoires : Claudia Gendreau. Son : Josué Beaucage. Éclairages : Maude Groleau. Vidéo : Jean-Philippe Côté. Avec Jean-Michel Girouard, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Marianne Marceau et Pascale Renaud-Hébert. Une production de Nuages en pantalon – compagnie de création présentée au Périscope jusqu’au 22 avril 2017, à la Licorne du 11 au 29 septembre 2018, puis en tournée du 13 octobre au 17 mars 2019.
Sur l’affiche, un requin blanc immortalisé dans le formol dans une cage de verre. Cette œuvre de Damien Hirst a été vendue chez Sotheby’s pour 9 millions de dollars. Métaphore cliché, bien sûr. Mais alors, comment parler de cette chose abstraite développée dans le monde boursier et banquier dont les effets secondaires ont été dévastateurs pour l’économie mondiale? Comment rendre intelligibles les arnaques imaginées par les voyous de la finance qui disposent de tous les leviers pour falsifier les comptes et inventer des stratégies mafieuses que même les États ne peuvent déceler?
Avec L’Art de la chute, la compagnie Nuages en pantalon nous initie à l’amoralité du capital. La trame du spectacle se construit autour d’Alice et Greg. Elle est une artiste à mi-parcours en arts visuels dont la carrière semble stagner. Lui est un trader qui a le flair pour les très, très bonnes affaires. Devenu milliardaire en une journée grâce à l’effondrement des banques et aux faillites spectaculaires de Wall Street lors de la crise de 2008, Greg s’offrira de nouvelles sensations fortes sur un autre terrain. En collectionneur rusé, il appliquera au marché de l’art les recettes éprouvées pour les marchés financiers.
Le célèbre encan de Sotheby’s en 2008, où l’artiste Damien Hirst a vendu 223 œuvres pour près de 200 millions de dollars, est le point de départ de L’Art de la chute. Invitée par une amie à cet encan historique, Alice, boursière du CALQ en résidence au studio du Québec à Londres, y découvre le séduisant Greg. La rencontre entre l’artiste naïve, pour qui l’art pose un regard sacré sur les mythologies du monde, et le collectionneur, fabricant compulsif de succès et d’échecs sur une stricte base commerciale, est notre billet d’entrée dans la haute finance.
Structurée et écrite à plusieurs mains, cette production évite le piège du didactisme et parvient à nous tenir en haleine autour des stratégies de la réussite financière et artistique. À travers la relation tumultueuse entre Alice et Greg, le texte nous raconte les tractations d’arrière-scène où le capital devient la mesure de toutes choses. Il ne s’agit plus d’art comme interrogation du monde, mais bien de marché où l’objet d’art et son créateur ne sont plus appréciés que par leur valeur marchande.
Résultat de quatre années de travail, cette remarquable production collective propose une incursion autant émotive que rationnelle dans le monde surréaliste du grand capital. Le texte polyphonique nous invite au festin de la richesse et du pouvoir. Jean-Philippe Joubert, avec son contrôle du rythme, son impeccable direction d’acteur, sa précision dans les échanges et métamorphoses des comédiens, ravit son public. On en sort la tête pleine d’idées, d’émotions, d’images fortes qui s’accrochent.
Plusieurs scènes sont des petits bijoux, dont celle de la consécration de la nouvelle star Alice Leblanc avec son exposition Fuck Wall Street; en une succession serrée se chevauchent critiques, analyses, commentaires des quatre coins de la planète, en direct, en traduction, en voix off. Les sources d’information multiples cohabitent dans un synchronisme parfait, les comédiens changeant costumes, voix, accents et langues. Tout au long de la pièce, comme d’habiles caméléons, chacun se démarque avec brio dans ses multiples rôles. Jouissif Jean-Michel Girouard, succulentes Danielle Le Saux-Farmer et Pascale Renaud-Hébert.
Voici un drame existentiel qui broie ses acteurs sous le choc de leurs passions irréconciliables: goût du risque, doute du créateur, appel irrésistible du pouvoir. Épicé de quelques leçons d’économie dans un format didactique rigolo, L’Art de la chute fait la démonstration que la finance détermine nos comportements. Il s’agit d’une chose amorale qui englue toutes les sphères de nos activités. Ni politique, ni sociale, ni humaine, l’économie transcende l’éthique et l’esthétique. Elle est un monstre qui dévore ses enfants. Il faut courir voir ce spectacle qui dévoile la mécanique des carnassiers du capital.
L’art de la chute
Texte et scénario : Véronique Côté, Jean-Michel Girouard, Jean-Philippe Joubert, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Olivier Normand et Pascale Renaud-Hébert, avec la collaboration au scénario de Claudia Gendreau, Valérie Laroche et Marianne Marceau. Mise en scène : Jean-Philippe Joubert. Scénographie, costumes et accessoires : Claudia Gendreau. Son : Josué Beaucage. Éclairages : Maude Groleau. Vidéo : Jean-Philippe Côté. Avec Jean-Michel Girouard, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Marianne Marceau et Pascale Renaud-Hébert. Une production de Nuages en pantalon – compagnie de création présentée au Périscope jusqu’au 22 avril 2017, à la Licorne du 11 au 29 septembre 2018, puis en tournée du 13 octobre au 17 mars 2019.