Édimbourg, rue South Clerk. Dans une ancienne église convertie en salle de spectacle, la comédienne Laurence Dauphinais dialogue en anglais avec Siri, l’intelligence artificielle de son iPhone, devant un public complice. Les artistes québécois sont de plus en plus présents au mythique Festival Fringe d’Édimbourg, tentant de séduire spectateurs et surtout programmateurs européens. Zoom sur un immense marché du spectacle vivant que le Québec a peu l’habitude de fréquenter.
Deux heures plus tard, même lieu. Le comédien Frédéric Lavallée fait rigoler et réfléchir la salle par son interprétation fougueuse du monologue de «l’espace arrière», un moment fort du spectacle Ainsi parlait, d’Étienne Lepage et Frédérick Gravel, rebaptisé Thus Spoke dans sa version anglaise qui est à l’affiche tout le mois d’août dans la programmation du CanadaHub. Le Fringe d’Édimbourg, ce monstre tentaculaire, n’a pas toujours été prisé par les artistes québécois, jadis peu présents dans la chaotique programmation de plus de 4000 spectacles. Mais tout cela est en train de changer. Le Québec cherche à pénétrer un vaste réseau de tournées en anglais dans toute l’Europe. Parce que la québécitude peut tout à fait rayonner dans la langue de Shakespeare, pensent-ils, et parce que les tournées en France et en Belgique, de toute façon réservées à une minuscule poignée d’artistes québécois, ne suffisent plus.
«Édimbourg nous permet de tenter de nous faire connaître au Royaume-Uni, mais aussi dans de nombreux autres pays européens qui ne sont pas francophones et qui utilisent l’anglais comme lingua franca», dit Maxime Carbonneau, co-créateur de la pièce Siri. «Ici, poursuit-il, on peut approcher des diffuseurs qui, autrement, sans le truchement de l’anglais, n’auraient probablement jamais entendu parler de notre travail. Des Anglais, mais aussi des Allemands, des Autrichiens et des Scandinaves. Ça ouvre un territoire vraiment très grand.»
Ce territoire paneuropéen, les artistes de cirque québécois le ratissent déjà de long en large depuis plusieurs années. Eux aussi profitent d’Édimbourg pour se faire voir et se propulser : Éloize et Flip FabriQue sont à nouveau de la programmation du Fringe cet été, d’ailleurs très visibles sur les immenses affiches que leurs partenaires locaux, le Pleasance Hall et le Assembly Hall, ont placées dans les rues les plus passantes. Les artistes de théâtre comme Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais ne l’ont pas aussi facile : noyés dans la programmation monstre du festival, ils doivent se heurter à l’épreuve quotidienne de la distribution d’encarts dans les rues, crier plus fort que le voisin pour attirer l’attention. «Mais on fait ça avec le sourire», nous assure Carbonneau, l’œil pétillant.
«C’est important d’ouvrir un territoire de possibilités au Royaume-Uni pour les spectacles québécois», ajoute Frédérick Gravel, le chorégraphe chéri de la scène montréalaise qui joue ce mois-ci également le rôle de régisseur pour toutes les représentations de Thus Spoke au CanadaHub. «Il semble que tout soit encore à construire, mais je sens que Montréal, sa spécificité de ville francophone en Amérique et la bonne réputation de ses artistes, nous ouvre déjà plusieurs portes. On a une réputation de coolitude qu’on essaie d’honorer.»
Pour se démarquer, le Québec peut compter cette fois sur ses amis du Canada anglais : les versions anglaises de Siri et Thus Spoke ont toutes deux été créées à la suggestion de Michael Rubenfeld, grand orchestrateur du CanadaHub à Édimbourg et homme de théâtre notamment connu à Toronto pour son travail au Festival Summerworks. Les festivaliers viennent sur la rue Clerk voir des spectacles présentés comme «la crème du théâtre canadien», un sceau de qualité qui facilite grandement le travail de marketing et qui, pour le spectateur, fait un peu d’ordre dans le chaos du catalogue du Fringe!
L’aventure, ne nous en étonnons pas, est très coûteuse. Dans le cas de Thus Spoke, la compagnie de Frédérick Gravel peut compter sur le soutien de Daniel Léveillée Danse, qui accompagne la production et qui croit beaucoup au potentiel de développer un marché anglo-saxon hors Canada. «Le risque financier est très important, précise l’administratrice Marie-Andrée Gougeon. Dans l’immédiat, c’est une activité manifestement déficitaire. Mais nous avons calculé qu’il en valait vraiment la peine, notamment à cause du concept du CanadaHub. Je crois qu’il faut que ce type de propositions se répète d’année en année pour qu’elle soit hautement efficace. Alors il faudra penser à assurer une présence chaque année, et ça finira par porter des fruits.»
Le Québec à Édimbourg, in english et sans complexes, c’est assurément le début d’une longue et belle histoire.
Jusqu’au 28 août 2017.
Édimbourg, rue South Clerk. Dans une ancienne église convertie en salle de spectacle, la comédienne Laurence Dauphinais dialogue en anglais avec Siri, l’intelligence artificielle de son iPhone, devant un public complice. Les artistes québécois sont de plus en plus présents au mythique Festival Fringe d’Édimbourg, tentant de séduire spectateurs et surtout programmateurs européens. Zoom sur un immense marché du spectacle vivant que le Québec a peu l’habitude de fréquenter.
Deux heures plus tard, même lieu. Le comédien Frédéric Lavallée fait rigoler et réfléchir la salle par son interprétation fougueuse du monologue de «l’espace arrière», un moment fort du spectacle Ainsi parlait, d’Étienne Lepage et Frédérick Gravel, rebaptisé Thus Spoke dans sa version anglaise qui est à l’affiche tout le mois d’août dans la programmation du CanadaHub. Le Fringe d’Édimbourg, ce monstre tentaculaire, n’a pas toujours été prisé par les artistes québécois, jadis peu présents dans la chaotique programmation de plus de 4000 spectacles. Mais tout cela est en train de changer. Le Québec cherche à pénétrer un vaste réseau de tournées en anglais dans toute l’Europe. Parce que la québécitude peut tout à fait rayonner dans la langue de Shakespeare, pensent-ils, et parce que les tournées en France et en Belgique, de toute façon réservées à une minuscule poignée d’artistes québécois, ne suffisent plus.
«Édimbourg nous permet de tenter de nous faire connaître au Royaume-Uni, mais aussi dans de nombreux autres pays européens qui ne sont pas francophones et qui utilisent l’anglais comme lingua franca», dit Maxime Carbonneau, co-créateur de la pièce Siri. «Ici, poursuit-il, on peut approcher des diffuseurs qui, autrement, sans le truchement de l’anglais, n’auraient probablement jamais entendu parler de notre travail. Des Anglais, mais aussi des Allemands, des Autrichiens et des Scandinaves. Ça ouvre un territoire vraiment très grand.»
Ce territoire paneuropéen, les artistes de cirque québécois le ratissent déjà de long en large depuis plusieurs années. Eux aussi profitent d’Édimbourg pour se faire voir et se propulser : Éloize et Flip FabriQue sont à nouveau de la programmation du Fringe cet été, d’ailleurs très visibles sur les immenses affiches que leurs partenaires locaux, le Pleasance Hall et le Assembly Hall, ont placées dans les rues les plus passantes. Les artistes de théâtre comme Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais ne l’ont pas aussi facile : noyés dans la programmation monstre du festival, ils doivent se heurter à l’épreuve quotidienne de la distribution d’encarts dans les rues, crier plus fort que le voisin pour attirer l’attention. «Mais on fait ça avec le sourire», nous assure Carbonneau, l’œil pétillant.
«C’est important d’ouvrir un territoire de possibilités au Royaume-Uni pour les spectacles québécois», ajoute Frédérick Gravel, le chorégraphe chéri de la scène montréalaise qui joue ce mois-ci également le rôle de régisseur pour toutes les représentations de Thus Spoke au CanadaHub. «Il semble que tout soit encore à construire, mais je sens que Montréal, sa spécificité de ville francophone en Amérique et la bonne réputation de ses artistes, nous ouvre déjà plusieurs portes. On a une réputation de coolitude qu’on essaie d’honorer.»
Pour se démarquer, le Québec peut compter cette fois sur ses amis du Canada anglais : les versions anglaises de Siri et Thus Spoke ont toutes deux été créées à la suggestion de Michael Rubenfeld, grand orchestrateur du CanadaHub à Édimbourg et homme de théâtre notamment connu à Toronto pour son travail au Festival Summerworks. Les festivaliers viennent sur la rue Clerk voir des spectacles présentés comme «la crème du théâtre canadien», un sceau de qualité qui facilite grandement le travail de marketing et qui, pour le spectateur, fait un peu d’ordre dans le chaos du catalogue du Fringe!
L’aventure, ne nous en étonnons pas, est très coûteuse. Dans le cas de Thus Spoke, la compagnie de Frédérick Gravel peut compter sur le soutien de Daniel Léveillée Danse, qui accompagne la production et qui croit beaucoup au potentiel de développer un marché anglo-saxon hors Canada. «Le risque financier est très important, précise l’administratrice Marie-Andrée Gougeon. Dans l’immédiat, c’est une activité manifestement déficitaire. Mais nous avons calculé qu’il en valait vraiment la peine, notamment à cause du concept du CanadaHub. Je crois qu’il faut que ce type de propositions se répète d’année en année pour qu’elle soit hautement efficace. Alors il faudra penser à assurer une présence chaque année, et ça finira par porter des fruits.»
Le Québec à Édimbourg, in english et sans complexes, c’est assurément le début d’une longue et belle histoire.
Festival Fringe d’Édimbourg
Jusqu’au 28 août 2017.