Critiques

Doggy dans Gravel : Survivre à autant de paradoxes

Cath Langlois

Les réalisations d’Olivier Arteau traduisent avec une vivacité peu commune les splendeurs et les misères de la génération Y. Quand il s’agit de dépeindre la quête identitaire, mais surtout amoureuse et sexuelle de ses semblables millénariaux, l’auteur et metteur en scène sorti l’an dernier du Conservatoire d’art dramatique de Québec ne ménage aucun effort. Après Le Monstre et Pisser debout sans lever sa jupe, on découvre Doggy dans Gravel.

Cath Langlois

Le spectacle présenté en ce moment à la salle Fred-Barry, après l’avoir été au Fringe en 2015 et à Premier Acte la saison dernière, est une véritable tornade, une tempête qui balaie tout sur son passage, un déferlement de mots et de mouvements, de clichés et de stéréotypes, d’espoirs et de pulsions, d’abus et d’insultes. Avides d’alcool, de musique, d’amour et de sexe, sans oublier leur passion dévorante pour le 3 G, les adolescents de cet Éveil du printemps sur l’acide sortiront irrémédiablement transformés par leur après-bal dans un champ de Saint-Polycarpe.

Le directeur du Théâtre Kata a fait appel à de jeunes comédiens et comédiennes qu’on découvre avec un grand bonheur. Leur talent, leur précision et leur fougue donnent à la représentation un caractère tout à fait irrésistible, une énergie qui nous fait supporter les instants de redondance et de complaisance. Leurs scouts grotesques, clownesques, restent néanmoins bien humains. Impossible d’oublier qu’ils sont nos contemporains. Dans le rôle d’une mère pas beaucoup plus équilibrée que ses enfants, Marie-Josée Bastien brille de tous ses feux.

Cath Langlois

Simon Boulerice, Dave St-Pierre, Étienne Lepage, Annick Lefebvre, Steve Gagnon, Philippe Boutin… les influences d’Olivier Arteau, loin d’être déshonorantes, sont encore palpables. Reste que la voix du jeune créateur a une singularité, une liberté, certainement une place dans ce qu’on pourrait appeler le théâtre de l’autodérision contemporaine. Se moquer de soi-même et de ses congénères, rire de soi avant que les autres ne le fassent, voilà le credo que l’auteur et metteur en scène semble avoir adopté.

Nommer son désespoir, le crier à la face du monde, même de la manière la plus cruelle et chaotique qui soit, n’est-ce pas sortir la tête de l’eau? Chercher à incarner sur scène une ère on ne peut plus désincarnée, insensée, terriblement contraignante, n’est-ce pas en quelque sorte choisir la vie?

Doggy dans Gravel

Texte et mise en scène : Olivier Arteau. Son : Vincent Roy. Costumes : Magali Delorme et Aube Forest-Dion. Scénographie : Gabriel Cloutier Tremblay et Magali Delorme. Éclairages : Jean-François Labbé. Maquillages : Élène Pearson. Avec Olivier Arteau (29 août au 1er septembre), Marie-Josée Bastien, Ariel Charest, Gabriel Cloutier Tremblay, Jean-Philippe Côté, Étienne d’Anjou, Miguel Fontaine (5 au 16 septembre), Angélique Patterson, Steven Lee Potvin, Pascale Renaud-Hébert, Vincent Roy, Nathalie Séguin et Dayne Simard. Une production du Théâtre Kata. À la salle Fred-Berry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 septembre 2017.

Christian Saint-Pierre

Critique de théâtre, on peut également le lire dans Le Devoir et Lettres québécoises. Il a été rédacteur en chef et directeur de JEU de 2011 à 2017.