C’est un interrogatoire de police qui, sous ses dehors stricts, bascule peu à peu dans la psychologie, dans la mémoire affective et dans l’onirisme, mais aussi dans une nostalgie qui sent trop fort la naphtaline. Contes à rendre (un interrogatoire) a de belles prémisses dramaturgiques, mais la production d’Omnibus offre un rendu parfois scolaire dans ses tentatives de juxtaposer réalisme et bribes de mémoire et d’inconscient.
Une douce lumière s’allume sur l’étroit espace de jeu, et nous voici vraisemblablement dans un polar. Aux deux extrémités d’une petite table carrée, un «interrogateur-évaluateur» (sobre Charles Préfontaine) soumet une jeune femme (vive Andréane Théberge) à sa batterie de questions. Il y eut meurtre. C’est un fait. Mais rien n’est si simple. La discussion s’étire et se déplie, faisant apparaître réminiscences et rêveries. Le souvenir d’une grand-mère perspicace, armée d’une sagesse propre à ceux qui ont beaucoup vécu, se matérialise dans une touchante voix hors champ. Puis le corps, dans une gestuelle souvent mimétique et simpliste, évoque les aléas des rapports mère-fils et père-fille, se baladant dans la psyché de l’accusée: un monde chargé d’un lourd héritage familial.
Vous l’aurez compris, le procédé dramaturgique classique de l’interrogatoire est ici prétexte à faire apparaître d’autres langages scéniques, d’abord le son puis davantage le corps. Mais les morceaux de cet assemblage orchestré par Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau ne collent pas toujours bien. De brusques ruptures de ton et un manque de finition généralisé gardent trop souvent ce spectacle à la surface des choses ou à son seuil. La structure narrative, pas assez complexe pour nous passionner, mais jamais non plus très fluide ni très limpide, est pour ainsi dire inutilement alambiquée. Rien qui ne permette de plonger à fond dans les différentes couches de sens que, pourtant, cette pièce aurait le potentiel de receler.
Car il y a bien une ébauche de réflexion sur la transmission, de la mère à son fils, puis de cette même mère à sa petite-fille. S’il y a du beau dans cette évocation de la pensée «pleine de bon sens» d’une aïeule à la voix aussi frêle qu’affirmée, il y a aussi un certain conservatisme buté. Une nostalgie d’un monde ancien et idéalisé, qui vient aussi avec un regard trop caricatural sur l’ici et maintenant. Surtout quand la vieille chanson québécoise s’invite dans le tissage scénique, pleurant un monde perdu de manière très mélodramatique.
Plus délicate est la mise en relief, au début du spectacle, d’un système judiciaire et policier qui interprète trop souvent les situations à partir d’un cadre rigide, qui observe le monde en noir et blanc ou qui ne prend pas en compte la complexité des interrelations humaines. On aurait pris davantage de cette dimension de l’œuvre, de ces dialogues pétris avec finesse dans les premières scènes.
Voici également un spectacle qui réaffirme le pouvoir du son, les possibilités de créer une forte émotion au théâtre par le biais de l’audio. Le filon sonore, de plus en plus à la mode sur nos scènes et de plus en plus matière à réinventer le théâtre contemporain, fait ici l’objet d’une exploration très simple et très sobre, mais fort efficace.
Maîtrise d’œuvre: Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau. Musique et son: Ludovic Bonnier. Éclairages: Mathieu Marcil. Scénographie: Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau avec la collaboration de David Poisson. Avec Jean Asselin, Andréanne Théberge, Charles Préfontaine et la voix de Sylvie Moreau. Une production d’Omnibus. À Espace Libre jusqu’au 23 septembre 2017.
C’est un interrogatoire de police qui, sous ses dehors stricts, bascule peu à peu dans la psychologie, dans la mémoire affective et dans l’onirisme, mais aussi dans une nostalgie qui sent trop fort la naphtaline. Contes à rendre (un interrogatoire) a de belles prémisses dramaturgiques, mais la production d’Omnibus offre un rendu parfois scolaire dans ses tentatives de juxtaposer réalisme et bribes de mémoire et d’inconscient.
Une douce lumière s’allume sur l’étroit espace de jeu, et nous voici vraisemblablement dans un polar. Aux deux extrémités d’une petite table carrée, un «interrogateur-évaluateur» (sobre Charles Préfontaine) soumet une jeune femme (vive Andréane Théberge) à sa batterie de questions. Il y eut meurtre. C’est un fait. Mais rien n’est si simple. La discussion s’étire et se déplie, faisant apparaître réminiscences et rêveries. Le souvenir d’une grand-mère perspicace, armée d’une sagesse propre à ceux qui ont beaucoup vécu, se matérialise dans une touchante voix hors champ. Puis le corps, dans une gestuelle souvent mimétique et simpliste, évoque les aléas des rapports mère-fils et père-fille, se baladant dans la psyché de l’accusée: un monde chargé d’un lourd héritage familial.
Vous l’aurez compris, le procédé dramaturgique classique de l’interrogatoire est ici prétexte à faire apparaître d’autres langages scéniques, d’abord le son puis davantage le corps. Mais les morceaux de cet assemblage orchestré par Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau ne collent pas toujours bien. De brusques ruptures de ton et un manque de finition généralisé gardent trop souvent ce spectacle à la surface des choses ou à son seuil. La structure narrative, pas assez complexe pour nous passionner, mais jamais non plus très fluide ni très limpide, est pour ainsi dire inutilement alambiquée. Rien qui ne permette de plonger à fond dans les différentes couches de sens que, pourtant, cette pièce aurait le potentiel de receler.
Car il y a bien une ébauche de réflexion sur la transmission, de la mère à son fils, puis de cette même mère à sa petite-fille. S’il y a du beau dans cette évocation de la pensée «pleine de bon sens» d’une aïeule à la voix aussi frêle qu’affirmée, il y a aussi un certain conservatisme buté. Une nostalgie d’un monde ancien et idéalisé, qui vient aussi avec un regard trop caricatural sur l’ici et maintenant. Surtout quand la vieille chanson québécoise s’invite dans le tissage scénique, pleurant un monde perdu de manière très mélodramatique.
Plus délicate est la mise en relief, au début du spectacle, d’un système judiciaire et policier qui interprète trop souvent les situations à partir d’un cadre rigide, qui observe le monde en noir et blanc ou qui ne prend pas en compte la complexité des interrelations humaines. On aurait pris davantage de cette dimension de l’œuvre, de ces dialogues pétris avec finesse dans les premières scènes.
Voici également un spectacle qui réaffirme le pouvoir du son, les possibilités de créer une forte émotion au théâtre par le biais de l’audio. Le filon sonore, de plus en plus à la mode sur nos scènes et de plus en plus matière à réinventer le théâtre contemporain, fait ici l’objet d’une exploration très simple et très sobre, mais fort efficace.
Conte à rendre (un interrogatoire)
Maîtrise d’œuvre: Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau. Musique et son: Ludovic Bonnier. Éclairages: Mathieu Marcil. Scénographie: Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau avec la collaboration de David Poisson. Avec Jean Asselin, Andréanne Théberge, Charles Préfontaine et la voix de Sylvie Moreau. Une production d’Omnibus. À Espace Libre jusqu’au 23 septembre 2017.