Critiques

Plastic Heroes : Haut les mains

Anael Resnick

Au moment même où les danseurs et musiciens de Grand Finale, spectacle ambitieux du chorégraphe israélien Hofesh Shechter, embrasent la scène du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, le marionnettiste Ariel Doron, son compatriote, à peu près du même âge, est seul (ou presque) sur le plateau principal des Écuries pour présenter Plastic Heroes.

Anael Resnick

Les deux créations traduisent, bien entendu avec des moyens tout à fait différents, le conflit israélo-palestinien. Alors que Shechter intègre de hauts murs oppressants à sa chorégraphie, Doron propose une représentation miniature de la «barrière de séparation». Avec les ressources pour ainsi dire infinies du théâtre d’objets, le marionnettiste amène le spectateur à réfléchir, précisons-le avec beaucoup d’humour (parfois noir) et un ludisme (consommé), à la délicate notion de frontière.

Présenté à Montréal grâce à Casteliers, le spectacle créé en 2014, suite de brefs tableaux de guerre, a fait le tour du monde. En moins d’une heure, avec un minimum de mots, mais une profusion de jouets en plastique – soldats, tanks, hélicoptères, tour d’observation et autres – Doron donne à voir l’absurdité du conflit. En l’assimilant à un jeu d’enfants, il en souligne le caractère arbitraire, et hautement cruel.

Yair Meyuhas

On assiste ainsi au quotidien d’un soldat chargé de monter la garde auprès du mur. Il tue le temps en mangeant une Twix et en buvant un Coke (en jetant ses détritus de l’autre côté de la muraille, bien entendu), puis en regardant un film pornographique sur son téléphone. Il lui arrive même de converser sur Skype avec sa conjointe, ses enfants et son chien. Viennent ensuite l’entraînement des troupes, puis les combats, avec les bombes qui tombent et les balles qui sifflent. En contrepoint, un soldat avoue qu’il a toujours voulu être un artiste avant d’entonner I Need a Hero de Bonnie Tyler sous les feux d’artifice et les confettis.

Le plus intéressant, dans ce spectacle poursuivant le rire plus que quoi que ce soit d’autre, c’est certainement les dialogues qui s’établissent entre le manipulateur, l’action qu’il accomplit et la salle. Ainsi, Doron est un prolongement du personnage de plastique, mais aussi son interlocuteur. Une relation comparable se met en place avec le tigre en peluche, sorte de narrateur de l’aventure, animal attachant qui est à la fois un double du spectateur et celui qui le scrute avec incrédulité. Malheureusement, plutôt que d’élaborer ces riches rapports, le créateur a préféré trouver de nouvelles manières de susciter l’hilarité.

Plastic Heroes

Création et interprétation: Ariel Doron. Mise en scène: Rotem Elroy et David Lockard. Conseils artistiques: Shahar Marom. Vidéo: Ariel Doron et Anael Resnick. Une production d’Ariel Doron. Une présentation de Casteliers, aux Écuries, jusqu’au 4 novembre 2017.

Christian Saint-Pierre

Critique de théâtre, on peut également le lire dans Le Devoir et Lettres québécoises. Il a été rédacteur en chef et directeur de JEU de 2011 à 2017.