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Paul-André Fortier : partition urbaine et sphère privée

Marlene Gelineau Payette

Adaptable aux lieux qui l’accueillent, la nouvelle création de Paul-André Fortier est une mosaïque de «7 petites danses» où s’établit un jeu de combinaisons entre les trois danseurs. Le chorégraphe propose Trois dans deux formats distincts, l’un donné à l’Agora de la danse, et l’autre, «Hors les murs», à l’Hôtel Le Germain Montréal et chez Fou d’ici.

Marlene Gelineau Payette

Du rock au manga, de quoi est inspiré l’œuvre?

Parti du noir, j’ai choisi trois jeunes danseurs, Naishi Wang, Karina Champoux et Mark Medrano, qui génèrent tout l’esprit de la pièce. Leur habileté corporelle extraordinaire et leur présence unique m’inspirent. L’envie de travailler avec eux (et eux avec moi) anime la rencontre que j’ai mise en scène. J’observe le monde, et il me semble que des individus ont développé une capacité d’être présents aux autres et d’être ailleurs en même temps, voire parfois même complètement absents. Cette façon d’exister, sans que je sache comment, me fascine. Cela transparaît dans ces relations en scène autour de danses ou de moments chorégraphiques que j’ai développés en symbiose avec les interprètes. Ce spectacle voyage ainsi entre divers registres, soulignés par la scénographie sobre de Jean-Benoit Pouliot.

La parole, les cris, les borborygmes, les sons inarticulés se trouvaient déjà dans certains de tes solos et duos. Peut-on chorégraphier la voix?

On peut intégrer la voix, mais la chorégraphier, je ne sais pas. J’ai utilisé des langues inventées avec Rober Racine, Malcolm Goldstein et Robin Poitras, et elle est venue naturellement dans mes solos. Comme je travaille en silence ou avec très peu de musique, souvent seul, la voix surgit et finit par s’installer. C’est un hasard et une nécessité. Cette fois-ci, Karina Champoux, en perdant l’équilibre, a fait un son si juste que je lui ai demandé de le répéter. De là ont rebondi les autres voix. La voix est si profondément humaine. La juxtaposer à la musique offre deux pistes qui permettent à l’imaginaire de voyager. Au début de Trois, j’ai travaillé avec Lucie Vigneault, qui s’est malheureusement blessée; je lui avais demandé d’accompagner vocalement le solo de Mark Medrano, et, sans inhibition, elle a foncé. De là sont venues ces voix autour des interprètes dansant dans une boîte lumineuse. Ils en retirent une grande satisfaction, eux qui exultent en dansant, dès lors qu’ils maîtrisent le mouvement. De même, le corps exulte dans la voix. Ainsi le plaisir est-il double, pour eux comme pour moi.

Marlene Gelineau Payette

La musique est-elle aléatoire?

J’ai demandé aux compositeurs Jackie Gallant et Alexander MacSween de créer pour les duos. Présents indépendamment à des répétitions, durant les deux années de recherche chorégraphique, ils ont composé une douzaine de morceaux. Je les combine différemment chaque soir, et Ginelle Chagnon, ma répétitrice, agit ici comme DJ. Elle improvise. Les danseurs ignorent donc quelle musique va les accompagner; c’est un défi pour eux, car la musique influence fortement le corps dansant. Tentés de la suivre, ils doivent exécuter la chorégraphie telle que répétée. Cette confrontation donne un moment unique, à l’interprète comme au spectateur. Quelque chose d’inconnu et de neuf est révélé à même le corps.

Trois

Chorégraphie: Paul-André Fortier. Musique: Jackie Gallant et Alexander MacSween. Scénographie: Jean-Benoit Pouliot. Éclairages: Lucie Bazzo. Costumes: Denis Lavoie. DJ: Ginelle Chagnon. Avec Karina Champoux, Mark Medrano et Naishi Wang. Une production de Fortier Danse-Création. À l’Agora de la danse du 22 au 25 novembre 2017. Version «Hors les murs»: 14 novembre, 17h, à l’Hôtel Le Germain Montréal; 15 novembre, 12h, chez Fou d’ici; 16 novembre, 20h, à l’Hôtel Le Germain Montréal; 17 novembre, 12h, chez Fou d’ici.

https://vimeo.com/220809868