Comme il l’avait fait avec Bonbons assortis, présentés au Rideau Vert en 2006, Michel Tremblay a choisi d’adapter pour la scène Conversations avec un enfant curieux, une série d’«instantanés» parut en 2016. Orchestré par Michel Poirier, Enfant insignifiant! offre le vaste plateau du Théâtre Jean-Duceppe à sept comédiens.
Il y a tout d’abord lieu de se demander si l’auteur – dont la dernière pièce, L’Oratorio de Noël, a été créée en 2012 – est en panne d’inspiration théâtrale. Disons que le texte qui nous est livré ces jours-ci est loin de présenter la maîtrise d’Encore une fois, si vous permettez. Bien entendu, on s’attend à ce qu’un objet dramatique résultant de l’adaptation de réminiscences soit fragmentaire, voire inégal, mais pas à ce point décousu, et même, par moments, anecdotique. En somme, on s’ennuie de la rigueur formelle, de la richesse psychologique et de l’intensité émotionnelle à laquelle Tremblay nous a habitués. Voilà, c’est dit.
Sur scène, Henri Chassé, alter ego de l’auteur, pianote sur le clavier de son ordinateur. Derrière lui, sur un grand quai en bord de mer, une passerelle en bois qui s’avance au milieu des dunes, une plage où le sable a été remplacé par les pages d’un manuscrit, les protagonistes font leur entrée. Il y a la vendeuse, la voisine, l’institutrice et la sœur directrice, mais surtout Victoire, la grand-mère, Gabriel, le père, et Nana, la mère. Rapidement, l’auteur va quitter son ordinateur, retomber en enfance (un défi d’acteur que Chassé relève avec beaucoup de doigté), et se mettre à bombarder ses proches de 1001 questions. On aborde la religion catholique sous plusieurs coutures – des motivations du méchant Hérode à la naissance du petit Jésus en passant par les secrets de Fatima, le chapelet en famille et l’intervention du Saint-Esprit – mais aussi, heureusement, le cinéma et la littérature.
Dans cette scénographie maritime aussi jolie que contraignante, aussi chatoyante que superflue, quelques saynètes, trop rares, sont désopilantes, ou alors poignantes, et parfois même, en quelques moments de grâce, les deux à la fois. En écoutant la grand-mère (Danielle Proulx, fort attachante) expliquer avec conviction le juste emploi du pronom «tu», ou encore Nana (Guylaine Tremblay, impeccable) répondre aux inquiétudes de la Sainte Vierge envers le «Pauvre Canada», sans oublier l’institutrice (Isabelle Drainville, irrésistiblement drôle) défendant de toutes ses forces un passage pour le moins invraisemblable de l’évangile selon Saint-Mathieu, on rit de bon cœur. Mais plusieurs scènes, surtout parmi celles impliquant la jeune voisine et le père, semblent peu utiles.
Le cœur du spectacle, cela ne fait pas de doute, se trouve dans la relation entre la mère et le fils. En ce sens, trois scènes, remplies de non-dits, paraissent fondamentales: celle du petit Jésus trop gros pour le reste de la crèche (un épisode hilarant qui traduit tout l’amour et la complicité qui règnent entre eux), celle de Peter Pan (qui permet au fils, mais aussi à la mère, d’exprimer son désir d’écrire) et celle tout simplement bouleversante du garage en tôle (où le fils avoue qu’il aurait grandement préféré recevoir, à la place de ce «jouet de p’tit gars», un cahier de poupées à découper). On n’ose imaginer la force de frappe d’un spectacle qui aurait été franchement articulé autour de cette relation fondatrice.
Texte: Michel Tremblay. Mise en scène: Michel Poirier. Scénographie: Olivier Landreville. Costumes: Mérédith Caron. Éclairages: Lucie Bazzo. Musique: Christian Thomas. Accessoires: Normand Blais. Vidéo: Yves Labelle. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 3 février 2018.
Comme il l’avait fait avec Bonbons assortis, présentés au Rideau Vert en 2006, Michel Tremblay a choisi d’adapter pour la scène Conversations avec un enfant curieux, une série d’«instantanés» parut en 2016. Orchestré par Michel Poirier, Enfant insignifiant! offre le vaste plateau du Théâtre Jean-Duceppe à sept comédiens.
Il y a tout d’abord lieu de se demander si l’auteur – dont la dernière pièce, L’Oratorio de Noël, a été créée en 2012 – est en panne d’inspiration théâtrale. Disons que le texte qui nous est livré ces jours-ci est loin de présenter la maîtrise d’Encore une fois, si vous permettez. Bien entendu, on s’attend à ce qu’un objet dramatique résultant de l’adaptation de réminiscences soit fragmentaire, voire inégal, mais pas à ce point décousu, et même, par moments, anecdotique. En somme, on s’ennuie de la rigueur formelle, de la richesse psychologique et de l’intensité émotionnelle à laquelle Tremblay nous a habitués. Voilà, c’est dit.
Sur scène, Henri Chassé, alter ego de l’auteur, pianote sur le clavier de son ordinateur. Derrière lui, sur un grand quai en bord de mer, une passerelle en bois qui s’avance au milieu des dunes, une plage où le sable a été remplacé par les pages d’un manuscrit, les protagonistes font leur entrée. Il y a la vendeuse, la voisine, l’institutrice et la sœur directrice, mais surtout Victoire, la grand-mère, Gabriel, le père, et Nana, la mère. Rapidement, l’auteur va quitter son ordinateur, retomber en enfance (un défi d’acteur que Chassé relève avec beaucoup de doigté), et se mettre à bombarder ses proches de 1001 questions. On aborde la religion catholique sous plusieurs coutures – des motivations du méchant Hérode à la naissance du petit Jésus en passant par les secrets de Fatima, le chapelet en famille et l’intervention du Saint-Esprit – mais aussi, heureusement, le cinéma et la littérature.
Dans cette scénographie maritime aussi jolie que contraignante, aussi chatoyante que superflue, quelques saynètes, trop rares, sont désopilantes, ou alors poignantes, et parfois même, en quelques moments de grâce, les deux à la fois. En écoutant la grand-mère (Danielle Proulx, fort attachante) expliquer avec conviction le juste emploi du pronom «tu», ou encore Nana (Guylaine Tremblay, impeccable) répondre aux inquiétudes de la Sainte Vierge envers le «Pauvre Canada», sans oublier l’institutrice (Isabelle Drainville, irrésistiblement drôle) défendant de toutes ses forces un passage pour le moins invraisemblable de l’évangile selon Saint-Mathieu, on rit de bon cœur. Mais plusieurs scènes, surtout parmi celles impliquant la jeune voisine et le père, semblent peu utiles.
Le cœur du spectacle, cela ne fait pas de doute, se trouve dans la relation entre la mère et le fils. En ce sens, trois scènes, remplies de non-dits, paraissent fondamentales: celle du petit Jésus trop gros pour le reste de la crèche (un épisode hilarant qui traduit tout l’amour et la complicité qui règnent entre eux), celle de Peter Pan (qui permet au fils, mais aussi à la mère, d’exprimer son désir d’écrire) et celle tout simplement bouleversante du garage en tôle (où le fils avoue qu’il aurait grandement préféré recevoir, à la place de ce «jouet de p’tit gars», un cahier de poupées à découper). On n’ose imaginer la force de frappe d’un spectacle qui aurait été franchement articulé autour de cette relation fondatrice.
Enfant insignifiant!
Texte: Michel Tremblay. Mise en scène: Michel Poirier. Scénographie: Olivier Landreville. Costumes: Mérédith Caron. Éclairages: Lucie Bazzo. Musique: Christian Thomas. Accessoires: Normand Blais. Vidéo: Yves Labelle. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 3 février 2018.