Alors que la parole des femmes prend de plus en plus d’ampleur dans l’atrium social contemporain, Le Chemin des Passes-Dangereuses, écrit il y a vingt ans par Michel Marc Bouchard, nous ramène à la difficulté et au manque de communication de l’homo quebecus. La pièce met en scène trois frères dont les vies sont diamétralement opposées, mais qui restent unis non seulement par les liens du sang, mais aussi par un lien indestructible relié à un souvenir de leur jeunesse.
À la suite d’un accident de voiture, ils se retrouvent perdus dans un coin de forêt du Lac-Saint-Jean, sur le fameux « chemin des passes dangereuses », qui existe réellement. Carl (Félix-Antoine Duval) doit se marier dans quelques heures, et il s’inquiète des conséquences de son absence à ce moment lumineux de sa vie. Son frère Ambroise (Maxime Denommée) est à ses côtés. Après des années d’absence, ce dernier a consenti à revenir dans sa région pour assister au mariage de son frère. Sa vie est pourtant ailleurs. Galeriste montréalais, snob et gai, dont l’amoureux est en train de mourir du sida, il représente tout ce que ses frères abhorrent.
La première partie est un huis clos entre les deux frères que tout divise, mais qui sont mus par des sentiments contradictoires l’un envers l’autre. Le dénouement arrivera plus tard avec l’arrivée du troisième frère, Victor (Alexandre Goyette), un homme simple, rempli de testostérone, qui ne vit que pour son travail et sa caisse de bière. Cet accident aura principalement pour but d’expier le mal qui les ronge, relativement à la mort de leur père, quelques années auparavant, au même endroit. Si les frères essaient de se parler avec franchise, on entend constamment le bruit sourd de l’absence de compréhension entre des mondes qui se reconnaissent, mais ne communiquent pas. Ils se voient, se regardent, mais ne s’entendent pas.
Certaines références de la pièce sont un peu désuètes, vingt ans plus tard, mais la montée de la tension dramatique est toujours aussi efficace. Si les trois frères n’ont pas la même heure à leur montre (on comprendra la raison à la fin), le texte court vers une issue inéluctable qu’on comprend à mi-chemin. Personne ne sortira indemne de cet ultime face-à-face, même si, jusqu’à la fin, chacun campe sur ses positions. Plus que son absence qu’ils regrettent, c’est le souvenir incandescent de la disparition de ce père gênant, alcoolique et fantasque qui les consume, les provoque et les oblige à mettre leurs émotions sur la table.
Martine Beaulne a opté pour une mise en scène sobre et efficace, alors que le décor tend vers un réalisme basique, reproduisant une route de campagne défoncée, qui se déploie en plusieurs strates, permettant aux acteurs des déplacements horizontaux autant que verticaux. Toute l’intensité de la pièce repose sur les épaules des trois interprètes. À ce titre, Félix-Antoine Duval, qui tient son premier rôle au théâtre, est une révélation. Habité par le personnage de Carl, il fait preuve d’une grande finesse, jouant sur les variations d’émotions avec fermeté.
Dans la peau d’Ambroise, Maxime Denommée ne détone pas. Sa sensibilité habituelle travaille pour lui, même si, à plusieurs reprises, on sent qu’il déclame sa partition plus qu’il ne la joue. Quant à Alexandre Goyette, il utilise son innocence et sa violence intérieure pour camper Victor, le frère rustre et un peu benêt, qui se révélera néanmoins le plus lucide des trois, admettant ses erreurs et ses fautes, tout en entraînant ses deux autres frères sur le chemin de la rédemption… par l’expiation.
Texte: Michel Marc Bouchard. Mise en scène: Martine Beaulne. Scénographie: Claude Goyette. Éclairages: Guy Simard. Musique: Ludovic Bonnier. Accessoires: Normand Blais. Vidéo: Yves Labelle. Avec Maxime Denommée, Félix-Antoine Duval et Alexandre Goyette. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 24 mars 2018.
Alors que la parole des femmes prend de plus en plus d’ampleur dans l’atrium social contemporain, Le Chemin des Passes-Dangereuses, écrit il y a vingt ans par Michel Marc Bouchard, nous ramène à la difficulté et au manque de communication de l’homo quebecus. La pièce met en scène trois frères dont les vies sont diamétralement opposées, mais qui restent unis non seulement par les liens du sang, mais aussi par un lien indestructible relié à un souvenir de leur jeunesse.
À la suite d’un accident de voiture, ils se retrouvent perdus dans un coin de forêt du Lac-Saint-Jean, sur le fameux « chemin des passes dangereuses », qui existe réellement. Carl (Félix-Antoine Duval) doit se marier dans quelques heures, et il s’inquiète des conséquences de son absence à ce moment lumineux de sa vie. Son frère Ambroise (Maxime Denommée) est à ses côtés. Après des années d’absence, ce dernier a consenti à revenir dans sa région pour assister au mariage de son frère. Sa vie est pourtant ailleurs. Galeriste montréalais, snob et gai, dont l’amoureux est en train de mourir du sida, il représente tout ce que ses frères abhorrent.
La première partie est un huis clos entre les deux frères que tout divise, mais qui sont mus par des sentiments contradictoires l’un envers l’autre. Le dénouement arrivera plus tard avec l’arrivée du troisième frère, Victor (Alexandre Goyette), un homme simple, rempli de testostérone, qui ne vit que pour son travail et sa caisse de bière. Cet accident aura principalement pour but d’expier le mal qui les ronge, relativement à la mort de leur père, quelques années auparavant, au même endroit. Si les frères essaient de se parler avec franchise, on entend constamment le bruit sourd de l’absence de compréhension entre des mondes qui se reconnaissent, mais ne communiquent pas. Ils se voient, se regardent, mais ne s’entendent pas.
Certaines références de la pièce sont un peu désuètes, vingt ans plus tard, mais la montée de la tension dramatique est toujours aussi efficace. Si les trois frères n’ont pas la même heure à leur montre (on comprendra la raison à la fin), le texte court vers une issue inéluctable qu’on comprend à mi-chemin. Personne ne sortira indemne de cet ultime face-à-face, même si, jusqu’à la fin, chacun campe sur ses positions. Plus que son absence qu’ils regrettent, c’est le souvenir incandescent de la disparition de ce père gênant, alcoolique et fantasque qui les consume, les provoque et les oblige à mettre leurs émotions sur la table.
Martine Beaulne a opté pour une mise en scène sobre et efficace, alors que le décor tend vers un réalisme basique, reproduisant une route de campagne défoncée, qui se déploie en plusieurs strates, permettant aux acteurs des déplacements horizontaux autant que verticaux. Toute l’intensité de la pièce repose sur les épaules des trois interprètes. À ce titre, Félix-Antoine Duval, qui tient son premier rôle au théâtre, est une révélation. Habité par le personnage de Carl, il fait preuve d’une grande finesse, jouant sur les variations d’émotions avec fermeté.
Dans la peau d’Ambroise, Maxime Denommée ne détone pas. Sa sensibilité habituelle travaille pour lui, même si, à plusieurs reprises, on sent qu’il déclame sa partition plus qu’il ne la joue. Quant à Alexandre Goyette, il utilise son innocence et sa violence intérieure pour camper Victor, le frère rustre et un peu benêt, qui se révélera néanmoins le plus lucide des trois, admettant ses erreurs et ses fautes, tout en entraînant ses deux autres frères sur le chemin de la rédemption… par l’expiation.
Le Chemin des Passes-Dangereuses
Texte: Michel Marc Bouchard. Mise en scène: Martine Beaulne. Scénographie: Claude Goyette. Éclairages: Guy Simard. Musique: Ludovic Bonnier. Accessoires: Normand Blais. Vidéo: Yves Labelle. Avec Maxime Denommée, Félix-Antoine Duval et Alexandre Goyette. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 24 mars 2018.