Donner rapporte-t-il plus que recevoir? Dans son exposé et son cours pratique sur la «méthode du demi-pain», le Suisse Martin Schick pose avec une apparente candeur la question de la générosité comme technique de marketing, tout en entraînant le public dans une expérience aux répercussions inattendues. Il entre sur scène au son de la grandiose ouverture de la 20th Century Fox, arborant un t-shirt avec l’inscription «Poutine 28 cents» et une calotte de travers, avec un simple sac de tissu contenant tous les accessoires nécessaires à sa performance. Puis il esquisse quelques pas de ballet, puisqu’il faut bien danser dans ce qu’il suppose avoir été annoncé (et financé) comme un spectacle de danse.
Il passe ensuite son public au scanneur, demandant à tous de se lever, comme à la messe (paraboles, sainteté et quête compléteront plus tard la métaphore religieuse), puis à tous ceux qui ont payé leur billet ou qui sont payés pour être là de se rasseoir. La technique rappelle le début du NoShow, qui demandait aux spectateurs de fixer le coût de leur billet. Mais ici, le manège n’aura pas d’incidence directe sur la représentation. À la toute fin, Schick demandera plutôt aux spectateurs d’avoir un impact sur les futures représentations en mettant en pratique sa fameuse technique de couper tous ses avoirs en deux pour redonner au prochain.
Après un exposé (lu sur des fiches avec support visuel en papier à l’appui) à propos de l’ironique soutien financier qui lui a été accordé par la Fondation Nestlé pour l’art et sur les incroyables retombées financières de la halfbreadtechnique pour les Bill Gates de ce monde, Martin Schick enchaîne les gestes de partage. La moitié de la scène (et du cachet) est cédée au danseur «issu d’un pays économiquement troublé», René Charles Audet, qui a pleinement tiré profit de la tribune qui lui était offerte. Mardi soir, au Carrefour international de théâtre, des mains se sont levées pour chaque offre: moitié de la moitié de la scène, moitié de chambre d’hôtel, moitié de blague, moitié de reconnaissance… Le performeur a passé au crible tout ce qu’il porte et tout ce dont il bénéficie en tant qu’artiste invité au festival.
La démarche a un certain effet comique, mais montre surtout les limites, les beautés et les incohérences d’une technique qui part d’un bon principe, mais qui peut facilement devenir absurde. Schick mène son jeu sans cynisme, avec candeur et bienveillance, et le public de Québec est entré dans la danse avec le même esprit, prêt à renoncer à plusieurs de ses prérogatives de spectateur (son siège, par exemple) pour vivre l’expérience à fond. Pour finir, le Suisse enlève un à un les boulons de la représentation pour décloisonner nos réflexes de consommateur, de spectateur et, dans une certaine mesure, d’humain. Reste à savoir si les effets feront vraiment leur chemin.
Concept, performance, scénographie, dramaturgie et production: Martin Schick. Une production de General Performances. À la Bordée, à l’occasion du Carrefour international de théâtre de Québec, jusqu’au 23 mai 2018.
Donner rapporte-t-il plus que recevoir? Dans son exposé et son cours pratique sur la «méthode du demi-pain», le Suisse Martin Schick pose avec une apparente candeur la question de la générosité comme technique de marketing, tout en entraînant le public dans une expérience aux répercussions inattendues. Il entre sur scène au son de la grandiose ouverture de la 20th Century Fox, arborant un t-shirt avec l’inscription «Poutine 28 cents» et une calotte de travers, avec un simple sac de tissu contenant tous les accessoires nécessaires à sa performance. Puis il esquisse quelques pas de ballet, puisqu’il faut bien danser dans ce qu’il suppose avoir été annoncé (et financé) comme un spectacle de danse.
Il passe ensuite son public au scanneur, demandant à tous de se lever, comme à la messe (paraboles, sainteté et quête compléteront plus tard la métaphore religieuse), puis à tous ceux qui ont payé leur billet ou qui sont payés pour être là de se rasseoir. La technique rappelle le début du NoShow, qui demandait aux spectateurs de fixer le coût de leur billet. Mais ici, le manège n’aura pas d’incidence directe sur la représentation. À la toute fin, Schick demandera plutôt aux spectateurs d’avoir un impact sur les futures représentations en mettant en pratique sa fameuse technique de couper tous ses avoirs en deux pour redonner au prochain.
Après un exposé (lu sur des fiches avec support visuel en papier à l’appui) à propos de l’ironique soutien financier qui lui a été accordé par la Fondation Nestlé pour l’art et sur les incroyables retombées financières de la halfbreadtechnique pour les Bill Gates de ce monde, Martin Schick enchaîne les gestes de partage. La moitié de la scène (et du cachet) est cédée au danseur «issu d’un pays économiquement troublé», René Charles Audet, qui a pleinement tiré profit de la tribune qui lui était offerte. Mardi soir, au Carrefour international de théâtre, des mains se sont levées pour chaque offre: moitié de la moitié de la scène, moitié de chambre d’hôtel, moitié de blague, moitié de reconnaissance… Le performeur a passé au crible tout ce qu’il porte et tout ce dont il bénéficie en tant qu’artiste invité au festival.
La démarche a un certain effet comique, mais montre surtout les limites, les beautés et les incohérences d’une technique qui part d’un bon principe, mais qui peut facilement devenir absurde. Schick mène son jeu sans cynisme, avec candeur et bienveillance, et le public de Québec est entré dans la danse avec le même esprit, prêt à renoncer à plusieurs de ses prérogatives de spectateur (son siège, par exemple) pour vivre l’expérience à fond. Pour finir, le Suisse enlève un à un les boulons de la représentation pour décloisonner nos réflexes de consommateur, de spectateur et, dans une certaine mesure, d’humain. Reste à savoir si les effets feront vraiment leur chemin.
Halfbreadtechnique
Concept, performance, scénographie, dramaturgie et production: Martin Schick. Une production de General Performances. À la Bordée, à l’occasion du Carrefour international de théâtre de Québec, jusqu’au 23 mai 2018.