Le FTA nous expose, pour notre plus grand plaisir, à des objets aux formes et aux envergures les plus contrastées. Un soir, c’est la machine de guerre d’Ivo van Hove, Kings of War, un spectacle d’une admirable démesure, feu roulant de couronnements et d’égorgements. Le lendemain, c’est la machine humaine de Jefta van Dinthe, Dark Field Analysis, un corps à corps si intimiste qu’il semble nous entraîner sous la surface de la peau, au cœur même du mystère de la chair.
Deux hommes sont assis, immobiles, sur un carré de tapis vert. Au-dessus de leur tête, un rectangle lumineux. Sur leurs corps entièrement nus, hormis un microphone au visage et un transmetteur au bras, se déposent des ombres vertes ou rouges. De tous les côtés, les quatre, des spectateurs qui les observent et qui s’observent. Qui sont ces deux hommes? Humains ou robots? Où sont-ils? Dans le passé ou dans le futur? Leur existence est-elle devant ou derrière eux? Au-dessus ou en dessous? La vie se retirerait-elle peu à peu de leur corps? Ou ne serait-elle pas plutôt en train d’y revenir, d’y reprendre ses droits? Vous aurez compris que le spectacle du chorégraphe et danseur néerlando-suédois soulève des questions pour le moins existentielles.
À vrai dire, la pièce d’une heure agit comme un miroir, une surface réfléchissante sur laquelle le spectateur aura tout le loisir de projeter ses passions et ses obsessions, ses bonheurs et ses frayeurs, ses bénédictions et ses démons. Sous nos yeux éblouis ou plissés, toujours rivés, dans la pleine lumière comme dans la plus grande obscurité, le chorégraphe donne naissance à des images indéniablement percutantes – à partir d’une gestuelle impitoyable, un vocabulaire qui glisse de l’automate, précis et saccadé, à l’animal, délié et fougueux –, mais surtout ouvertes, c’est-à-dire éminemment suggestives, superbement évocatrices. Engagé dans une trajectoire giratoire en adéquation avec le dispositif scénique, les deux hommes prennent appui l’un sur l’autre, avancent et reculent, gisent et surgissent, caressent et piaffent, ondulent et frémissent, forment un seul et même mécanisme, une machinerie recouverte de sueur au sein de laquelle deux cœurs battent à tout rompre.
Quelques mots d’anglais servent de balises. Certains sont prononcés. D’autres, empruntés à deux pièces de PJ Harvey (The Slow Drug et Horses in my Dreams), sont chantés en direct avec une conviction qui donne la chair de poule. S’il fallait choisir un axe, un filon dans cette profusion de signifiants, se serait sans doute la notion de lien. Ce fil ténu qui unit le corps à la vie, les sujets aux objets, les morts aux fringants, ceux qui désirent à ceux qui sont désirés, les humains aux animaux, le vivant à la machine, le début à la fin, le ciel à la terre. Sommes-nous en enfer ou au paradis? Sont-ce des anges déchus ou des démons en pleine ascension? Sont-ce des adversaires ou des amants? Autant de questions qui ne trouvent pas de réponses, continuent de nous tarauder, et c’est très bien ainsi.
Chorégraphie et mise en scène: Jefta van Dinther. Éclairages: Minna Tiikkainen. Scénographie: Cristina Nyffeler. Son: David Kiers. Texte: Jefta van Dinther, Juan Pablo Camara et Roger Sala Reyner. Avec Juan Pablo Cámara et Roger Sala Reyner. Une production de Jefta van Dinther. Au Théâtre Prospero, à l’occasion du Festival TransAmériques, jusqu’au 27 mai 2018.
Le FTA nous expose, pour notre plus grand plaisir, à des objets aux formes et aux envergures les plus contrastées. Un soir, c’est la machine de guerre d’Ivo van Hove, Kings of War, un spectacle d’une admirable démesure, feu roulant de couronnements et d’égorgements. Le lendemain, c’est la machine humaine de Jefta van Dinthe, Dark Field Analysis, un corps à corps si intimiste qu’il semble nous entraîner sous la surface de la peau, au cœur même du mystère de la chair.
Deux hommes sont assis, immobiles, sur un carré de tapis vert. Au-dessus de leur tête, un rectangle lumineux. Sur leurs corps entièrement nus, hormis un microphone au visage et un transmetteur au bras, se déposent des ombres vertes ou rouges. De tous les côtés, les quatre, des spectateurs qui les observent et qui s’observent. Qui sont ces deux hommes? Humains ou robots? Où sont-ils? Dans le passé ou dans le futur? Leur existence est-elle devant ou derrière eux? Au-dessus ou en dessous? La vie se retirerait-elle peu à peu de leur corps? Ou ne serait-elle pas plutôt en train d’y revenir, d’y reprendre ses droits? Vous aurez compris que le spectacle du chorégraphe et danseur néerlando-suédois soulève des questions pour le moins existentielles.
À vrai dire, la pièce d’une heure agit comme un miroir, une surface réfléchissante sur laquelle le spectateur aura tout le loisir de projeter ses passions et ses obsessions, ses bonheurs et ses frayeurs, ses bénédictions et ses démons. Sous nos yeux éblouis ou plissés, toujours rivés, dans la pleine lumière comme dans la plus grande obscurité, le chorégraphe donne naissance à des images indéniablement percutantes – à partir d’une gestuelle impitoyable, un vocabulaire qui glisse de l’automate, précis et saccadé, à l’animal, délié et fougueux –, mais surtout ouvertes, c’est-à-dire éminemment suggestives, superbement évocatrices. Engagé dans une trajectoire giratoire en adéquation avec le dispositif scénique, les deux hommes prennent appui l’un sur l’autre, avancent et reculent, gisent et surgissent, caressent et piaffent, ondulent et frémissent, forment un seul et même mécanisme, une machinerie recouverte de sueur au sein de laquelle deux cœurs battent à tout rompre.
Quelques mots d’anglais servent de balises. Certains sont prononcés. D’autres, empruntés à deux pièces de PJ Harvey (The Slow Drug et Horses in my Dreams), sont chantés en direct avec une conviction qui donne la chair de poule. S’il fallait choisir un axe, un filon dans cette profusion de signifiants, se serait sans doute la notion de lien. Ce fil ténu qui unit le corps à la vie, les sujets aux objets, les morts aux fringants, ceux qui désirent à ceux qui sont désirés, les humains aux animaux, le vivant à la machine, le début à la fin, le ciel à la terre. Sommes-nous en enfer ou au paradis? Sont-ce des anges déchus ou des démons en pleine ascension? Sont-ce des adversaires ou des amants? Autant de questions qui ne trouvent pas de réponses, continuent de nous tarauder, et c’est très bien ainsi.
Dark Field Analysis
Chorégraphie et mise en scène: Jefta van Dinther. Éclairages: Minna Tiikkainen. Scénographie: Cristina Nyffeler. Son: David Kiers. Texte: Jefta van Dinther, Juan Pablo Camara et Roger Sala Reyner. Avec Juan Pablo Cámara et Roger Sala Reyner. Une production de Jefta van Dinther. Au Théâtre Prospero, à l’occasion du Festival TransAmériques, jusqu’au 27 mai 2018.