Critiques

Oblivion : Valoriser les déchets

Bernhard Muller

Les déchets, autant physiques qu’organiques, en disent généralement beaucoup sur leurs propriétaires et sur la société dans laquelle ils vivent. La Belge Sarah Vanhee a méticuleusement conservé chacune de ses propres ordures commerciales pendant une année, période durant laquelle elle est aussi tombée enceinte et a accouché. Les détritus tiennent dans une quarantaine de boîtes disposées sur un côté de la scène. Durant les 200 minutes d’Oblivion, l’artiste multidisciplinaire va soigneusement installer, un à un, tous ses déchets, la plupart du temps des restes d’objets industrialisés comme des cartons de lait, des bouteilles de vin ou de bière, des contenants de yaourt, et du plastique en tous genres, beaucoup de plastique.

Phile Deprez

Plus la scène se couvre et plus le spectateur se sent étouffé, prenant visuellement conscience de l’énorme quantité de rebuts que les humains produisent. Mais Sarah Vanhee ne fait pas que déballer des boîtes, elle parle aussi, assez peu finalement. Comme elle offre uniquement des ébauches de textes, des extraits de pourriels, des rebuts de pensées, son propos est souvent abscons et sans intérêt, si ce n’est celui d’appuyer le fait que ces écrits, s’il étaient destinés à la corbeille à papier, auraient probablement dû y rester.

Elle nous livre ensuite, sans aucune émotion, son journal de défécation, de novembre à février, avec moult détails, insistant sur le fait que nos déjections naturelles sont aussi des déchets produits par notre propre corps. Sa litanie de crottes molles ou odorantes n’est pas provocatrice, simplement inintéressante, ce qui est bien pire. C’est ensuite d’un long générique de tous ceux qui ont participé de près ou de très loin à la création du spectacle qu’elle nous abreuve. Là encore, on cherche le sens.

Phile Deprez

Pendant les nombreux intermèdes musicaux ou de bruitages, on se sent petit à petit interpellés par tous ces détritus exposés. On reconnaît certains contenants, on se demande quelle pouvait être l’utilisation de certains autres, et, étrangement, on en vient à réfléchir à notre propre production de déchets. En redonnant une valeur à ce qui n’en a plus, du moins à nos yeux, l’artiste belge provoque une prise de conscience de l’impact de notre empreinte sur la planète, une sensibilisation encore plus grande que toutes les campagnes écologistes et autres appels au respect de l’environnement. Tout n’est pas parfait dans cette installation-spectacle, loin de là, mais son propos introduit un doute et une conscientisation qui va finalement faire son chemin, longtemps après le salut.

Oblivion

Conception et interprétation: Sarah Vanhee. Regard extérieur: Mette Edvardsen et Berno Odo Polzer. Son: Alma Soderberg et Hendrik Willekens. Voix: Jakob Ampe. À la Cinquième Salle de la Place des Arts, à l’occasion du Festival TransAmériques, jusqu’au 28 mai 2018, et à la Caserne Dalhousie, à l’occasion du Carrefour international de théâtre de Québec, les 31 mai et 1er juin 2018.