« Cultivons » la lucidité plutôt que « notre jardin » pourrait être aujourd’hui le précieux message de Voltaire. Dans l’histoire imaginée par Pierre Yves Lemieux, on voit Voltaire, « exilé » à Ferney en 1758 pour abus de liberté d’expression, s’entourer d’amis – la fidèle Madame Denis, son secrétaire, une jeune actrice et un acteur de la Comédie française, venu de Paris – pour écrire en direct son conte philosophique Candide. Les occasions ne manquent pas à la bande de souligner l’importance de la Raison comme remède à l’ignorance, à la mystification et au jovialisme.
Fustigeant « l’indifférence coupable », Pierre Yves Lemieux réussit à mettre dans la bouche de ses personnages des propos d’une parfaite actualité. Dans les pas de Voltaire, il dénonce sans détour l’absurdité des guerres, le silence devant la torture, les crimes, les viols et autres agressions, la bêtise de celui qui se laisse berner par des propos lénifiants, l’égoïsme de celui qui ne cherche que son profit, sans oublier le fanatisme !
Sur la scène du TNM, Alice Ronfard (digne fille de son père) mène allègrement l’équipée de ces voltairiens jouant, reprenant, commentant des scènes de Candide, cette « petite » histoire que le tragédien philosophe a voulu « claire » pour rendre les gens « plus intelligents ». L’habile mise en abyme permet une discussion animée autour des idées de l’illustre auteur mais aussi de le paraphraser. Ce qui donne lieu à de bons mots qui résonnent particulièrement fort aujourd’hui : « Est-ce qu’on ne peut écrire que ce qui est accepté de tous ? », « Qui se pose n’est plus en exil », un décisif « Nous parlerons ! ». Et quand Voltaire condamne l’esclavage, au prix duquel le sucre arrive à Paris, Lemieux lance au spectateur « Que savez-vous de vos vêtements ? ».
Une histoire simple dans un monde en tumulte
Pour avoir embrassé Cunégonde, Candide a été chassé du château de son enfance (lire le paradis), où les enseignements de Pangloss l’avaient habitué à considérer que « tout était bien dans le meilleur des mondes ». Il erre ensuite à la quête de sa bien-aimée, cherchant son bonheur par tous les continents, dans l’Eldorado utopique et en Canada (où les Français vont bientôt oublier leur langue !), jusqu’à Venise et Constantinople. Confronté à de dures réalités, il prend conscience de sa naïveté et de la barbarie humaine. Roman d’apprentissage, Candide donne l’occasion à Voltaire d’énoncer les « grandes questions » : pourquoi souffrons-nous ? Si Dieu existe, il ne peut être cruel ? Le monde est-il insensé ?
Avec une belle fougue, tous les comédiens jouent admirablement ce théâtre dans le théâtre, passant d’un personnage à l’autre avec aplomb. Les costumes colorés, les éclairages, les vidéos, le décor (au milieu duquel pend un énorme et magnifique lustre, à la fois rappel de la cour du roi et métaphore des Lumières), tout entraine le spectateur dans l’aventure rocambolesque qui mène Candide de l’innocence à la liberté. Emmanuel Schwartz incarne un Voltaire vivace, à la fois volontaire et sensible à la critique, orgueilleux et sincèrement ébranlé par ses propres questionnements. Terrain où on le suit.
Mais, à la fin, si Candide trouve satisfaction, voire bonheur, dans la culture de son jardin, qu’en est-il de Voltaire demande Pierre Yves Lemieux ? Et de lui écrire un monologue final rapépour tenter de répondre à cette question. Pertinent ou superfétatoire ?
Texte de Pierre Yves Lemieux d’après de roman de Voltaire. Mise en scène : Alice Ronfard. Avec Valérie Blais, Patrice Coquereau, Larissa Corriveau, Benoît Drouin-Germain et Emmanuel Schwartz. Décor : Danièle Lévesque. Costumes : Marie Chantal Vaillancourt. Éclairages : Cédric Delorme-Bouchard. Musique originale : Tomas Furey. Conception vidéo : Éric Gagnon. Accessoires : Julie Measroch. Maquillages et perruques : Angelo Barsetti et Géraldine Courchesne. Une production du Théâtre du Nouveau Monde à l’affiche jusqu’au 6 octobre 2018.
« Cultivons » la lucidité plutôt que « notre jardin » pourrait être aujourd’hui le précieux message de Voltaire. Dans l’histoire imaginée par Pierre Yves Lemieux, on voit Voltaire, « exilé » à Ferney en 1758 pour abus de liberté d’expression, s’entourer d’amis – la fidèle Madame Denis, son secrétaire, une jeune actrice et un acteur de la Comédie française, venu de Paris – pour écrire en direct son conte philosophique Candide. Les occasions ne manquent pas à la bande de souligner l’importance de la Raison comme remède à l’ignorance, à la mystification et au jovialisme.
Fustigeant « l’indifférence coupable », Pierre Yves Lemieux réussit à mettre dans la bouche de ses personnages des propos d’une parfaite actualité. Dans les pas de Voltaire, il dénonce sans détour l’absurdité des guerres, le silence devant la torture, les crimes, les viols et autres agressions, la bêtise de celui qui se laisse berner par des propos lénifiants, l’égoïsme de celui qui ne cherche que son profit, sans oublier le fanatisme !
Sur la scène du TNM, Alice Ronfard (digne fille de son père) mène allègrement l’équipée de ces voltairiens jouant, reprenant, commentant des scènes de Candide, cette « petite » histoire que le tragédien philosophe a voulu « claire » pour rendre les gens « plus intelligents ». L’habile mise en abyme permet une discussion animée autour des idées de l’illustre auteur mais aussi de le paraphraser. Ce qui donne lieu à de bons mots qui résonnent particulièrement fort aujourd’hui : « Est-ce qu’on ne peut écrire que ce qui est accepté de tous ? », « Qui se pose n’est plus en exil », un décisif « Nous parlerons ! ». Et quand Voltaire condamne l’esclavage, au prix duquel le sucre arrive à Paris, Lemieux lance au spectateur « Que savez-vous de vos vêtements ? ».
Une histoire simple dans un monde en tumulte
Pour avoir embrassé Cunégonde, Candide a été chassé du château de son enfance (lire le paradis), où les enseignements de Pangloss l’avaient habitué à considérer que « tout était bien dans le meilleur des mondes ». Il erre ensuite à la quête de sa bien-aimée, cherchant son bonheur par tous les continents, dans l’Eldorado utopique et en Canada (où les Français vont bientôt oublier leur langue !), jusqu’à Venise et Constantinople. Confronté à de dures réalités, il prend conscience de sa naïveté et de la barbarie humaine. Roman d’apprentissage, Candide donne l’occasion à Voltaire d’énoncer les « grandes questions » : pourquoi souffrons-nous ? Si Dieu existe, il ne peut être cruel ? Le monde est-il insensé ?
Avec une belle fougue, tous les comédiens jouent admirablement ce théâtre dans le théâtre, passant d’un personnage à l’autre avec aplomb. Les costumes colorés, les éclairages, les vidéos, le décor (au milieu duquel pend un énorme et magnifique lustre, à la fois rappel de la cour du roi et métaphore des Lumières), tout entraine le spectateur dans l’aventure rocambolesque qui mène Candide de l’innocence à la liberté. Emmanuel Schwartz incarne un Voltaire vivace, à la fois volontaire et sensible à la critique, orgueilleux et sincèrement ébranlé par ses propres questionnements. Terrain où on le suit.
Mais, à la fin, si Candide trouve satisfaction, voire bonheur, dans la culture de son jardin, qu’en est-il de Voltaire demande Pierre Yves Lemieux ? Et de lui écrire un monologue final rapépour tenter de répondre à cette question. Pertinent ou superfétatoire ?
Candide ou l’optimisme
Texte de Pierre Yves Lemieux d’après de roman de Voltaire. Mise en scène : Alice Ronfard. Avec Valérie Blais, Patrice Coquereau, Larissa Corriveau, Benoît Drouin-Germain et Emmanuel Schwartz. Décor : Danièle Lévesque. Costumes : Marie Chantal Vaillancourt. Éclairages : Cédric Delorme-Bouchard. Musique originale : Tomas Furey. Conception vidéo : Éric Gagnon. Accessoires : Julie Measroch. Maquillages et perruques : Angelo Barsetti et Géraldine Courchesne. Une production du Théâtre du Nouveau Monde à l’affiche jusqu’au 6 octobre 2018.